Question N° :
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Question publiée au JO le :
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Réponse publiée au JO le :
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Analyse : |
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DEBAT : |
M. Noël Mamère. Vu le temps qui reste, elle sera forcément courte, monsieur le président. Monsieur le Premier ministre, la visite du président Clinton à Gorée, le trentième anniversaire de l'assassinat de Martin Luther King et le cent-cinquantième anniversaire de l'abolition de l'esclavage dans notre pays rappellent à nos consciences et à nos mémoires le poids du crime contre l'humanité commis par l'Europe et l'Amérique contre le continent africain. Nous ne pouvons ignorer notre devoir de réparation vis-à-vis de ce continent, qui paie les drames et les désastres subis pendant deux siècles et demi d'esclavage, suivis par une période de colonisation qui a souvent appliqué les mêmes méthodes: déportations de populations, enrôlement forcé des hommes dans les armées et travail forcé. Ne serait-il pas possible de lever les obstacles juridiques et de donner l'exemple, la France reconnaissant sa responsabilité particulière (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française)... Mme Huguette Bello. Très bien ! M. Jacques Baumel. Y en a marre de la repentance permanente ! M. Noël Mamère. ... ainsi que la notion de crime contre l'humanité vis-à-vis des populations noires, et notre représentant à l'ONU demandant à cette instance internationale de reconnaître à son tour le crime contre l'humanité à l'égard du continent noir ? Enfin, notre pays n'aura définitivement réglé sa dette à l'égard de l'Afrique que lorsqu'il aura fait la vérité sur la question des responsabilités françaises dans le génocide du Rwanda, lorsqu'il aura levé le verrouillage sur la question du dossier Elf et lorsqu'il ne renverra plus dans leur pays des hommes et des femmes qui attendaient de nous que nous réglions notre dette. (Applaudissements sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.) M. Patrick Ollier. Il ne faut pas se repentir à propos de tout ! M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Monsieur le député, vous nous interrogez sur l'expression «crime contre l'humanité» et vous pensez que cette notion pourrait s'appliquer à cette page noire de notre histoire,... M. Elie Hoarau. Expression malheureuse, monsieur le ministre ! M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. ... lorsque 15 à 30 millions de jeunes hommes et de jeunes femmes ont été arrachés aux côtes d'Afrique. M. Jacques Baumel. Par des noirs ! M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Si l'on s'en tient au plan historique, au plan humain, l'ampleur des souffrances endurées peut évidemment autoriser à employer cette expression. Si l'on s'en tient à la définition juridique, vous savez que le code pénal précise, dans son article 212-1, les deux conditions nécessaires pour que la réduction en esclavage constitue un crime contre l'humanité. Il faut d'abord que celle-ci ait été inspirée «par des motifs politiques, philosophiques, raciaux ou religieux». Or chacun sait bien que c'est le mobile économique qui a le plus directement inspiré les armateurs nantais, bordelais ou havrais dans l'extraordinaire mobilisation de la puissance maritime française pour se livrer au commerce mondial d'une matière première singulière, commerce dont nous avons dénoncé les méfaits. Il est vrai, cependant, que certains propos racistes, religieux parfois, philosophiques souvent, pouvaient donner bonne conscience aux armateurs français et européens. Il a été rappelé, notamment par vous-même, monsieur le député, que la France n'était pas la seule, hélas ! à regretter cette triste page de son histoire. Oserai-je rappeler une définition tirée du Dictionnaire d'histoire naturelle de 1803: «Le nègre est et sera toujours esclave. L'intérêt l'exige, la politique le demande et sa propre constitution s'y soumet presque sans peine.» Ce «presque» est tout à fait intéressant. (Murmures.) Mais il est non moins vrai que la seconde condition posée par le code pénal - une oeuvre «organisée en exécution d'un plan concerté à l'encontre d'un groupe de population» - n'était pas remplie car toutes les populations côtières d'Afrique ont été victimes de l'esclavage. Le dommage durable qu'ont subi de nombreux territoires africains mérite réparation et, comme d'autres pays, la France devrait y trouver, s'il en était besoin, la justification d'un effort massif en faveur de l'aide publique au développement des pays concernés. Quant à l'imputation de «crime contre l'humanité», nous sommes, avec Mme la ministre de la justice, disposés à l'examiner. Je rappellerai cependant que les formes les plus modernes d'esclavage - je pense en particulier à l'exploitation des domestiques - relèvent heureusement d'autres dispositions pénales. Est-il besoin de dire que le Gouvernement lutte contre elles avec détermination, par la mise en oeuvre de ces dispositions ? Quoi qu'il en soit, la question que vous avez posée peut être considérée comme étant désormais à l'étude et nous aurons l'occasion d'en reparler. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.) |