Texte de la QUESTION :
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M. Léonce Deprez appelle l'attention de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité sur les pratiques discutables des établissements installées dans les zones portuaires, pratiquant le « cash and carry ». Ces établissements qui apparaissent et disparaissent au gré des circonstances et des contrôles pratiquent des conditions de travail d'un autre âge au mépris des lois sociales et des organismes chargés de les contrôler dont l'URSSAF et l'inspection du travail. Pour la seule zone portuaire de Calais, existeraient quarante-cinq hangars éparpillés dans les diverses zones industrielles et concernant plusieurs centaines de personnes employées dans des conditions précaires au mépris des lois sociales. Aussi lui demande-t-il de lui préciser la nature, les perspectives et les échéances de son action et de celle de ses services pour mettre bon ordre à ces pratiques anti-sociales qui, de surcroît, créent une concurrence déloyale à l'égard des activités commerciales des zones portuaires du Nord - Pas-de-Calais.
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Texte de la REPONSE :
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L'honorable parlementaire appelle l'attention de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité sur les conditions d'emploi dans ces établissements installés dans la zone portuaire calaisienne. Le ministère de l'emploi et de la solidarité est conscient du développement, dans cette région, des agissements frauduleux de certaines entreprises, tant en matière sociale que fiscale. Aujourd'hui, il existe sur la zone portuaire de Calais une trentaine d'établissements de type « cash and carry » opérant dans le commerce des vins, bières et alcools dont les deux tiers méritent une attention toute particulière de la part des services de contrôle. L'intérêt à la fraude dans ce secteur, en effet, est à la mesure de ses enjeux financiers déterminés par l'importance des chiffres d'affaires réalisés et de la fiscalité applicable (TVA et accises). Le caractère nocturne et éphémère de ce type d'entreprises (trois mois d'existence en moyenne) a également favorisé le développement de pratiques délictueuses. La présence d'une main d'oeuvre étrangère irrégulière et docile a pu aussi être exploitée de façon illicite. Depuis leur création au début des années 90, les « cash » ont été en premier lieu très contrôlés par l'administration fiscale (la DGI tout d'abord puis la DGDDI en 1993 quand le secteur des contributions indirectes lui a été rattaché), eu égard, notamment, à leur statut de débitants de boissons. Plus récemment, dans un contexte général de développement de la fraude dans le secteur des alcools, en particulier dans la région de Calais du fait d'une grande proximité du marché britannique, les contrôles inter-services ont été intensifiés au sein du ministère des finances (DGI/DGDDI/DGCCRF) dans le cadre de la lutte contre l'économie souterraine. Les services d'inspection du travail ont, de leur côté, augmenté sensiblement les contrôles dans ces établissements. Au total, plus d'une centaine d'interventions ont été ainsi réalisées par l'ensemble des administrations de contrôle concernées au cours des douze derniers mois. Elles ont donné lieu à des redressements fiscaux d'un montant total de plusieurs dizaines de millions de francs et à plus de trente procès-verbaux de l'inspection du travail dont dix environ pour travail dissimulé. Le parquet de Boulogne-sur-Mer, par ailleurs, dispose, de moyens offerts par l'article L. 3332-15 du code de la santé publique qui permet dans certains cas d'ordonner la fermeture temporaire des débits de boissons. Ces résultats encourageants ne doivent pas masquer les difficultés rencontrées par les différents services impliqués pour appréhender dans la durée les comportements frauduleux et pour faire appliquer dans les faits les peines judiciaires ou les pénalités administratives prononcées à l'encontre de contrevenants qui ont souvent leur résidence habituelle à l'étranger et qui organisent eux-mêmes la volatilité juridique de leurs entreprises. C'est pourquoi d'autres formes d'interventions plus coopératives entre les diverses administrations concernées sont organisées : compte tenu de la part qu'occupent les pratiques de travail illégal dans l'organisation de cette délinquance économique et sociale et eu égard à sa nature interministérielle, la DILTI a été sollicitée en juin 2001 par le procureur de la République de Boulogne-sur-Mer, pour apporter une expertise supplémentaire dans l'analyse de ces pratiques et mieux cerner les conditions d'une intervention coordonnée de l'ensemble des services concernés. A ce titre, une représentante de la délégation s'est rendue le 12 juillet à Calais dans le cadre d'une opération de coordination interministérielle. Celle-ci se déroulait sous l'égide de M. le procureur de la République de Boulogne-sur-Mer, véritable pilote depuis 1997 de l'action sur place des services de contrôle impliqués dans la lutte contre le travail illégal. Les actions concertées se sont ainsi très sensiblement développées : réquisitions à personne qualifiée (art. 60 et 77-1 du code de procédure pénale) de l'inspection du travail, prêt de main forte (police ou gendarmerie) à l'inspection du travail et URSSAF. De même, la collaboration des douanes et de la police a permis le démantèlement d'une filière avec appréhension et mise en examen des gérants de fait pour abus de biens sociaux et banqueroute. De nouveaux moyens d'action sont également mis en oeuvre : rappel des obligations fiscales, douanières et de concurrence aux établissements nouvellement installés, intensification des contrôles, présence plus forte sur le terrain des administrations concernées et tentative de renforcement de la coopération douanière franco-anglaise (AAMI). En outre, l'action des services devrait se trouver facilitée par la récente obligation incombant désormais aux « cash and carry » (art. 18 de la loi de finances pour 1999), lorsqu'ils vendent des quantités supérieures aux seuils communautaires (1), d'acquérir le statut d'entrepositaire agréé. Celui-ci est conditionné par la mise en place d'une caution solidaire auprès de la recette des douanes compétente territorialement ainsi que par la tenue d'une comptabilité-matières, permettant des contrôles douaniers plus ciblés et efficaces.
(1) Déterminés sur le fondement de l'article 9 de la directive 92/12/CEE du Conseil du 25 février 1992.
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