FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 567  de  M.   Quentin Didier ( Rassemblement pour la République - Charente-Maritime ) QOSD
Ministère interrogé :  économie
Ministère attributaire :  économie
Question publiée au JO le :  18/01/1999  page :  235
Réponse publiée au JO le :  20/01/1999  page :  22
Rubrique :  contributions indirectes
Tête d'analyse :  accises
Analyse :  pineau des Charentes
Texte de la QUESTION : M. Didier Quentin appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la dramatique situation de la filière viticole de la région de Cognac. Devant les graves difficultés que connaît cette filière, le Gouvernement étudie une modification de la fiscalité de ce secteur d'activité, qui tienne compte de la spécificité des modes de production et de commercialisation, ainsi que de la situation financière de la filière. Il semblerait que la fiscalité qui touche le pineau des Charentes ne fasse pas l'objet de modifications. Or les producteurs de pineau des Charentes, qui produisent nécessairement du cognac, subissent des droits d'accises quatre fois supérieurs à leurs collègues producteurs de vins doux naturels. Cette discrimination annihile tous leurs efforts de commercialisation. Aussi, une modification de la fiscalité de la filière Cognac n'aurait-elle aucune conséquence sensible sur la situation des producteurs de pineau des Charentes si elle n'entreprend pas un rééquilibrage entre la fiscalité des vins doux naturels et celle du pineau. Aussi, lui demande-t-il, s'il entend modifier la fiscalité indirecte du pineau des Charentes et s'opposer à toute proposition qui viserait à retirer les vins doux naturels de la catégorie des vins de liqueur de qualité produits dans des régions déterminées (VLQPRD).
Texte de la REPONSE : M. le président. M. Didier Quentin a présenté une question, n° 567, ainsi rédigée:
«M. Didier Quentin appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la dramatique situation de la filière viticole de la région de Cognac. Devant les graves difficultés que connaît cette filière, le Gouvernement étudie une modification de la fiscalité de ce secteur d'activité, qui tienne compte de la spécificité des modes de production et de commercialisation, ainsi que de la situation financière de la filière. Il semblerait que la fiscalité qui touche le pineau des Charentes ne fasse pas l'objet de modifications. Or les producteurs de pineau des Charentes, qui produisent nécessairement du cognac, subissent des droits d'accises quatre fois supérieurs à leurs collègues producteurs de vins doux naturels. Cette discrimination annihile tous leurs efforts de commercialisation. Aussi, une modification de la fiscalité de la filière Cognac n'aurait-elle aucune conséquence sensible sur la situation des producteurs de pineau des Charentes si elle n'entreprend pas un rééquilibrage entre la fiscalité des vins doux naturels et celle du pineau. Aussi, lui demande-t-il, s'il entend modifier la fiscalité indirecte du pineau des Charentes et s'opposer à toute proposition qui viserait à retirer les vins doux naturels de la catégorie des vins de liqueur de qualité produits dans des régions déterminées (VLQPRD).»
La parole est à M. Didier Quentin, pour exposer sa question. Et c'est M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale qui va y répondre.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale. Cela tombe bien !
M. Didier Quentin. Et je m'en rejouis.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite une nouvelle fois appeler l'attention du Gouvernement sur la dramatique situation de la filière viticole de la région de Cognac et en particulier des producteurs de pineau des Charentes. J'associe à ma question mon collègue Dominique Bussereau.
Après un certain nombre de dispositions, arrêtées par le ministre de l'agriculture au mois de novembre 1998, une modification de la fiscalité de ce secteur d'activité est actuellement à l'étude, pour l'adapter à la spécificité de son mode de production et de commercialisation, ainsi qu'à sa situation financière.
Il semblerait que le problème de la fiscalité discriminatoire subie par le pineau des Charentes ait été oublié. Or, il paraît indispensable de modifier le régime des impôts indirects - les droits d'accises - qui sanctionne injustement les producteurs de pineau des Charentes.
Ces producteurs, qui utilisent plus de 30 000 hectolitres volume de cognac par an et participent ainsi à la nécessaire diversification de la filière, subissent des droits d'accises quatre fois supérieurs à leurs confrères producteurs de vins doux naturels. Cela représente, pour le consommateur, une différence de prix de 15 francs par bouteille en moyenne ! Cette discrimination fiscale annihile tous leurs efforts de commercialisation. Ils la supportent d'autant plus mal que la taxation de ces deux produits intermédiaires, que sont le pineau des Charentes et les vins doux naturels, est uniforme dans toute l'Europe, sauf en France ! Or, le marché français représente 75 % de leurs ventes.
En outre, avec leurs confrères producteurs de Floc de Gascogne, ils ont engagé quatre procédures devant les tribunaux administratifs français, pour que les principes d'égalité et de proportionnalité de la fiscalité soient respectés, conformément au droit communautaire. Mais les procédures judiciaires prennent du temps et la situation dramatique de la viticulture charentaise appelle des décisions immédiates.
C'est pourquoi il est vital de revoir la fiscalité du pineau des Charentes sans délai.
De plus, est actuellement en discussion, devant le Parlement européen, le projet de réforme de l'organisation commune des marchés viti-vinicoles. Un certain nombre d'amendements seront présentés au vote dans une semaine exactement. Ils tendent à retirer les vins doux naturels de la liste des vins de liqueur de qualité produits dans des régions déterminées - VLQPRD - liste qui inclut aussi le pineau des Charentes, pour accorder aux vins doux naturels un statut spécifique, afin de justifier ultérieurement leur privilège fiscal.
Ces propositions sont totalement inacceptables.
En effet, il est déjà surprenant de désavantager fiscalement, au sein des vins de liqueur de qualité produits dans des régions déterminées, les vins de liqueur qui, comme le pineau des Charentes, ont les contraintes de production les plus importantes. Il serait totalement inique d'établir juridiquement les fondements de cette injuste discrimination.
C'est pourquoi il est impératif, monsieur le secrétaire d'Etat, de s'opposer, avec vigueur, aux amendements contenus dans le rapport Martin révisé. Il s'agit - c'est un peu technique, je vous prie de m'en excuser - de l'amendement n° 56 bis nouveau qui tend à créer une catégorie vins doux naturels en supplément des catégories existantes, de l'amendement 64 qui traite des vins doux naturels parmi les vins de table, et de l'amendement 64 qui, en réinsérant l'article 13 du règlement CEE 4252/88, tend à créer une catégorie vins doux naturels hors des vins de liqueur de qualité produits dans des régions déterminées.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je le souligne avec gravité, la filière Cognac lutte courageusement pour sa survie. Le développement du secteur pineau des Charentes est l'une des principales chances de rétablissement durable de la filière. Tout doit donc être fait pour le soutenir.
Aussi, je vous demande de m'indiquer, premièrement, si vous entendez modifier la fiscalité indirecte du pineau des Charentes, dans le sens d'un rééquilibrage avec celle des vins doux naturels; et, deuxièmement, si vous allez vous opposer fermement, à Bruxelles et à Strasbourg, aux initiatives que j'ai mentionnées, et qui seraient contraires au principe d'égalité de traitement entre produits similaires.
Je me permets d'insister sur l'urgence de cette affaire, car ces amendements funestes pour le pineau des Charentes seront présentés au vote de l'organisation commune de marchés viti-vinicoles le mardi 26 janvier prochain.
M. le président. Monsieur le secrétaire d'Etat, quelle réponse apportez-vous à cette question qui intéresse tous les amateurs de pineau des Charentes ? Vous avez la parole.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale. J'ai compris que je devais me contenter de lire la réponse que M. Dominique Strauss-Kahn a préparée à mon intention. J'y ajouterai une petite note personnelle.
Monsieur le député, le Gouvernement ne méconnaît pas la situation difficile de la filière viticole du cognac à la suite de la chute de certaines exportations.
Mais la modification de la fiscalité applicable au pineau des Charentes ne paraît pas, de prime abord, une solution à la hauteur du problème dont nous connaissons l'importance.
Il serait d'ailleurs contreproductif d'entreprendre à la hâte une réforme des seuls droits de consommation applicables au pineau des Charentes au risque de perturber l'équilibre d'autres régions de production, notamment celles des vins doux naturels.
En revanche, il est nécessaire d'avoir une vision d'ensemble permettant d'apprécier la situation dans sa globalité pour tout le vignoble charentais.
C'est pourquoi le directeur régional des impôts de Poitou-Charentes a été chargé d'une mission d'étude destinée à examiner si l'ensemble des dispositions fiscales applicables au secteur du vignoble charentais sont adaptées à la spécificité de son mode de production et de commercialisation ainsi qu'à sa situation financière annuelle.
Dans ce cadre, une très large concertation avec les représentants de la profession et les élus locaux a été engagée.
Je tiens compte de votre deuxième question concernant l'examen prochain à Bruxelles des amendements que vous avez dénoncés. Dès que la mission d'étude sera terminée, c'est-à-dire dans peu de temps, la représentation nationale sera tenue informée des décisions qui seront prises à la suite du rapport qui sera remis.
Le seul ajout que je ferai à la réponse de M. Dominique Strauss Kahn est que ces décisions tiendront, bien entendu, compte des nécessités de santé publique. (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Didier Quentin.
M. Didier Quentin. Monsieur le secrétaire d'Etat, croyez bien que les nécessités de la santé publique sont également bien présentes à notre esprit !
M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale. Bien sûr !
M. Didier Quentin. Nous pensons évidemment à une consommation faite avec modération.
Nous ne demandons aucunement que des décisions soient prises à la hâte. Cela fait des années, et même des décennies, que la fiscalité applicable au pineau des Charentes souffre de discriminations. Des procédures ont d'ailleurs été engagées, mais, comme chacun le sait, la justice est lente. Nous savons qu'un rapport a été demandé à la direction régionale des impôts de Poitou-Charentes. Nous attendons ses conclusions, mais il est douteux qu'elles nous parviennent avant le mardi 26 janvier. Or je me permets d'insister sur la deuxième partie de ma question. Non seulement les dispositions proposées ne réduiraient pas les discriminations, mais elles les accentueraient encore et leur donneraient un fondement juridique.
Je me permets de souligner avec solennité la nécessité d'apporter une réponse à cette situation et de refuser les amendements que j'ai mentionnés dans l'exposé de ma question.
RPR 11 REP_PUB Poitou-Charentes O