FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 56928  de  M.   Martin-Lalande Patrice ( Rassemblement pour la République - Loir-et-Cher ) QE
Ministère interrogé :  intérieur
Ministère attributaire :  justice
Question publiée au JO le :  22/01/2001  page :  399
Réponse publiée au JO le :  05/11/2001  page :  6365
Date de signalisat° :  29/10/2001 Date de changement d'attribution :  12/02/2001
Rubrique :  jeunes
Tête d'analyse :  délinquance
Analyse :  lutte et prévention
Texte de la QUESTION : Comme d'autres villes de moins de 20 000 habitants, réputées tranquilles, Romorantin-Lanthenay (Loir-et-Cher) vient à son tour d'être le théâtre de violences sans précédent dans le quartier des Favignolles, où sept commerces et une annexe de la mairie ont été détruits ou gravement endommagés par de jeunes délinquants - une dizaine selon la presse dont un seul était majeur et trois avaient moins de seize ans. Ces violences et ces dégradations posent principalement deux questions. D'abord, la question de la réparation du préjudice subi par les personnes privées ou publiques. En effet, les assurances vont permettre de couvrir une partie du préjudice matériel et du préjudice d'exploitation. Dans la mesure où l'Etat n'a pas pu en l'occurrence assurer la sécurité des biens, il serait juste que le préjudice non couvert par les assurances soit réparé au titre de la solidarité par l'Etat, comme cela se fait dans d'autres circonstances, par exemple les catastrophes naturelles. M. Patrice Martin-Lalande demande donc à M. le ministre de l'intérieur que, d'une part, soient mis en oeuvre tous les moyens publics permettant d'obtenir des compagnies d'assurances l'indemnisation maximum dans les délais les plus réduits possibles et que, d'autre part, l'Etat s'engage au titre de la solidarité à compenser le préjudice subi par les commerçants et par la commune et non couvert par les assurances. La seconde question que posent les violences et les dégradations commises dans le quartier des Favignolles dans la nuit du 23 au 24 décembre 2000 concerne l'inadaptation de la législation pour poursuivre et sanctionner les délinquants mineurs. Comment le Gouvernement compte-t-il prendre en compte la réalité actuelle de la délinquance dans notre société en donnant aux forces de l'ordre et à la justice les moyens humains et juridiques pour dissuader les mineurs délinquants potentiels et les sanctionner de manière efficace lorsqu'ils commettent des agressions et des violences que la population vit de plus en plus douloureusement ? Pour quel motif, alors que toutes les limites d'âge ont été redéfinies (accès aux cinémas, ouverture d'un compte bancaire, conduite accompagnée...), la majorité pénale n'est-elle toujours pas ramenée de dix-huit à seize ans ? Cette adaptation de notre droit à l'évolution sociologique permettrait de déférer les mineurs de plus de seize ans devant les juridictions pénales de droit commun et de leur appliquer les peines de droit commun. Pour les mineurs de treize à seize ans, la loi prévoit qu'ils ne peuvent supporter une peine privative de liberté supérieure à la moitié de celle encourue pour l'infraction commise. Il lui demande si le Gouvernement entend accepter la proposition de loi déposée par le député et plusieurs de ses collègues à l'initiative de Jean-Michel Ferrand, prévoyant de priver les mineurs récidivistes du bénéfice de cette règle. - Question transmise à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Texte de la REPONSE : La garde des sceaux, ministre de la justice, a l'honneur de rappeler à l'honorable parlementaire que l'indemnisation des préjudices causés par des infractions pénales incombe à l'auteur de l'infraction ou, lorsque celui-ci est mineur, à ses parents. L'indemnisation des victimes d'infractions commises par les mineurs est facilitée et accélérée pour les dommages de faible ou moyenne importance par le recours aux procédures dites de la troisième voie et notamment la réparation prévue par l'article 12-1 de l'ordonnance du 2 février 1945, qui conduit le mineur ou ses parents à réparer le dommage causé. Cependant, pour certaines infractions, le préjudice de la victime peut également être indemnisé, sur décision de la commission d'indemnisation des victimes d'infraction, par le fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions. Les victimes peuvent ainsi, sans attendre l'issue de la procédure pénale, et même en cas d'absence d'identification ou d'insolvabilité de l'auteur de l'infraction, recevoir une indemnisation. La compétence de la commission d'indemnisation des victimes d'infraction a été étendue par la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, par modification de l'article 706-14 du code de procédure pénale aux infractions de destruction, dégradation ou détérioration d'un bien, d'extorsion de fonds et d'abus de confiance afin de permettre l'indemnisation des victimes d'actes de délinquance urbaine, lesquels sont souvent le fait de mineurs, lorsque ces victimes disposent de ressources inférieures au plafond fixé pour bénéficier de l'aide juridictionnelle et se trouvent dans une situation matérielle ou psychologique grave du fait de l'impossibilité d'obtenir l'indemnisation de leur préjudice. Le Gouvernement n'envisage pas de créer d'autres mécanismes qui feraient appel à la solidarité nationale pour se substituer à la responsabilité des auteurs de l'infraction. Le Gouvernement n'est pas favorable à une modification de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante qui tendait à supprimer les spécificités qui s'attachent à la justice des mineurs. En effet, l'ordonnance du 2 février 1945 constitue un cadre légal équilibré qui permet de mettre en oeuvre des mesures éducatives mais aussi de prononcer, lorsque les circonstances de l'infraction et la personnalité de l'auteur le justifient, des peines d'emprisonnement qui peuvent être importantes. Ainsi l'article 20-2 de l'ordonnance prévoit-il la possibilité, pour le tribunal pour enfants comme pour la cour d'assises des mineurs, de prononcer des peines d'emprisonnement à l'encontre des mineurs de plus de treize ans. Ces peines ne peuvent excéder la moitié de la peine encourue, mais la cour d'assise des mineurs ou le tribunal pour enfants peuvent à l'encontre des mineurs âgés de plus de seize ans, écarter l'application de cette disposition pour prononcer des peines allant jusqu'au maximum encouru. Il résulte de ces dispositions qu'un mineur âgé de plus de seize ans peut être condamné, si le cas d'espèce l'exige, avec la même sévérité qu'un majeur. L'abaissement de la majorité pénale à seize ans, qui par ailleurs ne peut être rationnellement envisagé alors que la majorité civile demeure fixée à dix-huit ans, n'est de ce fait pas nécessaire pour qu'il soit possible de prononcer des sanctions sévères contre les mineurs délinquants. De même, les mineurs récidivistes âgés de treize ans à seize ans encourent la peine maximale prévue pour l'infraction commise, puisque l'effet de la minorité de l'auteur de l'infraction, qui réduit de moitié la peine encourue, est compensé par l'effet de l'état de récidive qui entraîne le doublement de la peine encourue. Une sanction lourde peut le cas échéant, être ainsi prononcée à leur encontre sans qu'il soit nécessaire de modifier la législation. Le renforcement de l'efficacité de la lutte contre la délinquance des mineurs ne relève pas d'une modification du cadre légal mais d'une politique permettant d'apporter dans des délais raisonnables une réponse adaptée à tous les actes de délinquance commis par les mineurs. Conscient de l'importance de cette question, le Gouvernement a adopté plusieurs mesures pour réaliser cet objectif. Depuis 1998, il a été demandé aux parquets de veiller à apporter systématiquement une réponse aux actes de délinquance des mineurs, notamment en développant des procédures alternatives dites de troisième voie - mesure de réparation ou rappel à la loi - qui viennent s'ajouter aux mesures traditionnelles qui peuvent être prononcées par les juridictions des mineurs. Des délégués du procureur de la République ont été recrutés à cette fin. Le taux de réponse aux actes de délinquence commis par des mineurs identifiés atteint aujourd'hui près de 80 %. Par ailleurs, quarante centres éducatifs renforcés qui accueillent les mineurs récidivistes les plus difficiles dans une petite structure avec une présence éducative forte et quarante centres de placement immédiat, qui permettent de sortir immédiatement le mineur délinquant de son milieu avant de l'orienter pour le plus long terme ont été ouverts. Enfin, il a été procédé au recrutement de mille éducateurs et soixante-sept postes de juge des enfants ont été créés.
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