Texte de la QUESTION :
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M. Pierre Morange appelle l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les vives inquiétudes exprimées par les juges consulaires vis-à-vis de la réforme des tribunaux de commerce. Les formations de jugement des tribunaux de commerce sont exclusivement composées de juges consulaires élus. Ils sont investis des mêmes pouvoirs et ont les mêmes devoirs que les magistrats de carrière. La spécialisation commerciale des juridictions explique la spécificité des juges consulaires, qui ont l'expérience de la vie des entreprises et de leurs modes de fonctionnement ; au surplus, la composition d'un tribunal est le reflet des activités économiques de son ressort. De part leur origine professionnelle, les juges consulaires ont le triple souci : de la rapidité (facteur économique essentiel), de la pérennité des entreprises, de la préservation des relations économiques, et ce, dans un esprit constant d'écoute et de conciliation. Clé de voûte du projet de réforme des tribunaux de commerce, le concept de mixité utilisé pour définir la nouvelle organisation des chambres ou formations de jugement, provoque l'opposition des juges consulaires pour qui cette réforme cache un échevinage tendant à fonctionnariser la justice commerciale. Les juges consulaires sont favorables à une évolution de la justice. Le principe de l'association de compétences entre les magistrats de carrière et les juges consulaires a d'ailleurs été retenu par les Assises nationales des juges consulaires qui ont affirmé leur acceptation d'une mixité fondée sur l'échange des compétences à égalité de droits et de devoirs. Cependant, la réforme envisagée établit la prééminence des magistrats de carrière. C'est pourquoi la Conférence générale des tribunaux de commerce a formulé diverses propositions. Afin d'éviter un conflit de compétence, les juges consulaires souhaiteraient que soit instauré une véritable complémentarité. Cela suppose la reconnaissance de la compétence du juge consulaire comme « juge naturel de l'économie » qui aura pour vocation à garder tout le contentieux général (y compris entre associés et les litiges relevant de l'application de l'ordonnance du 1er décembre 1986) et à faire intervenir le juge professionnel dans les domaines des procédures collectives (liquidations judiciaires, cessions d'actifs, sanctions). De même, le juge consulaire doit, grâce à un véritable statut et à l'instauration d'un Conseil national des juges de commerce, retrouver une image d'indépendance et d'impartialité. C'est à ce prix que la mixité pourra jouer son véritable rôle, renforçant la qualité du service public de la justice assuré par les tribunaux de commerce. Cette institution doit poursuivre sa vocation judiciaire au service des entreprises et dans l'intérêt des justiciables. Aussi il lui demande si elle a l'intention de prendre en considération les propositions formulées par les juges consulaires.
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Texte de la REPONSE :
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La garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que les inquiétudes des juges consulaires relatives à la mise en oeuvre de la mixité et à l'instauration d'un véritable statut des juges élus ont d'ores et déjà été prises en compte. En effet, l'Assemblée nationale a examiné et voté, les 27 et 28 mars derniers, les trois projets de lois relatifs au programme de réforme de la justice commerciale qui ont été présentés en conseil des ministres, le 18 juillet 2000. Les deux premiers de ces textes, constitués d'un projet de loi ordinaire et d'un projet de loi organique, concernent la réforme des tribunaux de commerce, le troisième a trait à la réforme du statut des administrateurs judiciaires et des mandataires liquidateurs. Le projet de loi ordinaire relatif au fonctionnement et à l'organisation des tribunaux de commerce reprend les grandes orientations de la réforme annoncées le 31 mai 1999. Ainsi, la mixité introduite au sein des juridictions commerciales a-t-elle pour objectif d'assurer une justice de qualité puisque se trouveront réunies la connaissance des règles de fond et de procédure et la perception, pour chaque affaire, de sa dimension économique. Toutefois, l'introduction de magistrats professionnels dans les tribunaux de commerce ne se fera pas au détriment des juges élus, puisque la présidence du tribunal de commerce sera exercée par un juge consulaire. De même, s'agissant de l'inquiétude qui pourrait naître d'une présidence systématique de la chambre mixte par un magistrat de l'ordre judiciaire, il convient de rappeler que le président d'une formation de jugement n'a, dans le cadre du délibéré, nullement voix prépondérante et qu'à ce titre il est l'égal de tout autre membre de cette formation. Au surplus, dans le cadre du projet de loi adopté à l'Assemblée nationale, le périmètre de la chambre mixte, dont la présidence est confiée au magistrat de l'ordre judiciaire, a été réduit aux seules procédures collectives. Enfin, s'agissant de la volonté des juges consulaires de voir élaborer un véritable statut des juges élus et instaurer un organisme qui puisse les représenter afin que leur image d'indépendance et d'impartialité soit restaurée, le projet de loi permet également de répondre à ces attentes. En effet, il prévoit dans le code de l'organisation judiciaire un nouveau chapitre intitulé « Dispositions relatives au statut des juges élus » qui garantit tant l'indépendance que l'impartialité des juges des tribunaux de commerce en instituant à leur égard des droits et des devoirs dans les domaines de la déontologie, de la discipline et de la formation. De plus, répondant en cela au souhait des juges des tribunaux de commerce, le projet de loi institue, dans ce même chapitre, un conseil national des juges élus chargé de les représenter auprès des pouvoirs publics et d'assurer la défense de leurs intérêts collectifs.
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