Texte de la QUESTION :
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M. Guy Lengagne souhaite attirer l'attention de M. le ministre de la défense sur les risques que l'usage des armes dites « à l'uranium appauvri » fait courir aux populations civiles. Certes, le taux de radioactivité de l'uranium appauvri n'est pas très élevé, mais la façon dont ce matériau est dispersé, c'est-à-dire lors d'un impact qui est évidemment extrêmement violent, pose problème. En effet, il n'existe a priori aucune étude qui démontrerait que l'usage qui est ainsi fait de l'uranium appauvri n'accroisse pas sa nocivité en termes de contamination radioactive. De ce fait, mais compte tenu aussi des très grandes quantités d'uranium qui peuvent ainsi être « bombardées » dans une même zone, l'usage de telles armes soulève des questions éthiques et juridiques : est-il légitime de prendre le risque de contaminer les civils et les militaires plutôt que de « cibler » les matériels de guerre ? Les règles internationales qui tendent à préserver les populations civiles ne seraient-elles pas ignorées si ces armes avaient des effets sur l'environnement et la santé publique ? Il lui demande de bien vouloir préciser la position de la France.
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Texte de la REPONSE :
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Les munitions à uranium appauvri font partie du registre des armes conventionnelles et ne sont interdites par aucun instrument international. L'uranium appauvri ne constitue pas une substance prohibée au regard de la législation internationale ou européenne mais elle est néanmoins contrôlée par l'Agence internationale de l'énergie atomique de Vienne, en tant que matériau source. Les garanties de cette agence dont toutefois levées en cas d'utilisation à d'autres fins que nucléaires, en particulier pour la fabrication de munitions conventionnelles. En l'état, aucun instrument juridiquement contraignant, et notamment la convention du 10 octobre 1980 sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi de certaines armes classiques qui peuvent être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination, n'interdit la fabrication et l'emploi des munitions à uranium appauvri. Cette situation pourrait néanmoins évoluer si la toxicité de ces munitions venait à être prouvée, ce qui n'a jamais été le cas à ce jour. Dans cette hypothèse, leur emploi pourrait être jugé contraire à plusieurs dispositions du protocole I du 8 juin 1977 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux, additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949, auquel la France est sur le point d'adhérer. Le premier alinéa de l'article 35 de ce protocole énonce en effet la règle selon laquelle « le droit des parties au conflit de choisir des méthodes ou moyens de guerre n'est pas illimité ». Le second alinéa précise quant à lui qu'il « est interdit d'employer des armes, des projectiles et des matières (...) de nature à causer des maux superflus ». Cette disposition n'a pas pour objet d'interdire de façon générale de telles armes, il s'agit d'une simple norme directrice qui énonce une raison d'interdiction. Toutefois, les interdictions fondées sur ce principe n'entrent pas dans le domaine du droit positif qu'après avoir été formulées en des règles concrètes. Par ailleurs, le troisième alinéa de cet article dispose qu'« il est interdit d'utiliser des méthodes ou des moyens de guerre qui sont conçues pour causer, ou dont on peut attendre qu'ils causeront, des dommages étendus, durables et graves à l'environnement naturel ». De plus, le premier alinéa de l'article 55 de ce protocole prévoit que « la guerre sera conduite en veillant à protéger l'environnement naturel contre des dommages étendus, durables et graves. Cette protection inclut l'interdiction d'utiliser des méthodes ou moyens de guerre conçus pour causer ou dont on peut attendre qu'ils causent de tels dommages à l'environnement naturel, compromettant de ce fait la santé ou la survie de la population ». Il paraît nécessaire de souligner le caractère cumulatif et non alternatif des trois critères retenus en matière de dommages causés à l'environnement. Ainsi, pour que l'utilisation des munitions à uranium appauvri contrevienne à ces dispositions, il faudrait que l'existence de dommages à l'environnement naturel à la fois étendus, durables et graves soit démontrée. Si de telles atteintes aux principes d'interdiction des maux superflus, de protection des populations civiles et de protection de l'environnement venaient à être prouvées de manière irréfutable, certains Etats pourraient alors proposer la création d'un régime d'interdiction de ces munitions, par exemple par le biais d'un cinquième protocole ad hoc à la convention de 1980 sur les armes inhumaines ou frappant sans discrimination. A ce jour, toutes les actions ayant entraîné une exposition à l'uranium appauvri ne permettent pas d'imaginer un détriment sanitaire sensible et mesurable. L'utilisation de ces munitions n'est donc contraire ni aux dispositions du protocole I de 1997 ni à celles de la convention de 1980. Enfin, la quatrième convention de Genève du 12 août 1949, à laquelle la France est partie, prévoit un certain nombre de dispositions qui visent à mettre les populations civiles à l'abri des effets de la guerre. De par leur statut de « personnes protégées », elles bénéficient d'une attention particulière de la part des parties au conflit. L'article 51 du protocole pose en outre le principe général de protection de la population civile dans les conflits. A l'occasion des opérations qu'elle conduit, la France veille scrupuleusement à l'application de ces dispositions.
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