Texte de la QUESTION :
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M. Georges Sarre appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche au sujet de l'épidémie de fièvre aphteuse ovine et bovine qui touche l'Europe actuellement et dont le premier foyer français vient d'être formellement identifié en Mayenne. Il rappelle que la vaccination des animaux contre la fièvre aphteuse a été abandonnée après une décision de la CEE en date du 26 juin 1990, transposée en droit interne l'année suivante. Il relève, en outre, que cette décision a été motivée en son temps par le souci de réaliser 200 millions de francs d'économies et par celui d'accroître par tous moyens les exportations de viande vers les régions du monde autoproclamées « propres », c'est-à-dire réputées exemptes de foyers d'infection (en particulier Canada et Etats-Unis). Il pointe la perversité de la logique qui assimilerait les régions du monde pratiquant la vaccination à des régions « sales », c'est-à-dire potentiellement contaminées par la fièvre aphteuse, et qui a conduit la CEE à n'envisager le problème que du point de vue commercial et concurrentiel, au détriment manifeste des enjeux de santé publique. Il rappelle enfin que le projet de loi adopté par le Parlement en 1991 interdisant la vaccination contre la fièvre aphteuse prévoit que, dans le cas où une épizootie de fièvre aphteuse menacerait de prendre un caractère extensif, ce qui semble être le cas aujourd'hui, la vaccination de certaines catégories d'animaux sur un territoire et pendant une période déterminée pourrait être rendue obligatoire. C'est pourquoi il ne voit pas pourquoi il serait nécessaire de conditionner un recours d'urgence à la vaccination appliquée au plan national à l'acceptation par nos partenaires européens, alors qu'un danger sanitaire est avéré. Il lui demande par conséquent de donner les instructions nécessaires afin qu'il soit procédé à une vaccination des cheptels susceptibles d'avoir contracté la maladie sans attendre, et de rompre ainsi avec une conception qui subordonne toute décision à l'impératif concurrentiel et commercial.
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Texte de la REPONSE :
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L'arrêt de la vaccination contre la fièvre aphteuse en 1991 en Europe n'a pas été seulement motivé par des arguments économiques. L'enjeu était également d'ordre sanitaire. En effet, en 1989, le territoire communautaire était indemne de fièvre aphteuse depuis presque dix ans. La pratique même de la vaccination présentait un risque de diffusion du virus, puisque les animaux vaccinés sont susceptibles de véhiculer le virus sans présenter de symptômes et ne peuvent être distingués des animaux infectés, la vaccination entraînant la présence d'anticorps vaccinaux non différentiables des anticorps post-infectieux. A la suite d'un déplacement, ils sont donc susceptibles d'introduire le virus dans une population non vaccinée. La mise en oeuvre de la vaccination contre la fièvre aphteuse n'est pas justifiée en France, en l'absence de véritable épizootie. En effet, l'existence de deux foyers seulement a montré le caractère très limité de l'épizootie dans notre pays, contrairement à ce qui s'est produit au Royaume-Uni puis, dans une moindre mesure, aux Pays-Bas. La vaccination d'urgence contre la fièvre aphteuse se justifie lorsque des foyers se multiplient, des élevages porcins sont atteints (ceux-ci représentant le risque majeur de dissémination par voie aérienne du virus) et qu'il faut mettre en oeuvre l'abattage des animaux dans un temps très court. A cet effet, elle peut permettre de limiter la multiplication du virus dans la population vaccinée et d'abaisser la quantité de virus excrétée par une population qui serait infectée et vaccinée. Elle permet donc de diminuer le risque de contagion par voie aérienne. En l'absence de multiples foyers avérés sur le territoire national, il est essentiel de ne pas vacciner préventivement, car la vaccination pourrait masquer la circulation du virus sur le territoire national. En effet, des animaux vaccinés qui deviendraient infectés n'exprimeraient pas la maladie et, même s'ils étaient plus faiblement excréteurs de virus, ils resteraient une source de contamination potentielle pour les autres animaux des espèces senseibles. Ainsi, les mesures d'abattage sanitaire dans les foyers et dans les élevages les plus exposés à l'infection (abattage préventif) reste la méthode à privilégier, au moins tant que les foyers sont en nombre limité et, surtout, tant que des porcs ne sont pas atteints. Par ailleurs, si la vaccination devait être mise en oeuvre pour diminuer la vitesse de propagation d'une épizootie, il faudrait dans tous les cas abattre les animaux vaccinés afin de ne pas prendre le risque de conserver des animaux porteurs sains vaccinés et potentiellement infectés. Cela dit, à l'issue de l'épizootie actuelle, il conviendra de mener une large réflexion au sein de l'Union européenne afin de tirer tous les enseignements de la crise traversée, tant aux plans sanitaire et économique que pour ce qui est de l'acceptabilité sociale de certaines mesures de lutte. Les images de charniers et de bûchers ont en effet durablement marqué les esprits, et il convient de réfléchir activement au développement des vaccins ou tests marqueurs qui permettraient de distinguer les anticorps d'origine vaccinale de ceux qui résulteraient d'une infection virale. En tout état de cause, une telle évolution ne pourrait être qu'européenne et internationale (dans le cadre de l'office international des épizooties) compte tenu de ses implications commerciales.
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