FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 59853  de  M.   Martin-Lalande Patrice ( Rassemblement pour la République - Loir-et-Cher ) QE
Ministère interrogé :  justice
Ministère attributaire :  justice
Question publiée au JO le :  09/04/2001  page :  2059
Réponse publiée au JO le :  25/06/2001  page :  3719
Rubrique :  droit pénal
Tête d'analyse :  atteintes à la personnalité
Analyse :  imputations diffamatoires à l'égard de chefs d'Etat étrangers. article 36 de la loi du 29 juillet 1881. abrogation
Texte de la QUESTION : M. Patrice Martin-Lalande appelle l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'infraction d'« offense à chefs d'Etat étrangers », présente à l'article 36 de notre Code pénal. Issue de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse, cette infraction apparaît aujourd'hui à bien des égards obsolète et, ce qui est plus grave, dangereuse pour la liberté d'expression. Son caractère obsolète est implicitement reconnu par les chefs d'Etat français successifs, qui ont tous renoncé à se prévaloir de la protection que leur confère cet article de la loi de 1881. Mais cette disposition au sein de notre Code pénal se révèle également dangereuse lorsqu'elle est utilisée par des Etats étrangers, souvent non démocratiques, désireux d'étouffer des commentaires critiques émis sur leur régime, et qui poursuivent en justice les auteurs de ces propos journalistes ou écrivains français, par exemple. Il lui demande si le Gouvernement envisage d'actualiser cette disposition qui date de cent vingt ans et qui n'a plus aucune utilité en France, afin d'éviter que des régimes peu soucieux de la liberté d'expression ne l'utilisent systématiquement pour museler tout propos critique.
Texte de la REPONSE :

La garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire qu'il n'est pas actuellement envisagé d'abroger les dispositions de l'article 36 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse réprimant l'offense envers les chefs d'Etats étrangers. Cette disposition a été récemment modifiée par la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, qui a supprimé la peine d'un an d'emprisonnement auparavant encourue. Par ailleurs, si une jurisprudence ancienne a considéré que les personnes poursuivies du chef de ce délit ne pouvaient juridiquement, comme en matière de diffamation, invoquer l'exceptio veritatis à titre de moyens de défense, il demeure que les tribunaux jugent l'infraction non constituée si les propos contestés ne constituent pas un abus du droit de libre expression. Ce délit de presse doit en effet être interprété au regard des dispositions constitutionnelles et conventionnelles qui garantissent la liberté d'expression dans une société démocratique. Dans ces conditions, pour reprendre les exemples cités par l'honorable parlementaire, il n'apparaît pas que le fait de rappeler qu'un dirigeant ou un ex-dirigeant d'un Etat étranger se serait rendu coupable de comportements que condamne la communauté internationale, et qui peuvent d'ailleurs faire l'objet de procédures judiciaires, puisse constituer le délit prévu par l'article 36 de la loi du 29 juillet 1881. Il convient enfin d'indiquer, d'une part, que la 17e chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris, par un jugement du 25 avril 2001 frappé d'appel, a estimé que les dispositions de l'article 36 de la loi précitée étaient incompatibles avec les principes d'égalité des armes et de liberté d'expression tels qu'énoncés  par les articles 6 et 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, et d'autre part que la Cour européenne des droits de l'homme, saisie d'une requête contestant l'article 36 précité, ne s'est pas encore prononcée à ce jour.

 

RPR 11 REP_PUB Centre O