Texte de la QUESTION :
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M. Renaud Muselier appelle l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur les vives inquiétudes manifestées par les étudiants de l'Institut d'études politiques de Paris. Une réforme entreprise par le directeur de l'établissement prévoit en effet l'ouverture d'une voie d'accès particulière à l'IEP pour des bacheliers issus de lycées situés en zone d'éducation prioritaire. Sept établissements de ZEP ont été sélectionnés et ont signé des conventions avec l'IEP. Leurs élèves feront donc l'objet d'une présélection en classe de seconde et seront ensuite acheminés, au moyen de cours supplémentaires, jusqu'à une entrée sur dossier et entretien dans l'établissement, alors que le reste des étudiants n'y a accès que par voie de concours. Cette discrimination, qui se veut positive sur le modèle d'un système aujourd'hui en faillite aux Etats-Unis, nie ouvertement le principe d'égalité des chances, et ce à plusieurs titres : selon quels critères les sept établissements de ZEP ont-ils été sélectionnés et ceux qui ne l'ont pas été ne doivent-ils pas se sentir lourdement lésés par une réforme qui crée finalement de nouveaux privilégiés et de nouveaux exclus ? Peut-on estimer que les élèves, choisis en seconde pour bénéficier d'une préparation intensive et de cours supplémentaires, sont traités sur un pied d'égalité avec leurs camarades qui ne profiteront pas des mêmes prestations ? Est-il légitime enfin que certains étudiants, dont beaucoup sont d'origine modeste, préparent un concours, qui reste un des plus prestigieux du système français, avec la somme de travail que cela représente et le risque important d'échec, alors que d'autres en sont dispensés au motif de la situation géographique de leur lycée d'origine ? Il paraît fondamental de démocratiser le système scolaire français qui souffre largement de la reproduction sociale des élites. Le principe de l'égalité des chances doit demeurer une priorité absolue pour l'ensemble de l'éducation nationale. Les discriminations nouvelles introduites par les bons sentiments ne risquent que d'aggraver la situation à laquelle elles veulent remédier. La seule voie démocratique de sélection, propre à assurer les critères requis de transparence et d'égalité, reste l'organisation d'un concours unique, semblable pour tous et non adapté à des quotas préalablement définis de population. Y renoncer serait reconnaître ouvertement la faillite de tout notre système éducatif et des valeurs sur lesquelles il repose. En conséquence, il souhaite connaître le sentiment du ministre sur cette question et savoir quelles mesures il compte prendre pour empêcher que ne s'instaure une situation préjudiciable à l'ensemble du monde éducatif et universitaire français.
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Texte de la REPONSE :
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L'Institut d'études politiques (IEP) de Paris est « un grand établissement » au sens de l'article L. 711-2 du code de l'éducation. C'est le décret n° 85-497 du 10 mai 1985 relatif à l'IEP de Paris, qui l'inscrit expressément dans la catégorie des « grands établissements » et en précise les conditions particulières d'organisation et de fonctionnement. A ce titre, il bénéficie d'une large autonomie, qui se manifeste par les pouvoirs qui ont été conférés au conseil de direction de l'Institut d'études politiques de Paris qui fixe notamment les conditions d'admission des élèves et l'organisation des études. Ce type d'organisation spécifique s'appuie sur l'article L. 717-1 du code de l'éducation qui organise un régime juridique dérogatoire en matière d'organisation et de fonctionnement des « grands établissements » tenant compte de leurs caractéristiques propres, dans le respect des principes d'autonomie et de démocratie des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel de l'enseignement supérieur. Dans ce cadre, pour favoriser la diversification sociale du recrutement de ses élèves, l'IEP de Paris a décidé de mettre en place, en vue de la rentrée universitaire 2001, une nouvelle voie d'accès à la première année, à l'intention des meilleurs élèves de lycées classés en zone d'éducation prioritaire (ZEP), réseau d'éducation prioritaire (REP), en zone sensible ou d'établissements présentant des caractéristiques socio-culturelles analogues. Depuis quelques années, l'IEP de Paris a considérablement diversifié les modes de recrutement des ses élèves. Grâce à ces voies d'accès multiples, l'IEP de Paris recrute des profils d'étudiants variés. Pour autant, le problème de la diversification sociale à l'entrée à l'IEP de Paris n'a été que partiellement résolu. Le portrait des élèves admis en premier cycle à « Sciences-Po » par la procédure classique, c'est-à-dire l'examen d'entrée, montre, en effet, qu'ils appartiennent le plus souvent à des familles qui réunissent, en proportion variable, les atouts du savoir, de la culture classique et de l'aisance financière. De fait, cet examen d'entrée constitue un excellent instrument de sélection destiné à indiquer un niveau académique et une adéquation entre un candidat et une épreuve, mais non un potentiel ou des capacités intellectuelles. C'est la raison pour laquelle l'IEP de Paris souhaite mettre en oeuvre, à titre expérimental pendant une durée de dix ans, une voie d'accès différente et supplémentaire de la procédure traditionnelle d'entrée en première année. Cette expérience, menée en liaison avec les rectorats des académies de Créteil, Nancy-Metz et Versailles associe les lycées concernés, au moyen d'une convention entre l'IEP de Paris et chacun d'entre eux, à la sélection de leurs candidats. Elle permettra de mieux garantir l'égalité d'entrée dans des formations qui constituent une voie privilégiée d'accès aux situations professionnelles de haut niveau. Le ministère de l'éducation nationale apporte son complet soutien à cette démarche et souligne le vif intérêt qu'il attache à l'expérience réalisée par l'IEP de Paris qui contribue au développement d'une politique d'ouverture et de démocratisation de l'enseignement supérieur. Aussi, pour préserver de tout risque contentieux futur la scolarité que des jeunes de ZEP et de REP vont entamer à Sciences-Po, dès septembre prochain, le ministre de l'éducation nationale a proposé au Gouvernement de clarifier le cadre juridique dans lequel s'inscrivent les conventions passées par l'Institut avec certains lycées. Il s'agit de conforter le mouvement très positif qui a été lancé en donnant une base législative stable à l'initiative prise par la direction de l'Institut d'études politiques de Paris.
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