Texte de la QUESTION :
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M. Jean-Pierre Abelin appelle la plus vive attention de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité sur l'inquiétante augmentation du phénomène de prostitution en France et de son exploitation. La prostitution en France se caractérise aujourd'hui par un fort développement des réseaux internationaux qui organisent une véritable traite des femmes venues d'Europe de l'Est, d'Asie, mais aussi d'Afrique, ainsi que par la multiplication des formes moins visibles de la prostitution, notamment véhiculées par l'Internet. Par ailleurs, la prostitution masculine est en forte augmentation et serait essentiellement d'origine française. Selon la police, elle représenterait aujourd'hui un tiers de la population prostituée. La politique française de lutte contre la prostitution s'inspire, depuis 1960, de la philosophie abolitionniste. Ce mouvement repose sur l'existence d'une réglementation administrative de l'exercice de la prostitution. C'est-à-dire que cette dernière est analysée comme un fait acquis et irréductible, mais le proxénétisme est interdit et réprimé. Or, quarante ans plus tard, il apparaît que les pouvoirs publics se sont désengagés en matière de prévention de la prostitution et de réinsertion des personnes concernées. Aujourd'hui, le milieu associatif est plus impliqué que l'Etat dans la lutte contre le proxénétisme, et intervient en matière d'hébergement, de prévention, de sensibilisation du public, d'aide à la réinsertion, de lutte contre la banalisation de la prostitution. Cependant, l'enveloppe budgétaire est bien modeste et n'encourage pas les bénévoles et les salariés de ces mouvements associatifs à poursuivre leurs actions. De plus, les personnes prostituées ne connaissent pas toujours leurs droits et répugnent parfois à entreprendre certaines démarches. En matière d'assurance maladie, par exemple, la CMU est susceptible de les concerner directement, mais la condition de résidence prive de son bénéfice les prostituées étrangères, contraintes par les réseaux à une très grande mobilité. En outre, d'autres prostituées n'entreprennent pas les démarches pour accéder à la CMU par crainte de révéler leur activité. En conséquence, il lui demande quelle politique du Gouvernement en terme de prévention contre la prostitution et de lutte contre le proxénétisme et quelles suites elle compte donner au rapport sur les politiques publiques et la prostitution de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes du Sénat. Il lui demande également sa position sur l'initiative de Mme de Panafieu de constituer une commission d'enquête sur le développement et l'organisation de la prostitution en France.
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Texte de la REPONSE :
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La France a ratifié par la loi du 28 juillet 1960 la convention internationale relative à la répression de la traite des êtres humains et de l'exploitation de la prostitution d'autrui adoptée par les Nations unies le 2 décembre 1949. La lutte contre la prostitution est de la compétence de l'Etat, qui s'est engagé sur une politique globale qui repose sur les principes de prévention de la prostitution et de réinsertion des personnes prostituées. Comme toute personne en difficulté, les personnes en risque de prostitution ou en dépendant peuvent avoir recours aux dispositifs d'urgence sociale et d'insertion sociale et professionnelle. Toutefois, l'environnement de la prostitution et ses contraintes rendent cet accès théorique s'il n'est pas en amont accompagné et facilité. La complexité du fait prostitutionnel et de ses implications avec les questions d'exclusion sociale, de violence, de toxicomanie, de santé et de réinsertion professionnelle conduisent à une nécessaire multiplicité des angles d'approche et à la mise en réseau des acteurs institutionnels associatifs concernés. Parmi les recommandations adoptées dans le rapport de la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, rendu public le 8 février 2001 et portant sur la prostitution, il est fait mention de la nécessité de doter la politique de lutte contre la prostitution de structures qui devraient la rendre plus cohérente, notamment par la création d'un observatoire, qui permettrait de disposer tout à la fois d'un réel outil statistique, d'un instrument de recensement et de diffusion des actions mises en oeuvre, afin que soient proposées toutes préconisations de nature à renforcer la politique du Gouvernement. En ce qui concerne la prévention de la prostitution et la réinsertion, l'accent doit être mis sur l'information au moyen de campagnes nationales et régulières ; sur la formation des travailleurs sociaux et des agents des services publics en charge de l'application de la réglementation en la matière ; sur un soutien accru aux associations qui oeuvrent dans ce domaine ; sur la mise en place partout de commissions départementales. Par ailleurs, la délégation a estimé indispensable de faire de la lutte contre le proxénétisme une priorité de la police, et de renforcer la politique de coopération entre les différents pays. Dans cette optique, la France devrait ratifier prochainement la convention sur la criminalité transnationale organisée et en premier chef le protocole relatif à la traite des êtres humains. En outre, Mme Derycke, sénatrice du Nord, a été chargée par décret en date du 16 février 2001 d'une mission parlementaire sur la prostitution, thème qui a été inscrit parmi les violences à l'égard des femmes et constitue à ce titre un axe prioritaire de la politique gouvernementale.
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