Question N° :
6050
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de
M.
Blum Roland
(
Union pour la démocratie française
- Bouches-du-Rhône
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QE
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Ministère interrogé : |
justice
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Ministère attributaire : |
justice
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Question publiée au JO le :
10/11/1997
page :
3916
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Réponse publiée au JO le :
05/01/1998
page :
102
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Rubrique :
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droit pénal
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Tête d'analyse :
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prise illégale d'intérêts
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Analyse :
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réglementation
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Texte de la QUESTION :
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M. Roland Blum appelle l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur certaines difficultés d'interprétation de l'article 432-12 du code pénal relatif au délit de prise illégale d'intérêts, et des articles L. 423-10 et L. 423-11 du code de la construction et de l'habitation qui prévoient certaines interdictions destinées à éviter qu'une personne ne profite de ses responsabilités pour se consentir un avantage. Concernant le délit de prise illégale d'intérêts, les situations dans lesquelles une personne peut se voir reprocher de « prendre, recevoir ou conserver directement ou indirectement un intérêt quelconque » sont multiples. Ainsi, bien que n'exerçant pas lui-même des responsabilités sur l'opération visée, un chef d'entreprise allié ou parent d'une personne détenant des pouvoirs au sein de la commune est-il visé par ce texte ? Par exemple, un entrepreneur dont l'épouse est maire, maire adjoint ou encore conseiller municipal peut-il répondre à un appel d'offres de cette commune ? D'autre part, ce même délit est-il constitué lorsqu'un entrepreneur ou un artisan souhaite effectuer des travaux pour le compte d'une chambre de commerce ou d'industrie au sein de laquelle il exerce les fonctions de membre titulaire ou de délégué consulaire, ou encore pour le compte d'une chambre de métiers dans laquelle il est administrateur. De même, les articles L. 423-10 et L. 423-11 du code de la construction et de l'habitation interdisent aux administrateurs et salariés d'organismes d'habitations à loyer modéré, de comités professionnels du logement et de l'agence nationale pour la participation des employeurs à l'effort de construction, entre autres, de passer avec ces organismes ou leurs clients des marchés de travaux ou de fournitures. Ces textes interdisent-ils de fait à un entrepreneur de répondre aux appels d'offres lancés par l'un ou l'autre de ces organismes lorsque son conjoint ou descendant en est administrateur ou salarié ? En raison des difficultés d'interprétation de ces textes pour l'application desquels il y a peu de jurisprudence, de plus en plus de professionnels hésitent à prendre des responsabilités dans ces organismes, où pourtant leur expérience serait utile à la collectivité. C'est pourquoi il lui demande de bien vouloir lui donner son appréciation sur ces questions.
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Texte de la REPONSE :
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la garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que les dispositions de l'article 432-12 du code pénal n'interdisent pas de manière générale et absolue aux élus locaux et aux membres des chambres consulaires et des chambres des métiers d'avoir des relations contractuelles avec les collectivités dont ils font partie. Ce texte incrimine en effet le fait de prendre, recevoir ou conserver un intérêt dans une affaire sur laquelle la personne en cause exerce un contrôle au moment de l'acte. Il nécessite donc l'examen, au cas par cas, des responsabilités de l'intéressé au sein de la collectivité concernée et de la nature de l'opération effectuée, afin de déterminer si un tel contrôle a été ou non exercé. Une appréciation stricte de la loi pénale permet ainsi de considérer que le délit n'est pas caractérisé dans de multiples hypothèses. L'élu en cause, s'il n'est pas le maire ou le président de la chambre de commerce ou de la chambre des métiers, peut ne pas avoir la surveillance de l'opération ; il peut en toute hypothèse ne pas accepter de délégation de pouvoirs dans le domaine concerné par l'opération. S'agissant de la nature de l'intérêt pris dans l'opération, le caractère très général des expressions « un intérêt quelconque » ou « un avantage quelconque », figurant aux articles 432-12 du code pénal et L. 423-11 du code de la construction et de l'habitation, permet effectivement de considérer qu'un intérêt même de nature exclusivement morale peut tomber sous le coup de la loi. Il a été jugé, par exemple, que favoriser son gendre en assurant une part significative du chiffre d'affaires de son cabinet d'architecte, ou que passer des marchés avec une société dirigée par son fils constituait pour un maire ou pour un président de conseil général un intérêt familial et moral constitutif du délit d'ingérence. Même s'il ne s'agit en l'état que de décisions des juridictions du fond, la Cour de cassation ne s'étant pas encore, semble-t-il, prononcée sur de telles situations, la plus grande prudence s'impose donc en effet sur ce point. Tout en partageant le souci de l'honorable parlementaire de permettre à des professionnels reconnus de participer à l'administration des chambres consulaires ou des organismes HLM, il convient de rappeler que les dispositions légales réprimant la prise illégale d'intérêts ont pour finalité essentielle d'éviter tout conflit entre intérêt privé et intérêt général. Il ne paraît donc pas opportun d'affaiblir ce principe d'impartialité de la puissance publique.
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