Texte de la QUESTION :
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M. Patrice Carvalho attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur les leçons à tirer du récent mouvement des cheminots. Leur action a été réduite, dans le présentation qui en a été faite à l'opinion publique, à des revendications catégorielles. En réalité, cette mobilisation a, une nouvelle fois, posé la question majeure de l'avenir du service public de la SNCF. Nul ne peut ignorer combien cette entreprise, comme les autres services publics français, est la cible de la politique libérale qui préside à l'actuelle construction européenne. En février 1997, M. Pons, alors en charge du ministère des transports, engageait une réforme, qui rompait l'unicité de l'entreprise. Ainsi était créé le réseau ferroviaire de France (RFF) désormais en charge des infrastructures. Ce dispositif visait deux objectifs : abriter la dette de l'Etat afin de ne pas déroger aux critères de convergence exigées par le traité de Maastricht et ouvrir à terme la possibilité d'utilisation du réseau par la concurrence, dès lors que les infrastructures et l'exploitation se trouvaient séparées. La logique de privatisation était en marche. En 1998, une réforme de la réforme a été engagée sous la responsabilité du nouveau ministre des transports. La création de RFF n'a pas été remise en cause. Des inflexions importantes ont néanmoins été opéréés. La spirale de la décroissance des effectifs a été stoppée puis inversée. Un conseil supérieur du service public ferroviaire a été créé notamment pour veiller aux respects des missions de service public. Des mesures ont également été prises pour tenter de contenir l'endettement et des perspectives en matière d'investissement ont été tracées. Au niveau européen, avec le relais de l'opposition en France, la pression libérale se poursuit. Nous le constatons avec les projets de directives européennes, les procédures de conciliations qu'il faut engager entre le conseil, la commission et le Parlement européen, notamment après les amendements ultra libéraux adoptés, cet été, par le Parlement de Strasbourg visant à hâter l'ouverture à la concurrence et la privatisation. Le projet de la direction de la SNCF intitulé « Cap clients » est apparu comme un élément de ces pressions libérales et une attaque contre le service public dans l'esprit de la réforme de 1997. Il lui demande donc quelles dispositions il compte prendre pour conserver et développer le service public de la SNCF, qui a fait la preuve de son efficacité, qui nous est envié, au regard des choix libéraux de nos voisins britanniques, qui ont livré ce secteur au privé avec les conséquence désastreuses que nous connaissons.
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Texte de la REPONSE :
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Même s'il souhaite que les conflits sociaux puissent autant que possible être évités par l'ouverture de négociations préalables, le ministre de l'équipement, des transports et du logement est très attaché à l'exercice du droit de grève, dont la valeur constitutionnelle est reconnue dans notre pays. Le mouvement social que la SNCF a connu au printemps dernier portait tout à la fois sur le projet intitulé « cap clients » et sur des revendications très nettement catégorielles, ce qui est toujours révélateur d'une situation sociale complexe et de préoccupations diverses dans une entreprise de cette importance. Les négociations qui se sont déroulées ont permis d'aboutir à des avancées significatives auxquelles les organisations syndicales représentatives d'une majorité du personnel ont largement contribué. Ce résultat, qui comportait notamment la suspension du projet « cap clients » par la direction de l'entreprise, a été apprécié à sa juste valeur par les cheminots. Alors qu'en 1995 les cheminots avaient dû se mobiliser puissamment pour défendre leurs régimes particuliers de maladie et de retraite, ils ont obtenu des garanties du Gouvernement actuel à cet égard et, après une période de stabilisation des effectifs des cheminots, l'entreprise publique, qui applique désormais les 35 heures, a pu procéder à l'embauche de 26 000 cheminots en trois ans, faisant ainsi d'elle la seule entreprise ferroviaire qui crée des emplois en Europe. Alors que, pendant de nombreuses années, les gouvernements précédents avaient supprimé des kilomètres de lignes ferroviaires, de multiples dessertes et des dizaines de milliers d'emplois à la SNCF, ce Gouvernement s'est attaché à créer les conditions nécessaires pour un rééquilibrage des trafics de la route vers le rail, qui possède de nombreux atouts pour l'acheminement des marchandises sur des moyennes et longues distances, ainsi qu'en matière de sécurité et de respect de l'environnement. L'objectif de doublement du volume de trafic de marchandises sur le rail d'ici à 2010 a été fixé et une politique dynamique d'investissements ferroviaires a été mise en oeuvre, relayée par les régions dans le cadre de la nouvelle génération de contrats de plan (2000-2006) dont le volet financier global a été multiplié par huit par rapport à la période précédente (1994-1999). Au total, en ajoutant les montants de ces nouveaux contrats de plan, le programme TGV et les investissements ferroviaires dans la première décennie du xxi e siècle, il s'agit donc bien, avec 120 milliards de francs, d'un effort considérable qui concerne le transport de voyageurs, comme celui du fret, les lignes classiques, comme celles à grande vitesse. Depuis quatre ans les trafics ferroviaires sont en croissance. La création du réseau transeuropéen de fret ferroviaire, la généralisation de la régionalisation des services régionaux de voyageurs à partir de 2002, l'extension du réseau à grande vitesse vers la Méditerranée immédiatement suivie de la réalisation du TGV-Est européen puis de celle du TGV Rhin-Rhône, devraient permettre à la SNCF de libérer des capacités nouvelles sur le réseau classique et de relever les grands défis auxquels elle est confrontée pour les transports comme pour le fret. En dépit des 49 milliards de francs de dotations publiques à RFF en quatre ans qui ont permis de stabiliser la dette de RFF et d'une réduction de celle de la SNCF, l'endettement du système ferroviaire reste une préoccupation majeure du ministre de l'équipement, des transports et du logement qui ne s'en est donc pas tenu aux dispositions initiées par son prédécesseur. Avec sa « réforme de la réforme », il a clairement réaffirmé le caractère intégré et public de la SNCF et il a garanti et renforcé l'unicité du service public ferroviaire. Il a jeté les bases et s'est donné les moyens d'un véritable renouveau du transport ferroviaire. Au niveau de l'Union européenne, le ministre s'est opposé à l'évolution du système ferroviaire vers l'ouverture des marchés à la concurrence. Refusant cette perspective, il a largement fait valoir les positions de la France en faveur d'un renouveau ferroviaire à l'échelle de l'Europe et notamment dans le domaine des trafics internationaux de fret. La SNCF a su montrer l'intérêt de la coopération entre les différents opérateurs ferroviaires. Le corridor Belifret, instauré ainsi en coopération avec les entreprises ferroviaires des pays concernés (Italie, Espagne, Luxembourg, Belgique), est aujourd'hui l'exemple d'une coopération réussie au service du développement du rail. La France s'est mobilisée au cours de sa présidence de l'Union européenne pour que le texte issu de la procédure de conciliation sur le paquet ferroviaire entre le conseil des ministres et le Parlement européen ne concerne pas le transport de voyageurs et aboutisse à la création d'un réseau transeuropéen de fret ferroviaire (RTEFF) basé sur le développement de l'interopérabilité et des droits d'accès aux réseaux. Enfin, le ministre a clairement indiqué que le Gouvernement français était opposé à ce que le projet de règlement communautaire relatif aux exigences de service public dans le domaine des transports par chemin de fer, route et voies navigables, ne s'applique pas aux transports ferroviaires de voyageurs international, grandes lignes et régional. Le Parlement européen a récemment modifié le texte élaboré par la Commission européenne, dans un sens plus favorable au service public, aux entreprises publiques et aux droits des salariés. Ce texte demeure cependant toujours inacceptable en l'état.
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