FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 60651  de  M.   Mariani Thierry ( Rassemblement pour la République - Vaucluse ) QE
Ministère interrogé :  économie
Ministère attributaire :  économie
Question publiée au JO le :  30/04/2001  page :  2523
Réponse publiée au JO le :  27/08/2001  page :  4894
Rubrique :  TVA
Tête d'analyse :  assiette
Analyse :  service inclus dans le prix de vente
Texte de la QUESTION : M. Thierry Mariani * appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les vives préoccupations des restaurateurs, des cafetiers, des coiffeurs et autres professionnels concernés par l'arrêt rendu par la Cour de justice de l'Union européenne le jeudi 29 mars. Cette juridiction a, en effet, condamné la france à soumettre à la TVA à 19,6 % le montant des pourboires (soit 15 %) inclus dans les prix de vente. Elle a ainsi mis fin à une pratique fiscale française qui était en vigueur depuis 1923 et qui consistait à exonérer de taxes les pourboires inclus dans le prix de vente afin de protéger les intérêts des serveurs et des coiffeurs. S'il est encore difficile de chiffrer précisément les conséquences financières de l'arrêt de la cour, nul doute qu'elles porteront gravement préjudice aux professionnels de ce secteur mais aussi aux clients. Ainsi, pour compenser cette nouvelle imposition, les cafetiers et les coiffeurs, par exemple, seront probablement contraints d'augmenter leurs prix. Cette situation semble, au premier abord, provoquée par les instances communautaires. Elle engage, en réalité, directement la responsabilité du Gouvernement. En effet, il n'a jamais souhaité donner une suite favorable aux demandes répétées de l'opposition parlementaire défendant l'application du taux réduit de TVA (5,5 %) au secteur de la restauration traditionnel mais aussi à d'autres activités comme la coiffure. Pourtant, aucun obstacle juridique ne s'oppose à l'élargissement du champ d'application de la TVA à taux réduit, notamment dans les secteurs économiques à forte intensité de main-d'oeuvre. De même, le Gouvernement dispose d'une marge de manoeuvre budgétaire lui permettant, d'un strict point de vue financier, de mettre en oeuvre une telle mesure. En effet, il convient de rappeler qu'il mène, depuis 1997, une politique basée essentiellement sur l'augmentation continue des recettes fiscales de l'Etat infligeant des prélèvements exceptionnellement élevés à l'ensemble des contribuables (19 impôts nouveaux depuis 1997, une augmentation de près de 500 milliards de francs des impôts, taxes et autres cotisations sociales en trois ans et demi). Le refus d'appliquer le taux de TVA à taux réduit s'apparente donc à une volonté politique manifeste de pénaliser des pans entiers de notre économie. Dans une question au Gouvernement qu'il a posée le mercredi 4 avril 2001 à l'Assemblée nationale, il lui a demandé d'accorder le bénéfice de la TVA à taux réduit à ces différentes professions. La secrétaire d'Etat chargée du budget n'a pas répondu à sa question, se contentant d'un vague engagement, à savoir étudier les implications de la décision de la Cour de justice. Une telle réponse n'est pas satisfaisante et n'est pas de nature à mettre fin au mécontentement légitime des professionnels concernés par cette décision. C'est pourquoi il lui demande de prendre enfin conscience des conséquences dramatiques de l'arrêt de la Cour de justice et d'appliquer la TVA à taux réduit aux restaurateurs, aux cafetiers, aux coiffeurs et à bien d'autres professions qui demeurent dans l'attente et entament de nouveaux et légitimes mouvements de protestation.
Texte de la REPONSE : Par un arrêt du 29 mars 2001, la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) a jugé non conforme à la sixième directive TVA la tolérance administrative qui permettait, sous certaines conditions, de ne pas soumettre à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) les sommes perçues au titre du service obligatoire. Cette tolérance était susceptible de s'appliquer à toutes les entreprises prestataires de services dont le personnel est en contact direct avec la clientèle, et notamment aux restaurateurs et aux coiffeurs. Il était possible de considérer, et le Gouvernement a plaidé en ce sens, que cette pratique ancienne qui était laissée au libre choix du prestataire n'entraînait aucune distorsion de concurrence. Toutefois, la CJCE a rappelé le principe de neutralité fiscale qui s'oppose notamment à ce que les opérateurs économiques qui effectuent les mêmes opérations soient traités différemment en matière de perception de la TVA. Le Gouvernement est bien évidemment tenu de se conformer à cette décision. Ainsi, l'instruction administrative du 15 juin 2001 publiée au Bulletin officiel des impôts 3 A-8-01 abroge la tolérance administrative. Il faut cependant expliquer et relativiser la portée de cette décision. Tout d'abord, beaucoup de restaurants et de salons de coiffure, en l'absence de personnel salarié, ne pouvaient pas se prévaloir de la mesure de tolérance administrative. Il en va de même pour tous ceux qui ont du personnel mais qui n'est pas rémunéré au pourboire. En effet, le dispositif sanctionné par la CJCE était assorti de conditions très précises de partage, de transparence et de déclaration de ces sommes. Pour les établissements réellement affectés par cette décision, la conséquence sur les prix sera limitée : de l'ordre de 2 % et devrait être à la charge du client. En outre, l'instruction du 15 juin 2001 précise que devront être soumises à la TVA les sommes perçues au titre du service obligatoire à compter du 1er octobre 2001. Les professionnels disposeront ainsi du délai nécessaire pour se conformer à ces nouvelles règles. Enfin les vrais pourboires, c'est-à-dire la somme d'argent laissée volontairement au personnel, ne sont, bien entendu, pas concernés par cette jurisprudence. Par ailleurs, les règles communautaires de droit commun en matière de TVA limitent l'application du taux réduit aux seules opérations reprises sur la liste annexée à la directive n° 92/77 du 10 octobre 1992, relative au rapprochement des taux de TVA. Or, les prestations de restauration et de coiffure n'y figurent pas. Ces prestations ne peuvent pas non plus bénéficier des dispositions de la directive communautaire n° 1999/85/CE du 22 octobre 1999 qui autorise les Etats membres à appliquer, à titre expérimental, pour une durée de trois ans jusqu'au 31 décembre 2002, un taux réduit de TVA à certains services à forte intensité de main-d'oeuvre. La liste des services susceptibles de bénéficier de cette mesure comprend les petits services de réparation (bicyclettes, chaussures et articles de cuir, vêtements et linge de maison), la rénovation et la réparation des logements privés, le lavage de vitres et le nettoyage de logements privés, les services de soins à domicile ainsi que la coiffure. Lors de son adoption, les Etats membres ont décidé de ne pas y faire figurer le secteur de la restauration. En outre, chaque Etat membre est tenu de limiter l'expérience à deux, voire trois à titre exceptionnel, des catégories de services ainsi définies. La France a décidé d'appliquer le taux réduit de la TVA, d'une part, aux travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement et d'entretien portant sur les locaux à usage d'habitation achevés depuis plus de deux ans, d'autre part, aux services d'aide à la personne, y compris le nettoyage de logements privés fournis par des entreprises agréées en application de l'article L. 129-1-II du code du travail. Ces mesures sont inscrites aux articles 5 et 7 de la loi de finances pour 2000 car le Parlement les a jugées prioritaires. Le choix de ces secteurs correspond à la volonté de développer l'emploi, notamment en favorisant la réduction du travail dissimulé et de faciliter l'amélioration du parc de logements et la vie quotidienne des ménages. En décidant l'application du taux réduit à trois des cinq de ces catégories de services retenues par les Etats membres, la France a ainsi utilisé entièrement les marges de manoeuvre dont la directive lui permet de disposer.
RPR 11 REP_PUB Provence-Alpes-Côte-d'Azur O