FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 606  de  M.   Rochebloine François ( Union pour la démocratie française-Alliance - Loire ) QOSD
Ministère interrogé :  défense
Ministère attributaire :  défense
Question publiée au JO le :  01/02/1999  page :  513
Réponse publiée au JO le :  03/02/1999  page :  682
Rubrique :  défense
Tête d'analyse :  GIAT-Industries
Analyse :  emploi et activité
Texte de la QUESTION : M. François Rochebloine attire l'attention de M. le ministre de la défense sur la situation du groupe GIAT Industries. Au moment où la direction du groupe met en oeuvre le nouveau plan stratégique, économique et social (PSES), des nouvelles inquiétantes viennent renforcer les craintes concernant l'avenir de plusieurs sites de production. Malgré des déclarations qui se veulent rassurantes, il convient de relever que certaines mesures de restructurations prévues, qui se traduisent notamment par d'importantes suppressions d'emplois, peuvent laisser supposer à terme la disparition pure et simple d'activités. Dans un contexte où pèsent de nombreuses incertitudes liées aux évolutions du secteur européen de l'armement, la gestion du PSES soulève par ailleurs de graves difficultés sur le plan humain, ce qui ne manque pas de renforcer la dégradation du climat social au sein de l'entreprise. En conséquence, il lui demande de bien vouloir lui préciser les solutions que le Gouvernement entend promouvoir afin de rétablir la confiance dans l'avenir du groupe GIAT Industries.
Texte de la REPONSE : M. le président. M. François Rochebloine a présenté une question, n° 606, ainsi rédigée:
«M. François Rochebloine attire l'attention de M. le ministre de la défense sur la situation du groupe GIAT Industries. Au moment où la direction du groupe met en oeuvre le nouveau plan stratégique, économique et social (PSES), des nouvelles inquiétantes viennent renforcer les craintes concernant l'avenir de plusieurs sites de production. Malgré des déclarations qui se veulent rassurantes, il convient de relever que certaines mesures de restructurations prévues, qui se traduisent notamment par d'importantes suppressions d'emplois, peuvent laisser supposer à terme la disparition pure et simple d'activités. Dans un contexte où pèsent de nombreuses incertitudes liées aux évolutions du secteur européen de l'armement, la gestion du PSES soulève par ailleurs de graves difficultés sur le plan humain, ce qui ne manque pas de renforcer la dégradation du climat social au sein de l'entreprise. En conséquence, il lui demande de bien vouloir lui préciser les solutions que le Gouvernement entend promouvoir afin de rétablir la confiance dans l'avenir du groupe GIAT Industries.»
La parole est à M. François Rochebloine, pour exposer sa question.
M. François Rochebloine. Monsieur le ministre de la défense, le 6 novembre dernier, ici-même, en réponse à une question relative à la situation du groupe GIAT Industries que je vous posais dans le cadre de la discussion budgétaire, vous aviez bien voulu nous rassurer quant à la volonté du Gouvernement de soutenir l'entreprise et ses filiales dans les difficiles restructurations engagées.
Alors que la première phase du plan stratégique, économique et social, le PSES, entre concrètement en application, je veux, en liaison avec mon collègue et ami Patrice Martin-Lalande, évoquer avec vous plusieurs problèmes qui suscitent nombre d'inquiétudes pour l'avenir, chez les salariés, bien sûr, mais aussi parmi les élus et la population des bassins d'emplois concernés. J'associe à ma question mon collègue et ami Pascal Clément, président du conseil général de la Loire, lui aussi très soucieux des problèmes économiques dans ce département, notamment ceux concernant GIAT Industries.
M. Pascal Clément. C'est vrai !
M. François Rochebloine. Vous me permettrez d'évoquer d'abord les modalités d'application de ce nouveau plan pour lequel nous avions cru comprendre que tout serait mis en oeuvre pour le rendre exemplaire. Or nous avons appris, il y a quelques jours seulement, qu'une directive interne au groupe incitait à des manoeuvres et pressions destinées à favoriser les départs dits volontaires par la déstabilisation des salariés les plus récalcitrants.
Dieu merci, des sanctions ont été prises immédiatement après que ces pratiques condamnables eurent fait l'objet d'une diffusion à l'extérieur de l'entreprise.
M. Patrice Martin-Lalande. Heureusement !
M. François Rochebloine. Reste tout de même, monsieur le ministre, un plan social qui consacre de nouvelles et importantes vagues de suppressions d'emplois.
Toujours au plan social, comment ne pas déplorer les traitements différenciés appliqués aux départs en retraite des personnels sous convention collective, notamment pour l'établissement de Saint-Chamond ?
M. Patrice Martin-Lalande. A Salbris aussi !
M. François Rochebloine. Pour ce qui est, ensuite, de l'évolution du chiffre d'affaires et du plan de charges de GIAT Industries, les inquiétudes demeurent, les projets d'exportation tardant à se concrétiser et l'Etat lui-même semblant hésiter à confirmer, voire à assumer, certains de ses engagements dans la durée. Cette situation pour le moins confuse - l'avenir de plusieurs sites dépendant étroitement de décisions de l'Etat actionnaire sur un programme pluriannuel - n'est pas de nature à rétablir la confiance en interne sur un retour à de meilleurs résultats. Dans ce contexte, n'y a-t-il pas un risque de compromettre les efforts déjà consentis dans le passé ?
Les notifications effectives des commandes par l'Etat auraient pourtant le mérite de clarifier, dans certains cas, les intentions des pouvoirs publics et d'afficher des priorités pour les établissements les plus menacés. Cela pourrait être un signal fort et rassurant pour les personnels qui vivent depuis des années dans l'incertitude.
Si je m'en tiens aux seuls trois sites du département de la Loire, dont je suis un élu, comme mon collègue et ami Pascal Clément, qui se trouvent particulièrement touchés, une nouvelle fois, par d'importantes mesures de suppression d'emplois et de démantèlement, trop d'incertitudes pèsent. Nous n'oublions pas, en effet, que l'Etat n'a pas respecté ses engagements dans la mise en oeuvre du plan de retour à l'équilibre, le PRE, contrairement aux assurances qui nous avaient été données à l'époque.
M. Alain Richard, ministre de la défense. Par qui ?
M. François Rochebloine. J'ai bien dit «à l'époque», monsieur le ministre. Tout n'est pas de votre fait, je vous l'accorde.
M. Patrice Martin-Lalande. Il n'y a pas de monopole en la matière !
M. François Rochebloine. Dans ces conditions comment espérer atteindre les objectifs assignés et comment rétablir la confiance ? J'espère, monsieur le ministre, que vous ferez mieux que votre prédécesseur en ce domaine. Une fois encore, et vous allez dire que je me répète, il en va du respect de la parole donnée, des engagements pris par les pouvoirs publics.
Certes, toute restructuration est difficile, j'en conviens, mais pourra-t-on encore longtemps entretenir le suspense sur des choix industriels qui, avouons-le, ne sont pas neutres tant en matière d'emploi qu'en termes financiers ?
Par ailleurs, qu'en est-il de la diversification des activités ? Constitue-t-elle toujours une piste pour l'entreprise ? Il y a lieu de s'interroger à ce sujet aussi.
Il est une autre préoccupation, monsieur le ministre; où en sommes-nous des perspectives d'alliances au niveau de l'Espace économique européen ? Des informations circulent en effet concernant d'éventuels rapprochements avec des groupes étrangers destinés à rompre l'isolement dans lequel risquerait d'être enfermé le groupe français.
En conclusion, loin de favoriser l'instauration d'un climat de confiance dans l'entreprise, les mesures sociales décidées viennent déstabiliser un peu plus - et c'est inévitable - les personnels du groupe. Localement, on ne le dira jamais assez, ces incertitudes affectent le climat de l'entreprise, car elles sont particulièrement mal ressenties. Vous n'êtes pas sans connaître la situation du site de Saint-Etienne qui en est à son dix-neuvième jour de conflit aujourdhui.
Sur tous ces points et face à toutes ces inquiétudes, à toutes ces interrogrations, pourriez-vous, monsieur le ministre, nous apporter des informations que je voudrais rassurantes ?
M. Pascal Clément et M. Patrice Martin-Lalande. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre de la défense.
M. le ministre de la défense. Monsieur le président, messieurs les députés, le plan stratégique, économique et social de GIAT a été présenté, avec l'approbation du Gouvernement, par la direction de l'entreprise, le 7 juillet 1998. A l'issue de la procédure prévue par le code du travail, de trois réunions du comité central d'entreprise, et après un ensemble de concertations dans tous les établissements, que vous connaissez par le détail, monsieur le député, les procédures se sont achevées au mois d'octobre. Le plan est entré en vigueur, comme cela avait été annoncé, parfaitement en ligne avec les objectifs, le 1er janvier 1999.
Quatre organisations syndicales, sur les cinq représentées dans l'entreprise, ont signé, le 5 janvier dernier, un protocole d'accord sur les conditions d'accompagnement social de ce plan.
Je rappelle - et les députés représentant les circonscriptions où ne sont pas employés des ouvriers de l'Etat seront intéressés par cette précision - que ce plan prévoit des mesures exceptionnelles, dont un dégagement des cadres et des ouvriers d'Etat à cinquante-deux ans.
M. Pascal Clément. Nous en avons besoin !
M. le ministre de la défense. L'objectif assigné à l'entreprise est que ce plan ait lieu sans recourir aux licenciements, ce qui signifie qu'il faut des départs volontaires. Par ailleurs, comme l'engagement en avait été pris devant les organisations syndicales, il n'y a pas de notifications individuelle de suppression de poste.
Ce plan stratégique, proposé au printemps de 1998 par la direction de l'entreprise au Gouvernement, n'a été accepté par ce dernier que parce qu'il comprend, outre un volet social, un important volet industriel permettant une rationalisation des sites et des productions.
Monsieur Rochebloine, vous avez employé, peut-être vingt fois, dans votre question les mots «incertitude» et «inquiétude». Pensez-vous que votre rôle est de faire ainsi perdurer l'ambiguïté et semer des illusions ? Comme je vous l'ai déjà dit des dizaines de fois dans nos rencontres, ne serait-il pas préférable d'avoir le cran d'exposer la réalité aux salariés de GIAT Industries ? Les marchés des industries de défense terrestres ont baissé des trois quarts depuis le début de la décennie. Acceptez d'assumer ce fait et de participer à la réorganisation industrielle du groupe concerné, en France comme partout en Europe, en étant conséquent avec la réalité. Dans ces conditions, il ne faut plus parler d'incertitude ou d'inquiétude mais de volonté, de détermination et de stratégie. C'est aussi votre rôle en tant que député.
M. Patrice Martin-Lalande. Il y a aussi la loi de programmation militaire.
M. le ministre de la défense. Il ne faut pas se mentir sur des sujets comme cela. Telle est, entre autres, la différence entre notre gouvernement et ceux qui l'ont précédé et que vous avez soutenus.
M. Loppion a la confiance du Gouvernement pour mettre un oeuvre ce plan. Il convient de saluer, à cet égard, la lettre d'intention, récemment signée avec l'entreprise britannique Vickers, qui permet d'envisager, à terme, une coopération industrielle européenne crédible dans ce secteur de l'armement terrestre, où tous les Européens sont en surcapacité. Accepterez-vous de le dire, monsieur Rochebloine, et de ne pas contourner la réalité ?
Concernant le contrat à l'exportation de chars Leclerc vers l'Arabie Saoudite, des allégations inexactes, sans aucun fondement, sont parues récemment dans la presse, comme cela se produit de trimestre en trimestre ou de semestre en semestre.
M. Patrice Martin-Lalande. C'est bien dommage pour Giat !
M. le ministre de la défense. C'est possible, mais la presse est libre, il est temps que vous en preniez conscience.
Vous ne m'entendrez jamais évoquer ce type de négociations commerciales internationales. Il faut que chacun ait un minimum de conscience de ses responsabilités. Les négociations se poursuivent entre le partenaire saoudien et Giat Industries. Le meilleur service que l'on puisse rendre à l'entreprise, comme à ses salariés, est d'éviter, pendant cette période sensible, de faire, dans une enceinte publique, des spéculations sans base concrète. Le Gouvernement et, en particulier, votre serviteur, soutient activement l'entreprise dans ses démarches.
Par ailleurs, l'ensemble des commandes relevant de l'application de la programmation seront passées, comme elles l'ont été au cours de l'année 1998.
Enfin, la filiale Giat Développement, chargée de la diversification, est en voie de création; et ses statuts seront très vraisemblement déposés dans le courant du mois prochain.
Donc, monsieur Rochebloine, si je peux me permettre de vous faire une recommandation, qui sera utile et pour vous et surtout pour ceux qui vous font confiance, faites comme moi: au lieu de répéter à l'envi votre inquiétude en générant le doute au sein de l'entreprise, chez ses contractants et chez ses partenaires, dites votre confiance dans Giat Industries, dans son personnel et dans leur avenir.
M. le président. La parole est à M. François Rochebloine.
M. François Rochebloine. Monsieur le ministre, je suis quelque peu surpris de la véhémence de vos propos. Si j'ai employé à plusieurs reprises, comme vous l'avez relevé, le mot «incertitudes», c'est tout simplement parce que ces incertitudes existent et sont fondées.
M. le ministre de la défense. Non !
M. François Rochebloine. Je ne fais que reprendre ce qui est dit par l'ensemble du personnel. Vous avez reçu comme nous les organisations syndicales. Je crois traduire leur désarroi.
M. le ministre de la défense. Ce n'est pas le rôle d'un responsable politique, permettez-moi de vous le dire.
M. Pascal Clément. Vos amis, monsieur le ministre, avaient la même attitude il y a trois ans.
M. le ministre de la défense. N'est-ce point là ce qu'on appelle la démagogie ?
M. le président. Monsieur Clément, respectez les règles des questions orales sans débat. Laissez M. Rochebloine répondre à M. le ministre.
M. François Rochebloine. Monsieur le ministre, je n'ai pas fait de cadeau à votre prédécesseur. Je n'ai pas voté la loi de programmation militaire, pas plus d'ailleurs que mes collègues de la Loire. Je me sens donc très à l'aise sur cette question et, comme vous, j'aime le parler-vrai.
M. le ministre de la défense. Je suis à votre service !
M. François Rochebloine. Nous avons le devoir de dire ce qu'il en est au personnel de l'entreprise Giat Industries.
Les marchés de l'armement diminuent considérablement. Vous l'avez rappelé et vous avez eu raison. Mais ce n'est pas un scoop et, bien que l'on parle depuis de très nombreuses années de diversification, je ne vois rien venir, et ce quel que soit le gouvernement en place.
Vous avez dit qu'il n'y aurait pas de suppression d'emplois.
M. le ministre de la défense. Je n'ai jamais dit ça ! J'ai dit qu'il n'y aurait pas de licenciements. Des suppressions d'emplois, il y en aura.
M. François Rochebloine. Pardonnez, monsieur le ministre, ce lapsus. Vous avez effectivement dit qu'il n'y aurait pas de licenciements.
Cela dit, vous avez annoncé un certain nombre de propositions pour les ouvriers d'Etat sous décret. Je me permets à nouveau de souligner que le personnel sous convention collective n'est pas concerné par ces mesures. Comment voulez-vous qu'il y ait une bonne ambiance dans l'entreprise, un bon climat social, si, pour deux personnes effectuant le même travail, vous permettez à l'une de partir à cinquante-deux ans alors que l'autre ne peut le faire qu'à cinquante-six ans ?
Même s'il n'y a pas de licenciements, le personnel devra accepter une certaine mobilité, ce qui n'est pas toujours facile dans des régions déjà fortement touchées par les problèmes économiques.
Comme vous l'avez remarqué, monsieur le ministre, je ne me suis pas attardé sur Saint-Chamond. J'ai parlé de l'ensemble des trois sites de la Loire. Mais, si vous souhaitez, comme j'en suis persuadé, la pérennisation du site de Saint-Chamond, il faut que l'activité des blindés légers, avec les équipements Leclerc, soit conservée. J'apporte mon soutien aux programmes du VBCI, du Vextra, au NTI3 pour les VAB et aux contrats exports.
Le maintien du centre de Saint-Chamond est à ce prix. Mais, monsieur le ministre, s'il est un domaine sur lequel je ne souhaite ni polémiquer ni faire de la surenchère, c'est bien celui de l'emploi.
Si nous avons le devoir du parler-vrai, nous avons également celui de défendre nos régions. Cette question concerne l'aménagement du territoire. Notre département a déjà suffisamment donné. Le président du conseil général, Pascal Clément, a obtenu de votre prédécesseur la création de l'EPORA. Notre département doit pouvoir en bénéficier.
UDF 11 REP_PUB Rhône-Alpes O