Texte de la QUESTION :
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M. Christian Estrosi attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'abrogation de l'article 1386 du code civil, proposée par la Cour de cassation. En effet, l'article 1386 du code civil est ainsi rédigé : « Le propriétaire d'un bâtiment est responsable du dommage causé par sa ruine, lorsqu'elle est arrivée par une suite du défaut d'entretien ou par le vice de sa construction ». La jurisprudence, à la fin du xixe siècle, cessant de considérer l'article 1384, alinéa 1er, comme un simple texte de transition et d'annonce dépourvu de portée normative, y a « découvert » le siège d'un principe général de responsabilité du fait des choses inanimées. Le régime de la responsabilité générale du fait des choses de l'article 1384, alinéa 1er, s'avère beaucoup plus favorable aux victimes qui n'avaient, concrètement, qu'à rapporter la preuve de l'intervention matérielle de la chose dans la réalisation du dommage. Il est devenu « pénalisant » pour les victimes de dommages causés par la ruine de bâtiments d'avoir à agir sur le terrain de l'article 1386, c'est-à-dire de l'un des cas spéciaux de responsabilité du fait des choses. Il est en effet sûrement plus simple de prouver l'intervention matérielle de la chose dans la réalisation du dommage (art. 1384, alinéa 1er) que celle de la ruine d'un bâtiment et, surtout, du défaut d'entretien ou d'un vice de construction (art. 1386). C'est pour cette raison que de nombreux auteurs se sont interrogés sur l'opportunité de maintenir l'article 1386 du code civil alors que l'article 1384, alinéa 1er, serait parfaitement adapté à la réparation des dommages causés par la ruine de bâtiments : « puisque l'article 1386 est devenu moins avantageux que l'article 1384, alinéa 1er, pourquoi (s'est-on demandé) maintenir une disposition devenue anachronique et inutile, le régime général de la responsabilité du fait des choses pouvant tout à fait englober celui de la responsabilité du fait des bâtiments ? » La réponse est d'ailleurs parfois catégorique. Ainsi deux des spécialistes de la responsabilité civile considèrent-ils que « l'article 1386 apparaît désormais comme un instrument de chicane dont notre système de responsabilité civile délictuelle, déjà trop complexe, aurait (...) tout avantage à se passer ». Cette opinion doctrinale a, du reste, conduit la Cour de cassation à abandonner, par un arrêt de la deuxième chambre civile du 23 mars 2000, le principe vivement critiqué du non-cumul des articles 1384, alinéa 1er, et 1386 du code civil lorsque les qualités de gardien et de propriétaire appartiennent à deux personnes différentes. Certains y ont vu, à juste titre, « un signal émis à l'attention du législateur » afin qu'il harmonise la situation des victimes, d'autant qu'en l'état, le non-cumul des responsabilités spéciale et générale reste de mise lorsque le gardien est propriétaire du bâtiment. Il lui demande de bien vouloir lui faire part de son sentiment sur ce sujet.
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