FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 621  de  M.   Chossy Jean-François ( Union pour la démocratie française-Alliance - Loire ) QOSD
Ministère interrogé :  aménagement du territoire et environnement
Ministère attributaire :  aménagement du territoire et environnement
Question publiée au JO le :  08/02/1999  page :  674
Réponse publiée au JO le :  10/02/1999  page :  1064
Rubrique :  cours d'eau, étangs et lacs
Tête d'analyse :  aménagement et protection
Analyse :  retenue du barrage de Grangent. vidange
Texte de la QUESTION : M. Jean-François Chossy attire l'attention de Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur les conséquences de la vidange du barrage de Grangent (Loire). Cette retenue doit subir à l'horizon 2000 une vidange complète, dite vidange décennale. Or ce projet présente des risques considérables pour l'environnement : mortalité de la faune aquatique ; contamination de la nappe phréatique ; difficultés d'approvisionnement en eau potable pour plusieurs communes ; altération du traitement de l'eau de consommation ; odeurs. Il voudrait surtout attirer son attention sur les boues chargées de métaux lourds qui se sont accumulées depuis plus de 30 ans, dont environ 1 500 000 mètres cubes sont polluées. Il faudrait plusieurs dizaines de milliers de francs par mètre cube pour les traiter. Cependant, des techniques éprouvées d'inspections en eaux polluées et d'interventions sous-marines existent. La législation actuelle qui impose la vidange décennale doit prendre en compte ces avancées technologiques, plus favorables à la préservation de l'environnement. En 1967, lors de la première vidange totale du barrage, la catastrophe écologique n'a pu être évitée. C'est pourquoi il lui demande de bien vouloir prendre en compte dans sa réflexion cette alternative technologique.
Texte de la REPONSE : M. le président. M. Jean-François Chossy a présenté une question, n° 621, ainsi rédigée:
«M. Jean-François Chossy attire l'attention de Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur les conséquences de la vidange du barrage de Grangent (Loire). Cette retenue doit subir à l'horizon 2000 une vidange complète, dite vidange décennale. Or ce projet présente des risques considérables pour l'environnement: mortalité de la faune aquatique; contamination de la nappe phréatique; difficultés d'approvisionnement en eau potable pour plusieurs communes; altération du traitement de l'eau de consommation; odeurs. Il voudrait surtout attirer son attention sur les boues chargées de métaux lourds qui se sont accumulées depuis plus de trente ans, dont environ 1 500 000 mètres cubes sont polluées. Il faudrait plusieurs dizaines de milliers de francs par mètre cube pour les traiter. Cependant, des techniques éprouvées d'inspections en eaux polluées et d'interventions sous-marines existent. La législation actuelle qui impose la vidange décennale doit prendre en compte ces avancées technologiques, plus favorables à la préservation de l'environnement. En 1967, lors de la première vidange totale du barrage, la catastrophe écologique n'a pu être évitée. C'est pourquoi il lui demande de bien vouloir prendre en compte dans sa réflexion cette alternative technologique.»
La parole est à M. Jean-François Chossy, pour exposer sa question.
M. Jean-François Chossy. Madame la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, si les conditions météorologiques s'y prêtaient, je vous inviterais volontiers à une visite bucolique le long de la Loire - si vous en étiez d'accord bien sûr ! (Sourires.)
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je le suis ! (Sourires.)
M. Jean-François Chossy. On y découvrirait un patrimoine formidable: une eau claire en surface et une vie fantastique autour de ce fleuve sympathique et sauvage.
En l'an 2000, en revanche, si vous êtes toujours ministre de l'environnement, ce que vous pouvez légitimement espérer, c'est sur la planète du désastre que je vous convierai à m'accompagner.
Comme le prévoit une circulaire, le barrage de Grangent doit, en effet, subir en l'an 2000 une vidange complète, dite vidange décennale, afin de visualiser l'ensemble du mur. Or celle-ci va entraîner un véritable désastre écologique puisque les 57 millions de mètres cubes d'eau retenus contiennent près de 3 millions de mètres cubes de boues polluées. Les poissons vont mourir, tout le territoire situé en aval du barrage sera pollué et l'eau ne sera plus potable. Des villes comme Feurs - c'est notamment pour cette raison que le président Clément partage mon souci -, comme Andrézieux-Bouthéon - dix mille habitants - ou Saint-Just-Saint-Rambert, qui est située immédiatement au pied du barrage et que je connais bien, vont se retrouver privées d'eau potable. En outre, bien entendu, et comme cela avait été le cas en 1967, l'eau en aval du barrage restera largement polluée pendant des années.
Le tableau désastreux que je viens de dépeindre sera bien réel. Pourtant, madame la ministre, il existe aujourd'hui des technologies modernes et efficaces qui permettraient d'examiner le mur du barrage, centimètre carré par centimètre carré, et de s'assurer ainsi de sa solidité, tout en évitant ce désastre écologique. La circulaire, qui prévoit la vidange du barrage, date de plus de cinquante ans et est devenue totalement obsolète. EDF, qui gère ce barrage, a déjà travaillé avec conscience et constance sur la solidité de l'ouvrage. Des travaux importants réalisés en 1993, 1994, 1995 et 1996 ont d'ailleurs apporté encore plus de sécurité. Procéder à l'examen nécessaire en l'an 2000 en utilisant des robots, des caméras ou des radars éviterait le désastre écologique que j'évoquais.
Madame la ministre, c'est à vous que revient la décision. Acceptez que cette visite technique soit effectuée avec l'appui de technologies modernes. Ainsi, cette vidange aux effets désastreux que nous regretterons tous n'aura pas lieu.
M. Pascal Clément. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Pour répondre aux invitations bucoliques et aux inquiétudes apocalyptiques de M. Chossy ? (Sourires.)
M. Jean-François Chossy. Et bien réelles !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le député, permettez-moi d'abord une digression. Trois des cinq questions auxquelles je viens de répondre, celle de M. Metzinger, de M. Rodet et la vôtre, concernent des situations désastreuses du point de vue environnemental et sanitaire et sont liées à des décennies d'indifférence à l'égard de l'environnement. Des produits toxiques ont été rejetés sans que soient prises en compte les conséquences à long terme de telles actions. Ce genre de démonstration apporte de l'eau au moulin du ministre de l'environnement qui voudrait bien pouvoir s'en passer. On continue, en général, à considérer les réglementations environnementales comme d'insupportables contraintes décidées par des maniaques liberticides et non comme une préoccupation destinée à minorer les coûts de long terme en matière de santé des populations, d'environnement et de finances publiques.
J'en viens au barrage de Grangent. Vous l'avez rappelé, la dernière visite approfondie du barrage, placée sous la responsabilité du secrétariat d'Etat à l'industrie et géré par EDF, concessionnaire de l'ouvrage, a été réalisée en application des dispositions d'une circulaire du 14 août 1970 en présence de la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, les 22 avril et 4 juillet 1996, avec un abaissement partiel du plan d'eau et l'intervention de plongeurs pour l'examen des parties restées immergées.
Cette visite a confirmé le bon état de l'ouvrage, qui fait par ailleurs l'objet de mesures régulières d'entretien. A l'issue de cette visite, le principe d'une vidange totale de la retenue, dans les cinq ans, soit en l'an 2000 au plus tard, avait toutefois été retenu de façon à pouvoir effectuer une inspection plus complète de l'ouvrage.
La réalisation d'un telle vidange est cependant subordonnée à la délivrance d'une autorisation préfectorale au titre de l'article 10 de la loi sur l'eau, qui impose la présentation d'un document d'incidence de l'opération sur la ressource en eau et ses usages, ainsi que sur le milieu aquatique, la réalisation d'une enquête publique et la consultation du comité départemental d'hygiène du département de la Loire.
Dans la perspective de la vidange, EDF a effectué des études préliminaires approfondies avec le concours financier de l'agence de l'eau Loire-Bretagne et de mon ministère, en vue d'en préciser l'impact sur la qualité de l'eau et le milieu aquatique, ainsi que d'en évaluer les effets sur les différents usages de l'eau: eau potable, activités industrielles, tourisme et pêche.
Ces études ont permis de confirmer que les sédiments de la retenue sont constitués, pour partie, de résidus miniers accumulés dans certaines zones. La présence de métaux dans ces sédiments a été décelée mais le risque de leur diffusion dans l'eau apparaît très faible tant que le barrage reste en eau. En revanche, le risque d'entraînement des sédiments vers l'aval en fin de vidange existe. Evidemment, cet entraînement doit être impérativement maîtrisé afin d'éviter les conséquences apocalyptiques que vous avez décrites.
Les études en cours envisagent donc la possibilité de procéder, en alternative à la solution d'un examen après vidange totale, à une visite subaquatique, avec les moyens adaptés permettant d'éviter la vidange. Le choix entre ces solutions sera guidé par les impératifs de sécurité, qui imposent l'examen du barrage, mais aussi par le souci de préserver la qualité de l'eau et des milieux aquatiques ainsi que les différents usages de l'eau.
Mes services veilleront à ce que la solution d'un examen sans vidange soit examinée de façon approfondie.
M. Jean-François Chossy. Très bien !
Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Ce type d'examen tend en effet à devenir de plus en plus fréquent dans le monde, sans que la sécurité des barrages en soit amoindrie.
Le préfet de la Loire présentera prochainement à la commission locale d'information l'état d'avancement des études, dans un souci de totale transparence.
Je vous remercie d'avoir rafraîchi notre attention sur ce dossier d'autant plus important qu'il s'inscrit dans une stratégie plus globale de reconquête de la qualité de l'eau de ce grand fleuve qu'est la Loire.
M. Pascal Clément. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-François Chossy.
M. Jean-François Chossy. Merci, madame la ministre, pour cette réponse. Le président Clément et moi-même sommes heureux d'apprendre que vous veillerez à ce que des technologies modernes puissent être mises en oeuvre pour éviter un désastre écologique.
UDF 11 REP_PUB Rhône-Alpes O