FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 641  de  M.   Crépeau Michel ( Radical, Citoyen et Vert - Charente-Maritime ) QG
Ministère interrogé :  intérieur
Ministère attributaire :  intérieur
Question publiée au JO le :  21/05/1998  page :  4197
Réponse publiée au JO le :  21/05/1998  page :  4197
Rubrique :  droit pénal
Tête d'analyse :  garde à vue
Analyse :  conditions de détention
DEBAT : M. le président. La parole est à M. Michel Crépeau.
M. Michel Crépeau. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
Monsieur le ministre, vous n'avez pas été sans relever, comme moi-même, la condamnation assez sévère dont la France a fait l'objet de la part de la commission des droits de l'homme du Conseil de l'Europe à propos des conditions de détention des personnes gardées à vue dans les commissariats de police.
Il est un certain nombre de valeurs qui ont fondé la nation française et autour desquelles tous ceux qui siègent ici peuvent se rassembler. Ces valeurs, ce sont les droits de l'homme. La France a été l'une des dernières nations d'Europe à ratifier la Convention européenne des droits de l'homme, dans les années quatre-vingt. Nous étions ensuite parmi les bons derniers !
Ensuite, dès lors que nous avions ratifié la Convention, il aurait été nécessaire de la respecter. D'après ce que nous dit le Conseil de l'Europe, tout se passe bien quand on est placé en garde à vue par les gendarmes. Mais beaucoup de choses se passent mal quand on l'est dans les commissariats de police. Comme on ne choisit pas son aubergiste, il me paraît essentiel que toutes les précautions soient prises aussi bien dans les commissariats de police que dans les gendarmeries.
M. Gilbert Meyer et M. Robert Pandraud. Grotesque !
M. Michel Crépeau. Le Conseil de l'Europe dénonce les conditions matérielles de la détention: difficultés de se reposer, de se laver, de se nourrir. Or cette détention peut durer quarante-huit heures et même plus.
Le Conseil dénonce aussi certaines méthodes que nous avons déjà eu l'occasion de déplorer ici même, telles que le port des menottes. On nous a même signalé le cas de personnes menottées dans le dos pendant des heures et des heures, ou attachées comme des bêtes féroces au chauffage central.
Nous savons très bien que le métier de policier, particulièrement difficile, est particulièrement nécessaire, surtout par les temps qui courent, et je veux d'ailleurs rendre hommage à la police.
Nous connaissons votre attachement aux valeurs républicaines. Je crois que vous êtes l'homme qui doit pouvoir dégager quelques crédits sur l'important budget d'un important ministère afin de mettre un petit peu d'ordre dans les commissariats et de faire vérifier, par l'inspection générale des services, circulaires ou par, que sais-je encore, que les gens ne sont pas maltraités. Cela honorerait la République ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur Crépeau, c'est non pas le Conseil de l'Europe, mais un comité pour la prévention de la torture qui a rendu public un communiqué concernant un certain nombre de pratiques dans les commissariats de police, les gendarmeries et l'administration pénitentiaire en France. Ce comité s'est cru autorisé à formuler un certain nombre d'observations dont j'aimerais pouvoir vérifier, pour chaque cas, le bien-fondé. J'avoue avoir été surpris par la publication d'un tel communiqué, car une réponse argumentée avait été fournie audit comité au mois de novembre dernier et aucune communication n'a eu lieu depuis lors.
Je vous rappelle que le principe en vigueur dans la police est celui de l'usage strictement nécessaire de la force. Par exemple, les policiers ne doivent tirer qu'en état de légitime défense, ce qui n'a évidemment rien à voir avec les violences illégitimes que le ministre de l'intérieur ne peut pas et ne doit pas couvrir - je ne les couvrirai pas, cela va de soi. A ce sujet, tous les rappels nécessaires sont faits.
Je vous précise au surplus que plus de 2 000 sanctions administratives sont prononcées chaque année. Cela a été le cas en 1996 et en 1997. Sur ces quelque 2 000 sanctions, 63 ont concerné des faits de violence en 1996 et 86 en 1997, soit 0,002 % de l'effectif global, ce qui est très peu. Quant au nombre des gardes à vue, il s'est élevé à 251 000.
Il est très facile de tomber dans ce que l'on pourrait appeler le «racisme anti-flic». Les policiers exercent une mission extrêmement risquée, qui les met au contact des fractions de la population les plus dangereuses et des secteurs les plus décomposés de la société française.
En 1997, on a déploré 3 tués et 4 570 blessés en service. Et je ne parle pas des accidents de la route.
Au mois de février dernier, trois jeunes policiers ont trouvé la mort dans un incendie. M. le Premier ministre et moi-même avons assisté à leurs obsèques.
M. Arnaud Lepercq. C'est la moindre des choses !
M. le ministre de l'intérieur. Il est nécessaire de prendre la mesure de la difficulté du métier de policier pour porter des jugements équilibrés.
Il reste que, s'agissant des commissariats de police, vous avez mis le doigt sur un problème réel: beaucoup d'entre eux sont dans un état de grande vétusté. Certaines améliorations peuvent être faites, mais cela dépend des crédits que je reçois car elles ne coûtent pas tout à fait rien !
Vous pouvez tous visiter les locaux de garde à vue, où la présence de matelas présente aussi des dangers d'incendie et d'auto-étouffement. A cet égard, des expérimentations sont opérées.
Je rappelle que les parquets contrôlent les enquêtes et qu'un code de déontologie existe. Dans quelques jours viendra en discussion à l'Assemblée nationale un projet de loi portant création d'un conseil supérieur de la déontologie de la sécurité, pour ce qui concerne non seulement la police, mais aussi tous les acteurs de la sécurité.
Je pense que vous attendez du ministre de l'intérieur qu'il soit très ferme sur le rappel des principes républicains.
Mme Nicole Bricq. C'est sûr !
M. le ministre de l'intérieur. N'attendez pas de lui qu'il se fasse l'instrument de je ne sais quelle campagne, mettant trop souvent et trop systématiquement en accusation nos policiers, dont je tiens à saluer le grand nombre d'actes de courage et de dévouement !
Je ne voudrais pas qu'on en reste à la définition de Flaubert dans le Dictionnaire des idées reçues: «Policier: a toujours tort» ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
RCV 11 REP_PUB Poitou-Charentes O