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M. Christian Jacob. Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le Premier ministre. Monsieur le Premier ministre, vous n'avez pas hier clairement répondu à la question de notre collègue Patrick Devedjian. (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Je vous demande aujourd'hui d'être précis dans vos réponses. Premièrement, est-il vrai que vous occupiez un emploi au ministère des affaires étrangères de 1992 à 1997 sans jamais y avoir eu la moindre activité ? (Exclamations sur les mêmes bancs.) M. Jean Glavany. C'est nul ! M. Julien Dray. Minable ! M. Christian Jacob. Deuxièmement, avez-vous demandé votre mise en disponibilité, comme le veut la tradition en France, quand vous avez décidé d'être candidat à l'élection présidentielle de 1995 ? (Exclamations sur les mêmes bancs.) M. Jean Glavany. Est-ce que nous interrogeons Juppé, nous ? M. Christian Jacob. Troisièmement, avez-vous quitté votre emploi au ministère des affaires étrangères, comme il est de droit et de tradition, quand vous avez été élu Premier secrétaire du parti socialiste d'octobre 1995 à juin 1997.(Nouvelles exclamations sur les mêmes bancs.) M. Julien Dray. C'est honteux ! M. Christian Jacob. ... renonçant ainsi à l'obligation de neutralité et au devoir de réserve des hauts fonctionnaires ? M. Jean Glavany. Scandaleux ! M. Christian Jacob. En d'autres termes, est-ce le ministère des affaires étrangères, c'est-à-dire l'Etat et donc les contribuables français qui ont rémunéré le candidat socialiste à l'élection présidentielle et le chef du parti socialiste de 1995 à 1997 ? M. Jean-Claude Perez. Honte à vous ! M. Christian Jacob. Merci d'être précis dans vos réponses, monsieur le Premier ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française. - Exclamations et huées sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) M. Jean Glavany. Vous, vous êtes un parlementaire européen fictif ! M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. M. Lionel Jospin, Premier ministre. Monsieur le député, j'ai ressenti hier un peu d'émotion, comme à chaque fois que j'assiste à une mise en cause personnelle. Pour ma part, je n'y procède jamais. Aujourd'hui, puisque vous avez cru nécessaire de revenir sur le sujet, je m'exprimerai à nouveau pour donner quelques éléments relatifs à l'imputation qui m'est faite et renvoyer aussi au climat qui tend à s'instaurer ces derniers jours. M. Arnaud Lepercq. Merci, madame Guigou ! M. le Premier ministre. J'ai trouvé et je trouve encore que la mise en cause qui a été formulée est particulièrement infondée me concernant. M. Arnaud Lepercq. Ah bon ? M. le Premier ministre. D'abord, parce que, dans ma vie publique, je n'ai jamais procédé à des mises en cause personnelles, y compris quand certains, sur ces bancs, ont eux-mêmes été critiqués pour des faits qui n'étaient pas toujours réguliers. Jamais je ne l'ai fait avant le 1er juin et je ne l'ai pas fait depuis lors. Ensuite, parce que, depuis que se développent les commentaires, un débat public, les admonestations, les critiques de la presse, des procédures judiciaires, celui qui vous parle ne s'est à aucun moment exprimé sur aucun de ces sujets concernant des personnalités mises en cause à tort ou à raison, ni sur aucun des mouvements politiques auxquels elles appartiennent. M. René André et M. Philippe Auberger. Et le garde des sceaux dimanche soir ? M. Arnaud Lepercq. Oui, vous le faites faire par d'autres ! M. le Premier ministre. J'ai, dès le début de cette semaine, donné comme consigne aux membres de mon gouvernement de s'abstenir de tout commentaire, de tout jugement, non seulement sur des procédures judiciaires en cours, mais aussi sur des personnes qui pourraient être concernées ou dont les noms sont prononcés. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) M. Philippe Auberger. Et le garde des sceaux ? M. le Premier ministre. Ce matin, à l'issue du conseil des ministres, j'ai rappelé aux ministres de mon gouvernement les instructions que je leur avais données à cet égard. M. René André. Puissent-ils les respecter ! M. le Premier ministre. Je crois que le rôle des membres du Gouvernement est de s'exprimer sur la politique du Gouvernement. D'ailleurs, compte tenu de ce que nous sommes en train de faire dans ce pays, sur le terrain économique avec la lutte contre le chômage, sur le terrain social avec la loi contre les exclusions, et sur le terrain de la démocratie politique, il y a de quoi faire et il y a de quoi dire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.) M. Philippe Auberger et M. Jean-Michel Ferrand. Ce n'est pas la question ! M. le Premier ministre. Pour ce qui me concerne, monsieur le député Jacob, qui allez à votre tour être envoyé en mission, ma situation professionnelle entre 1993 et 1997 a été et reste parfaitement claire et elle ne peut en aucun cas être assimilée à un quelconque emploi fictif. M. Julien Dray. Il le sait ! M. le Premier ministre. Je ne me prononcerai pas sur la question de savoir s'il a existé ou s'il existe toujours des emplois fictifs dans telle ou telle collectivité ou dans telle ou telle institution. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Cela relève de la justice si elle a à en connaître; et je n'ai aucun commentaire à faire là-dessus. M. Arnaud Lepercq. Vous les faites faire par d'autres ! M. le Premier ministre. Pour ce qui me concerne j'ai à ce moment-là été placé comme haut fonctionnaire dans une situation statutaire et réglementaire parfaitement claire et je me suis tenu à la disposition de mon administration. M. Philippe Auberger. Vous étiez Premier secrétaire du parti socialiste ! M. le Premier ministre. Le 6 avril 1993, soit huit jours à peine après le résultat des élections législatives dans lesquelles j'avais été battu, j'avais écrit une lettre au ministre des affaires étrangères de l'époque puisque j'étais revenu dans ce corps, comme cela est statutaire. Voici ce que je disais: «N'ayant pas été réélu à l'Assemblée nationale le 28 mars dernier, je tiens à exercer pleinement mon activité professionnelle. Je suis donc à la disposition du département pour exercer les fonctions qu'il voudra bien me proposer». (Vifs applaudissement sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) M. Albert Facon. La honte ! M. le Premier ministre. A la suite de cette lettre, j'ai été reçu très courtoisement, le 23 avril, par le ministre des affaires étrangères auquel j'ai réitéré ma demande d'exercer une fonction dans l'administration des affaires étrangères, à la place qu'il voudrait bien me donner. Il m'a dit ceci: qu'il regarderait ce qui était possible; que s'agissant d'une personnalité comme moi, qui avait été ministre, responsable politique, cela ne serait pas forcément facile; qu'il n'était pas assuré de pouvoir l'obtenir de ses amis; qu'il allait néanmoins étudier cette demande. Plusieurs mois après, voyant que rien ne se produisait, j'ai redemandé à voir le ministre des affaires étrangères, Alain Juppé. Il m'a reçu le 14 octobre et m'a annoncé que, compte tenu de ma personnalité, il ne pouvait pas me proposer de poste, qu'il n'avait pas pu obtenir de ses amis que l'on choisisse une personnalité comme moi. (Vifs applaudissements et huées sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) J'ai même un souvenir amusant de cette conversation, que M. Juppé ne pourra pas démentir, d'une part parce qu'il en serait d'accord, je le pense, d'autre part, parce que, pour la deuxième fois consécutive, il n'est pas là, alors qu'il est toujours présent aux questions d'actualité. M. Gilbert Meyer. Mauvais procès ! M. le Premier ministre. Il m'avait dit à ce moment-là: «J'avais bien songé à un poste possible, ne pouvant pas vous mettre dans l'administration centrale» - c'est lui qui en avait décidé -, «ne pouvant pas vous nommer ambassadeur - je ne pourrais pas l'obtenir de mes amis -; j'avais pensé que vous pourriez peut-être vous occuper de la conférence de l'ONU sur les problèmes sociaux, mais même cela, je n'ai pas pu l'obtenir, nous avons confié cette charge à M. Gattaz», l'ancien responsable du patronat français (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.). A cette époque, on m'a refusé une affectation sur un emploi statutaire, alors que j'étais normalement dans les cadres de l'éducation nationale. On pouvait, certes, me refuser un poste effectif, mais on ne pouvait pas me retirer mon salaire car, comme tout fonctionnaire, j'avais droit au traitement. J'ajoute, mesdames, messieurs, que je n'ai jamais vécu que d'un salaire, car je n'ai pas d'autre revenu pour vivre. Je n'ai pas de propriété de rapport, je n'ai pas d'immeubles de parents riches, je n'ai jamais pu vivre que de mon travail de salarié et ça, vous ne pouviez pas me le retirer ! (Mmes et MM. les députés du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert se lèvent et applaudissent vivement. - Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.) En outre, tous ces faits que vous faites semblant d'exhumer, messieurs, sont conformes à la règle applicable à tout fonctionnaire. Vous savez très bien qu'aujourd'hui, tant dans le diplomatie que dans le corps préfectoral, il y a plusieurs dizaines de hauts fonctionnaires auxquels on n'a pas donné d'affectation, parfois parce qu'on ne le peut pas en raison de la démographie. M. Arnaud Lepercq. Ils ont de la chance ! M. le Premier ministre. De plus, tous ces faits étaient parfaitement publics. Moi-même, dans une interview donnée à Libération, je me suis clairement exprimé à ce sujet pour que l'opinion le sache. «Je voulais être au clair en ce qui concerne mon statut professionnel. Cinq mois après que j'ai rejoint le Quai d'Orsay, mon corps d'origine, on ne m'a fait aucune proposition de travail. Je n'en fais le reproche à personne», et je ne fais pas encore, pour le passé, aujourd'hui, de reproches à M. Alain Juppé, «mais cela me permet de me considérer à nouveau comme libre.» Alors oui, j'étais, comme d'autres hauts fonctionnaires, potentiellement payé à ne rien faire. J'ai préféré agir et faire. Et qu'est-ce que j'ai fait ? Oui, je me suis présenté dignement à une élection présidentielle et personne n'a mis en cause la campagne que j'ai faite. Oui, ensuite réélu à la tête du parti socialiste, j'ai mené une bataille d'idées, de convictions; douze heures, quatorze heures, seize heures par jour. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française. Vous n'êtes pas le seul ! M. Philippe Auberger. Pourquoi ne vous êtes-vous pas fait mettre en disponibilité ? M. le Premier ministre. J'ai reconstruit, avec mes amis, une force politique. Avec mes amis, j'ai contribué à constituer une majorité. Je vous appelle, dans la situation qui est la vôtre aujourd'hui, messieurs de l'opposition, à faire ce travail d'idées, de construction de force politique, plutôt que d'essayer de me mettre en cause comme vous le faites aujourd'hui. (Mmes et MM. les députés du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert se lèvent et applaudissent. - Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.) Plusieurs députés du groupe socialiste. Merci, Jacob ! M. le Premier ministre. Sur un plan plus général, à propos de questions débattues ces jours-ci, je voudrais redire ceci. Des procédures judiciaires sont en cours. Il n'est ni dans mon pouvoir, ni dans mon désir, ni dans ma volonté de m'en mêler. Il ne s'agit pour personne, dans la vie politique française et notamment dans cet hémicycle de donner de leçons aux autres. Il s'agit pour chacun, quand la justice l'interroge, d'assumer ses responsabilités. Nous avons évoqué ces questions ce matin avec M. le Président de la République au cours de l'entretien qui précède chaque semaine le conseil des ministres. Je vous renvoie à ce qu'en ont dit nos collaborateurs dûment mandatés par nous. Nous ne sommes, en tant que Président de la République française et en tant que Premier ministre, engagés dans aucune bataille l'un contre l'autre, même si nous avons des convictions différentes sur un certain nombre de sujets. Pour conclure, mesdames, messieurs les députés, ma vision des choses est la suivante: laissons les procédures judiciaires se poursuivre quand elles existent ! M. Raymond Douyère. C'est ça qui les dérange ! M. le Premier ministre. N'y mêlons pas nos commentaires politiques et réservons l'échange public à un débat de fond, à un débat d'idées... M. Arnaud Lepercq. On ne demande pas mieux ! M. le Premier ministre. ... respecteux des personnes et digne de nos concitoyens ! C'est ainsi que je continuerai à agir. (Mmes et MM. les députés du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert se lèvent et applaudissent longuement. - Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe communiste.) |