Texte de la QUESTION :
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M. Jacques Pélissard appelle l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'article 222-16 du code pénal relatif aux appels téléphoniques malveillants et aux agressions sonores. Cet article vise, notamment, les appels téléphoniques qui, par leur malveillance et leur réitération, provoquent chez leur destinataire des chocs émotifs et une tension nerveuse susceptibles, sans forcément entraîner d'incapacité totale de travail personnel, de sévèrement troubler leur tranquillité. De tels agissements sont passibles d'un an d'emprisonnement et de 100 000 francs d'amende. Un certain nombre de professionnels du barreau considèrent aujourd'hui nécessaire d'envisager l'extension de l'application de l'article susvisé aux lettres anonymes, entendant démontrer que celles-ci, par leur nature et les conséquencces produites, présentent les mêmes caractéristiques que les appels téléphoniques malveillants. En l'état actuel de droit et de la jurisprudence, il semble en effet que les lettres anonymes soient parfois constitutives de faits de violence au sens de l'article 222-7 du code pénal. Une telle qualification reste cependant mal adaptée. Il souhaiterait en conséquence être informé de l'éventuelle volonté de la garde des sceaux d'envisager l'opportunité d'étendre l'application de l'article 222-16 du code pénal, concernant les seuls appels téléphoniques malveillants et les agressions sonores, aux lettres anonymes, afin de permettre une clarification du droit et de la jurisprudence en la matière.
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Texte de la REPONSE :
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La garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que l'envoi de lettres anonymes dans le but de nuire à leur destinataire peut donner lieu à des poursuites pénales sous diverses qualifications. Tout d'abord si de telles lettres comportent des menaces de mort ou de tout autre crime ou de délit contre les personnes, l'auteur pourra être poursuivi de ce chef sur le fondement des articles 222-17 et suivants du code pénal. Dans les autres hypothèses, si le caractère nuisible tient à la réitération de l'envoi, à la teneur des courriers ou des objets qu'ils contiendraient, sans pour autant exprimer ou représenter de menace quelconque, l'expédition en elle-même peut être constitutive de violences dès lors qu'elle est de nature à impressionner une personne raisonnable. Depuis l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions du code pénal le 1er mars 1994, certains faits, auparavant poursuivis sous la qualification de violences, sont désormais incriminés par un texte spécial. Il en est ainsi des appels téléphoniques malveillants ou des agressions sonores réitérés en vue de troubler la tranquillité d'autrui, prévue par l'article 222-16 du code pénal. Toutefois, les faits de violences qui restent incriminés de manière générale par le code pénal recouvrent aussi bien les coups et blessures volontaires que les violences d'ordre moral ou psychologique, sans atteinte corporelle directe. En outre, les violences consistant dans l'envoi de lettres anonymes n'ayant entraîné aucune incapacité totale de travail au sens pénal du terme, peuvent revêtir une qualification délictuelle, aux termes de l'article 222-13 du code pénal, dès lors que sont retenues certaines circonstances aggravantes, telles que la préméditation de son acte par l'auteur, le lien de parenté unissant l'auteur et la victime ou encore la qualité de la victime (témoin, dépositaire de l'autorité publique ou chargé d'une mission de service public...). En tout état de cause, en l'absence d'incapacité totale de travail consécutive à la réception d'une ou plusieurs lettres anonymes et de toute circonstance aggravante, peuvent être envisagées les qualifications de violences ou violences légères prévues par les articles R. 625-1, R. 624-1 du code pénal. De même, lorsque les lettres anonymes contiennent des injures, des menaces de violences sur la victime ou de dégradations, qui ne permettent pas de retenir les qualifications délictuelles précédemment rappelées, elles peuvent encore constituer l'une des contraventions prévues et réprimées par les articles R. 623-1, R. 621-2, R, 624-4, R. 631-1, R. 634-1 du code pénal. Enfin, s'agissant du contexte actuel depuis les attentats commis aux Etats-Unis le 11 septembre 2001, à la suite d'expéditions par des particuliers de courriers contenant des poudres susceptibles d'être suspectes et s'avérant inoffensives, les services de la Chancellerie ont signalé aux parquets généraux dès le 16 octobre 2001, l'intérêt de poursuivre du chef de violences avec préméditation, de menaces voire éventuellement de communication de fausse information faisant croire à un sinistre et de nature à provoquer l'intervention inutile de secours, les expéditeurs de ces plis. Ainsi, au vu du dispositif répressif applicable en matière d'envoi de lettres anonymes, selon leur contenu et leurs effets sur la victime, il n'apparaît pas utile d'introduire une incrimination spéciale.
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