Question N° :
|
de
|
|
Ministère interrogé : |
| |
Ministère attributaire : |
| |
Question publiée au JO le :
| ||
Réponse publiée au JO le :
| ||
| ||
Rubrique : |
| |
Tête d'analyse : |
| |
Analyse : |
| |
DEBAT : |
M. Roland Carraz. Monsieur le ministre de l'économie et des finances, je voudrais vous interroger sur les risques de déstabilisation de l'économie mondiale consécutifs à la récession prolongée de l'économie japonaise, à la fuite massive des capitaux japonais vers les places financières américaines et, bien évidemment, à la dépréciation, je pourrais dire à la dégringolade accélérée du yen. Cette conjoncture s'explique par la situation propre du Japon, avec une crise bancaire massive, par la situation des économies de l'Asie du Sud-Est, ainsi que par l'absurdité d'un système financier international fondé sur une spéculation sans limites et la constitution particulièrement dangereuse de bulles financières qui, à tout moment, peuvent «éclater», selon le langage des financiers. Les craintes que l'on peut nourrir sont d'autant plus grandes que le secrétaire d'Etat américain au Trésor, M. Robert Rubin, a, semble-t-il, fait des déclarations qui témoignent d'un revirement complet de la position américaine par rapport à la crise économique et monétaire japonaise, les Américains semblant désormais favorables à une relance de l'économie japonaise par les exportations au prix d'une dévaluation massive du yen qui pourrait baisser jusqu'à un dollar pour 150 yens. On peut d'abord nourrir des craintes sur les risques de contagion de ce phénomène de dévaluation, de spirale dévaluationniste, en Asie du Sud-Est. La Chine va-t-elle maintenir ses parités, continuer à défendre le dollar de Hong-Kong ? On peut également nourrir des craintes sur les conséquences de cette situation pour l'économie européenne, l'Europe étant la plus exposée à une dévaluation massive du yen. En avril 1998, notre déficit commercial s'est accru de 67 % par rapport au Japon. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.) Que pensez-vous de cette situation ? Quels commentaires avez-vous à formuler sur les propos prêtés à M. Robert Rubin ? Quel prix l'Europe est-elle prête à payer pour sauver l'économie japonaise ? Nous attendons votre réponse avec beaucoup d'intérêt, sachant que la position européenne a surtout été marquée par une certaine forme d'attentisme au G7, qui n'a pas dit grand-chose. Il n'y a pas eu de réactions officielles des nouvelles autorités européennes. Cette crise peut être d'ailleurs pour elles un premier test intéressant. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.) M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, pour une réponse assez courte. M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, la baisse du yen a commencé l'été dernier et s'est accentuée au cours des derniers jours. La dernière fois que j'ai consulté le cours, nous en étions à 137,70 yens pour 1 dollar alors que, il y a quelques jours encore, on tournait autour de 133. Ainsi que vous l'avez décrit, l'économie japonaise est une grande économie qui, depuis plusieurs années, connaît une croissance très faible et a bien du mal à remettre la machine en marche. Cela se double d'une autre difficulté, la crise du secteur bancaire. Le gouvernement japonais semble avoir pris conscience de l'ampleur de la difficulté depuis plusieurs mois et a annoncé, dès février, un plan de relance de son économie qui s'appuie sur des dépenses budgétaires et des allégements fiscaux visant à stimuler la consommation. Il y a peu de temps encore, beaucoup de gens avaient une appréciation mitigée sur ce plan, se demandant s'il serait efficace. Depuis que des précisions ont été données, on peut sans doute être plus confiant. Ce plan est, en effet, très massif, l'équivalent de plus de 700 milliards de francs sera injecté dans l'économie en plusieurs périodes. La difficulté principale vient de ce que les allégements fiscaux n'apparaissent pas pérennes à la population. Si on annonce aux consommateurs des allégements d'impôts juste pour un an, ils empocheront la différence mais ne consommeront pas pour autant. Dans cette hypothèse, la relance ne viendrait pas, et c'est là où est le doute. Pour la restructuration du système bancaire, il y a énormément à faire. On a vu la faillite d'un très grand opérateur boursier il y a quelques mois. Des décisions sont en cours, semble-t-il, mais à un rythme relativement lent. Tout cela conduit à penser qu'il n'y a pas d'autre sortie de crise pour l'économie japonaise que la baisse du yen et les exportations. Le secrétaire d'Etat au trésor américain, Robert Rubin, a déclaré qu'il était pour un dollar fort, mais il dit cela tous les six mois environ depuis plusieurs années. Nous n'avons pas intérêt à ce qu'il y ait une dévaluation massive du yen, c'est clair, mais nous n'avons pas non plus intérêt à ce que l'économie japonaise reste dans l'état où elle est, pour la raison que vous évoquiez, à savoir qu'elle entraîne l'ensemble de la zone vers le bas, avec même un risque pour l'économie chinoise. Le problème est donc d'arriver à trouver entre les deux un chemin qui évite une trop forte dépréciation mais qui évite aussi de laisser en léthargie l'ensemble de l'économie japonaise. Je crois que le plan en cours peut donner des résultats. J'ai interrogé mon collègue japonais à l'occasion du dernier G7. Il pense voir apparaître les premiers résultats dès le mois de juillet. C'est à ce moment-là que nous saurons si ce plan remet l'économie sur les rails - auquel cas les craintes que vous exprimiez seront heureusement vaines et je pense que vous vous en réjouirez - ou si au contraire, la machine ne repart pas. Il faudra alors sans doute que l'ensemble de la communauté internationale s'interroge sur les moyens de faire redémarrer l'économie japonaise. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.) |