Texte de la QUESTION :
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M. Pierre Forgues attirel'attention de M. le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur le respect du débit réservé des rivières par les installations hydroélectriques. Les installations hydroélectriques doivent préserver un débit minimum des rivières, appelé « débit réservé », afin, notamment, de ne pas compromettre la vie aquatique. Plusieurs problèmes se posent : certaines installations hydroélectriques qui n'ont pas encore renouvelé leur concession d'exploitation ont un débit réservé de 1/40e du module, chiffre qui semble insuffisant. Ainsi, les associations de pêcheurs souhaitent que le chiffre plancher soit de 1/10e du module pour tous les ouvrages. En outre, le respect du débit réservé est contrôlé par le service chargé de la police de l'eau, ou de la pêche, ou le service de l'électricité selon le décret n° 86-203 du 7 février 1986, modifié par le décret n° 93-925 du 13 juillet 1993. Ce texte prévoit la possibilité de réalisation ou de suspension du contrat d'achat d'énergie conclu entre Electricité de France et l'exploitant de l'installation hydroélectrique (art. 2). Mais il est difficilement applicable car, si lors d'un contrôle le débit réservé n'est pas respecté, il faut un deuxième contrôle pour vérifier que le problème existe toujours pour entraîner la suspension ou la résiliation du contrat avec EDF. Mais rien n'empêche l'exploitant de remédier au problème dans l'attente du deuxième contrôle et de ne plus respecter le débit réservé après le deuxième contrôle. C'est pourquoi, les associations de pêcheurs souhaiteraient qu'un contrôle permanent visuel puisse être mis en place afin de vérifier le respect du débit réservé sur une longue période. De plus, le débit réservé à respecter peut varier du simple au triple d'une installation hydroélectrique à l'autre, même si elles sont installées sur le même cours d'eau et distantes d'un ou deux kilomètres. Il serait donc nécessaire d'harmoniser ce débit réservé par bassin versant et d'instaurer une fourchette pour la valeur de débit réservé (de 10 % à 16 % par exemple si on se réfère aux études du laboratoire d'ichtyologie appliquée de l'Ecole nationale d'agronomie de Toulouse [ENSAT]). En effet, ces deux valeurs paraissent bien adaptées pour une gestion équilibrée de la ressource en eau telle qu'elle est définie par l'article 2 de la loi sur l'eau du 3 janvier 1992 et l'article L. 432.5 du code de l'environnement. Il lui demande en conséquence les suites qu'il entend donner à ces différentes propositions.
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Texte de la REPONSE :
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Le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement a pris connaissance, avec intérêt, de la question concernant le débit réservé à laisser dans les cours d'eau à l'aval des ouvrages hydroélectriques. La valeur de ce débit doit être conforme à la loi « pêche » du 29 juin 1984 qui fait obligation de délivrer à l'aval des ouvrages un débit minimal, défini comme « le débit nécessaire pour garantir en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces qui peuplent le cours d'eau au moment de l'installation de l'ouvrage ». Cette valeur doit être au moins égale au dixième du débit moyen interannuel (module) ou au débit arrivant à l'amont de l'ouvrage lorsque ce débit naturel est inférieur, pour les nouveaux ouvrages et ceux dont l'autorisation ou la concession est renouvelée. Pour les ouvrages autorisés avant 1984, le débit réservé doit être égal au minimum au quarantième du module. Des débits supérieurs doivent être délivrés si les exigences du milieu naturel le justifient. La valeur du débit réservé d'un aménagement ne peut être fixée a priori par l'administration. Elle doit résulter de l'étude d'impact ou du document d'incidence et en particulier de son volet hydrobiologique. Sur ces questions, les connaissances scientifiques ont beaucoup progressé au cours des dix dernières années et les méthodes d'analyse des milieux et de leurs fonctionnalités utilisées dans la détermination des valeurs des débits réservés se sont affinées. De même, l'évaluation des impacts et des mesures correctives a progressé. La valeur du débit réservé ne constitue qu'un des éléments entrant dans le bilan environnemental d'une centrale hydroélectrique. Les conditions de fonctionnement de la centrale, son débit d'équipement, les modalités de réalisation des vidanges et des chasses, le choix des périodes de travaux d'entretien sur les ouvrages, les dispositifs de franchissement... sont également des facteurs très influents pour le milieu aquatique. La valeur adéquate du débit réservé doit donc être déterminée au cas par cas. Un groupe de travail, créé à l'initiative du ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, ouvert à l'ensemble des parties concernées (administrations, établissements compétents, producteurs d'électricité, associations...) a été chargé de rassembler les connaissances sur ce sujet et de mettre à jour le guide méthodologique existant pour réaliser l'étude d'impact d'un projet de microcentrale, afin de faire progresser la qualité et la pertinence de ces études encore souvent critiquées actuellement. Les méthodes d'évaluation des impacts qui seront développées auront également vocation à s'appliquer aux aménagements existants. La valeur des débits réservés sur une même portion de cours d'eau peut varier en fonction des dates d'autorisation ou de concession des aménagements hydroélectriques. S'il n'apparaît pas possible de fixer a priori une valeur unique de débit réservé par tronçon de cours d'eau, la réduction des écarts entre les valeurs des débits réservés des usines hydroélectriques situées sur un même tronçon, sans attendre la date d'échéance des titres, demeure effectivement tout à fait souhaitable mais ne peut être imposée autoritairement, sauf dans les cas où cette réduction répond à des enjeux essentiels, notamment de sécurité publique. Plusieurs schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) l'ont recommandé. Les services du ministère y veillent, notamment lors du renouvellement des concessions des ouvrages. Le contrôle du débit réservé peut être effectué par référence à un repère visuel attestant que ce débit est conforme à la valeur fixée pour l'aménagement ; son installation fait partie des mesures d'autocontrôle qui peuvent être mises à la charge de l'exploitant. Pour les nouvelles autorisations ou concessions, la mise en place de moyens d'évaluation du débit réservé est explicitement prévue par les règlements d'eau ou cahiers des charges actuels des centrales hydroélectriques. Pour les centrales existantes, un contrôle en continu du débit réservé peut également être imposé par l'administration, en particulier pour les aménagements ayant donné lieu à procès-verbal pour non-conformité de la valeur du débit réservé délivré. S'agissant des sanctions, le constat répété de non-respect du débit réservé peut donner lieu à la possibilité de suspension ou résiliation des contrats d'achat de l'électricité produite conclus entre les distributeurs d'électricité et les exploitants de centrales hydroélectriques, prévue par le décret n° 86-203 du 7 février 1986, qui constitue une sanction administrative particulièrement exemplaire. Cette sanction doit être utilisée dans les cas attestés de récidives, ou lors du refus opposé par l'exploitant à la modification d'un dispositif de délivrance de débit réservé manifestement inadapté ou défaillant.
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