FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 66102  de  M.   Douste-Blazy Philippe ( Union pour la démocratie française-Alliance - Haute-Garonne ) QE
Ministère interrogé :  justice
Ministère attributaire :  justice
Question publiée au JO le :  24/09/2001  page :  5420
Réponse publiée au JO le :  10/12/2001  page :  7126
Date de signalisat° :  26/11/2001
Rubrique :  droit pénal
Tête d'analyse :  responsabilité pénale
Analyse :  personnes atteintes de troubles psychiques. procédure
Texte de la QUESTION : M. Philippe Douste-Blazy attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les problèmes posés par l'application du code pénal concernant les cas d'irresponsabilité ou d'atténuation de la responsabilité. Dès lors que l'auteur d'un crime ou d'un délit est déclaré irresponsable par les experts sur le fondement de l'article L. 122-1 du code pénal, les victimes, privées de procès et de ses vertus, sont confrontées à un grand désarroi. Non seulement les enquêtes et les rapports d'experts s'avèrent trop souvent insuffisants pour pallier l'absence de procès, mais rien n'est prévu pour faciliter l'exercice des autres démarches judiciaires susceptibles d'être engagées pour rechercher la responsabilité éventuelle de l'entourage en application de l'article L. 122-3 du code pénal au titre des infractions non intentionnelles. C'est pourquoi il lui demande d'entamer une large réflexion, en concertation avec l'ensemble des intéressés, sur les rôles respectifs de la médecine et de la justice, pour mieux articuler logique pénale et logique de soins et donner enfin aux victimes et à leurs familles comme au juge les moyens de cerner les circonstances du drame vécu.
Texte de la REPONSE : La garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que l'article  122-1 du code pénal, qui prévoit que la personne atteinte au moment des fait d'un trouble psychique ou neuro-psychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes n'est pas responsable pénalement, n'instaure nullement une cause d'anéantissement de la réalité des faits constitutifs d'une infraction pénale, en particulier un crime, mais constitue une cause de non-imputabilité de cette infraction à l'auteur des faits. En premier lieu, il convient de souligner que les juridictions de l'instruction mènent toutes les investigations utiles pour rechercher si l'article  122-1 du code pénal trouve ou non application aux cas d'espèces qui leur sont soumis : outre celles que la nature et la commission des faits eux-mêmes, l'attitude du mis en cause avant et après les faits, le passé personnel de ce dernier, la recherche des maladies physiques ou mentales, ces investigations consistent à solliciter des experts psychiatres et psychologues, généralement saisis sous forme de collège d'experts et, pour les procédures les plus graves, parfois désignés sur des listes d'experts dépendant du ressort d'une autre cour d'appel que celle où le mis en cause a commis les faits. Depuis la loi du 8 février 1995, lorsqu'une première expertise psychiatrique conclut à l'irresponsabilité pénale, la contre-expertise sollicitée par les parties civiles est de droit et doit être réalisée par un collège d'experts. Si une contradiction de conclusions apparaît entre la première et la seconde expertise, une troisième expertise est ordonnée, confiée à un collège d'experts, généralement inscrits auprès de la liste près la Cour de cassation. En deuxième lieu, les magistrats instructeurs ne sont pas tenus, dans leur appréciation souveraine, de suivre les conclusions des expertises. Si une ordonnance de non-lieu fondée sur l'article 122-1 du code pénal est rendue, celle-ci peut faire l'objet d'un appel des parties civiles devant la chambre de l'instruction. Si à l'inverse, une ordonnance de renvoi devant la cour d'assises est prise, la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes a introduit l'obligation de poser à la Cour d'assises la question spéciale de l'application ou non de l'article précité : les magistrats et jurés composant la Cour d'assise entendent chacun des experts désignés et ont le droit de leur poser des questions. Les éventuels avis différents des experts sont ainsi soumis, au cours des débats, à l'appréciation souveraine de la Cour d'Assises. En troisième lieu, la personne irresponsable pénalement est, après la décision judiciaire, prise en charge dans un cadre juridique strict : en cas de non-lieu, relaxe ou acquittement, les articles L. 3213-7 et L. 3213-8 du code de la santé publique font obligation aux autorités judiciaires, qui estiment que la personne déclarée irresponsable pourrait compromettre l'ordre public ou la sûreté des personnes, d'aviser le préfet, qui prend sans délai toute mesure utile, ainsi que la commission départementale des hospitalisations psychiatriques. Le préfet prononce une hospitalisation d'office, au vu d'un certificat médical circonstancié. Il ne peut être mis fin aux hospitalisations d'office prononcées dans ce cadre que sur décisions conformes de deux psychiatres, n'appartenant pas à l'établissement et choisis par le préfet sur une liste établie par le procureur de la République après avis de la direction départementale de l'action sanitaire et sociale. Ces deux décisions d'experts doivent résulter de deux examens séparés et concordants et doivent établir que l'intéressé n'est plus dangereux ni pour lui-même ni pour autrui. En quatrième lieu, la garde des sceaux souhaite rappeler que l'article 122-1 s'apprécie au moment des faits et que les causes d'irresponsabilité pénale ne sauraient être assimilables aux éléments extérieurs (prise d'alcool, de substances médicamenteuses, toxiques ou stupéfiants) qui ont pu jouer un rôle facilitant la commission des faits. En effet, l'article 122-1 du code pénal distingue clairement les cas d'irresponsabilité pénale de ceux pour lesquels la responsabilité pénale sera seulement atténuée, du fait d'une altération du discernement de la personne ou du contrôle de ses actes. Dans ce dernier cas, l'auteur des faits est traduit devant une juridiction de jugement, qui apprécie, après une déclaration de culpabilité, ces éléments uniquement sur le plan de la peine. En outre, le code pénal pose le principe de la responsabilité pénale personnelle, puisqu'aux termes de l'article  122-1 du code pénal « nul n'est responsable que de son propre fait ». En conséquence, la recherche, comme le suggère l'honorable parlementaire, de la responsabilité pénale, au titre des infractions non intentionnelles, de l'entourage de l'auteur des faits n'apparaît pas concevable juridiquement. En cinquième lieu, la garde des sceaux tient à rappeler à l'honorable parlementaire que les victimes ou leur ayant-droit, conservent pleinement, malgré l'absence de procès pénal qu'elles peuvent déplorer, leur droit d'obtenir réparation de leur préjudice. En effet, l'article  122-1 du code pénal n'empêche nullement que l'auteur des faits reste civilement responsable des conséquences des actes qu'il a commis. En outre, les victimes sont en droit de saisir la commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI) instituée dans le ressort de chaque tribunal de grande instance, dont l'accès a été facilité par la loi du 15 juin 2000 précitée et qui a désormais vocation à prendre en compte la situation psychologique de la victime. A cet égard, les associations ayant pour objet la défense et l'assistance aux victimes, conventionnées par le ministère de la justice, dont l'existence et le rôle ont été consacrés par la loi précitée, ont vocations à orienter les victimes vers ces démarches. Enfin, la garde des sceaux entend souligner que l'application effective de l'article  122-1 du code pénal concerne les situations psychiatriques les plus graves, et en tout état de cause des personnes qui sont hors d'état de saisir la portée d'une condamnation pénale. A cet égard, l'articulation entre la logique pénale et la logique de soins auxquelles l'honorable parlementaire fait allusion, a vocation à être davantage mise en cohérence, dans le cadre du prochain projet de loi sur la peine et le service public pénitentiaire, à l'égard des personnes condamnées et détenues mais qui présentent des troubles mentaux, connus au cours de la procédure judiciaire et qui n'ont pas justifié l'application de l'article  122-1 du code pénal.
UDF 11 REP_PUB Midi-Pyrénées O