Texte de la QUESTION :
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M. André Aschieri fait part à M. le ministre des affaires étrangères de son inquiétude quant à la situation des droits de l'homme en Russie. L'obscur conflit actuellement en cours dans la région sud-caucasienne a suscité de nombreuses mises en garde émanant de plusieurs ONG indépendantes et relance le débat sur la question du respect des droits fondamentaux de la personne humaine par l'Etat russe. Le rapport d'Amnesty International pour l'année 2001 fustige les atteintes et crimes de grande ampleur contre la population civile, victime d'attaques aveugles des forces armées, ainsi que les actes de torture et les conditions de détention inhumaines et dégradantes. En outre, le respect des droits de l'opposition politique, tout comme l'état de la liberté des médias, jettent le doute sur la nature démocratique du régime au pouvoir. Soucieux des incidences stratégico-politiques d'une telle situation, il souhaiterait connaître les mesures par lesquelles il entend y réagir.
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Texte de la REPONSE :
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La France prête une attention particulière au renforcement de l'état de droit et au développement de la société civile en Russie. La coopération avec la Russie, en particulier dans les domaines de la réforme de l'Etat et de la justice, vise à soutenir le renforcement des valeurs démocratiques dans ce pays. Le président Poutine a quant à lui très clairement affirmé son souhait d'encourager le développement d'une société civile vivante et active en Russie, à l'occasion du « Forum citoyen » qui a eu lieu à Moscou en novembre dernier. Cependant, la France saisit chaque occasion pour exprimer ses préoccupations sur la situation en Tchétchénie, tant à titre bilatéral que dans le cadre européen. Le dernier sommet UE-Russie du 3 octobre dernier à Bruxelles a ainsi réitéré la nécessité urgente de trouver une solution politique au conflit ; il en a été de même lors de la visite à Paris du président Poutine le 15 janvier dernier. Au sein de la commission des droits de l'homme des Nations unies, la France a activement contribué à l'adoption le 20 avril dernier d'une résolution rappelant la préoccupation de la communauté internationale devant les lenteurs des procédures judiciaires et l'impunité des personnes coupables de violations de droits de l'homme. Il ne peut en effet y avoir de paix sans justice. La France soutient également les efforts du Conseil de l'Europe pour relancer le dialogue politique en Tchétchénie. A l'initiative de M. Gil-Robles, commissaire aux droits de l'homme, deux séminaires rassemblant des représentants russes et des envoyés tchétchènes se sont tenus fin novembre 2001 à Strasbourg. La France soutient ces diverses initiatives, qui contribuent à l'instauration d'un climat de dialogue. S'il convient de rester prudents sur les chances de voir ce dialogue se poursuivre et sur ses résultats, la France encourage cette évolution et continue à plaider en faveur d'une solution politique. La France attache de l'importance à la prorogation du mandat jusqu'en avril 2002 de la mission des experts du Conseil de l'Europe auprès du bureau du représentant spécial du président de la fédération de Russie, M. Kalamanov, chargé de veiller au respect des droits de l'homme et des droits et libertés civils en République tchétchène. Elle soutient la contribution de ces experts à la restauration de l'état de droit et au respect des droits de l'homme. Dans le contexte actuel, sans nier la présence en Tchétchénie de combattants ayant des rapports avec des réseaux terroristes liés à Al Qaeda, la France appelle les autorités russes à faire cesser les exactions et les violations des droits de l'homme dont sont victimes les populations civiles et à faire juger les responsables de ces exactions et violations. Par ailleurs, certaines affaires récentes peuvent conduire les observateurs à s'interroger sur le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales en Russie. Ainsi, le journaliste militaire russe Gregori Pasko a été arrêté en 1997 au motif qu'il s'apprêtait à communiquer à des médias étrangers des informations sur la pollution nucléaire du Pacifique dont se rendaient coupables des navires militaires russes. Blanchi en 1999 du chef de trahison puis amnistié, M. Pasko, qui cherche à prouver son innocence, a été rejugé à huis clos par le tribunal militaire de Vladivostok qui a, le 25 décembre, confirmé l'accusation de trahison et prononcé une sentence de quatre ans de camp. M. Pasko s'est pourvu en cassation. Cette affaire suscite une très forte émotion en Europe - où elle est relayée notamment par Reporters sans frontières - et en Russie même où les défenseurs des droits de l'homme ont réclamé la libération de M. Pasko. Le porte-parole du ministère des affaires étrangères a invité les autorités russes à faire bénéficier M. Pasko d'un traitement équitable, prenant en compte le fait que le point de départ de cette affaire est une menace grave contre l'environnement, enjeu que l'Union européenne et la Russie doivent relever ensemble dans un esprit de transparence et de coopération. Au niveau européen, une prochaine démarche sera effectuée auprès des autorités russes pour les exhorter à garantir les droits de la défense de M. Pasko. Une action judiciaire a également été engagée à l'automne dernier contre TV-6, chaîne de télévision de grande audience. Le 11 janvier 2002, la Cour suprême d'arbitrage a définitivement confirmé la liquidation judiciaire de la chaîne. Après l'épisode de la chaîne NTV, passée sous le contrôle du monopole public Gazprom au printemps dernier, cette décision supprime une chaîne connue pour son opposition au pouvoir russe et rétablit de facto un monopole d'Etat sur les médias. L'affaire TV-6 soulève également des questions sur le maintien de la liberté d'expression et de la presse en Russie. La France, comme ses partenaires de l'Union européenne, est attachée au pluralisme des moyens d'expression et d'information, garant d'une démocratie vivante. A ce stade, une concertation est engagée au niveau des Quinze pour préparer les termes d'une éventuelle déclaration à l'attention des autorités russes, les appelant à garantir l'indépendance et la pluralité des média, qui constituent des fondements de la démocratie sur lesquels est constitué le partenariat entre l'Union européenne et la Russie.
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