Texte de la REPONSE :
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Depuis les origines de l'art, les oeuvres ont été élaborées par les artistes ou artisans à partir des matériaux les plus variés, et le plus souvent mêlés, aux réactions physico-chimiques elles-mêmes variables et toujours complexes. Par leur nature même, ces oeuvres s'altèrent inexorablement et sont vouées à la disparition. La politique de restauration exprime cette volonté de la puissance publique : ralentir, de manière parfois spectaculaire, ce lent processus pour retarder autant que possible la disparition des oeuvres afin de les transmettre aux générations à venir. C'est animés de cette volonté que les conservateurs du patrimoine, avec l'aide des chercheurs, des ingénieurs et des restaurateurs du laboratoire et du service de restauration des musées de France étudient, sur tout le territoire national, la nature exacte des altérations dont peuvent souffrir les oeuvres et mettent au point les méthodes permettant d'y remédier ou de les prévenir, avant d'appliquer ces traitements selon des principes de rigueur scientifique, et en même temps de prudence. La politique publique de restauration tient ainsi le plus grand compte de la substance des oeuvres. Elle repose dans son principe, en même temps que sur le respect de ces oeuvres, sur la connaissance approfondie de leur nature matérielle. Quatre critères scientifiques internationalement reconnus sous-tendent sa pratique quotidienne : caractère minimal : l'intervention doit se limiter strictement au champ des accidents, et peut aussi s'attacher à réduire des interventions anciennes abusives ou débordantes ; lisibilité : la restauration doit rendre l'oeuvre optiquement intelligible avec un minimum d'ajouts. Ceux-ci doivent se distinguer des parties originales ; réversibilité : les matériaux de restauration doivent pouvoir être ôtés, et l'oeuvre rendue à son état préalable ; comptabilité : les produits de restauration ne doivent pas réagir avec ceux de l'oeuvre, leur évolution physico-chimique doit être homogène à celle des matériaux constituant l'oeuvre. La politique de restauration définie et appliquée par la France depuis plus d'un demi-siècle apparaît donc spécialement prudente et modérée au regard des pratiques constatées dans d'autres pays, y compris au sein des pays d'Europe. Dans toute oeuvre ancienne, elle cherche en effet à respecter, à la fois, le message d'un artiste et le passage du temps. Si toute oeuvre, même moderne, nous parvient altérée et continue à évoluer par son seul vieillissement, ses marques, usures ou traces d'usage (concrétions d'enfouissement des marbres archéologiques, oxydation des vernis anciens, jaunissement des collages cubistes...) doivent être soigneusement préservées comme une part de son histoire, à la condition de ne pas en compromettre la lisibilité artistique par le public. La politique nationale de restauration, qui fait généralement référence au sein du Conseil international des musées (ICOM), n'a donc nullement pour objectif de rendre l'aspect du neuf aux sculptures ou tableaux anciens. Les commissions qui en contrôlent la mise en oeuvre ont pour préoccupation première de respecter, pour le transmettre, tout ce qui relève du patrimoine national. Cette obligation concerne d'ailleurs, au quotidien, un très grand nombre d'éléments de ce patrimoine qui ne sont pas des pièces majeures ou des chefs-d'oeuvre de nos musées. La conservation préventive de peintures d'intérêt local ou de moulages, le traitement de masse de documents graphiques, le sauvetage de grandes séries archéologiques (métaux ferreux, vestiges organiques, épaves...) vouées, sans la restauration, à une disparition pure et simple sont le nouveau défi, et désormais la priorité du ministère de la culture, notamment à la direction des musées de France. Quant à la présence d'artistes dans les commissions d'experts régulièrement réunies lors de restaurations complexes (Noces de Cana, Gladiateur Borghèse...), elle est assurée depuis très longtemps et demeure une règle pour les services de l'Etat. L'Académie des Beaux-Arts est un moteur majeur de cette concertation, à travers notamment son secrétaire perpétuel, peintre, conservateur et membre du conseil artistique des musées de France. Cette présence d'artistes, et celle de restaurateurs professionnels pourraient encore être confortées dans les instances d'orientation et de contrôle prévues par le projet de loi sur les musées, en cours d'élaboration. Complété par une politique de communication et une information régulière sur tous les aspects et enjeux de la restauration, le dialogue ainsi établi avec le corps social par les conservateurs, restaurateurs, scientifiques et artistes doit pouvoir être mis au service du patrimoine national, dans la perspective ouverte par la question de l'honorable parlementaire.
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