Texte de la QUESTION :
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M. Albert Facon appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur le problème du devenir des contrats d'assainissement d'eau des communes qui se regroupent dans une communauté d'agglomération. Lorsqu'une communauté d'agglomération se dote de la compétence optionnelle « eau », elle souhaite évidemment harmoniser le service public sur l'ensemble de son territoire. Cette harmonisation ne signifie pas identité de traitement pour les usagers qui se retrouveraient placés dans des conditions objectivement différentes par rapport au service : la jurisprudence confirme au contraire, dans les cas de ce type, un traitement différent adapté aux caractéristiques de fait. Par ailleurs, cette harmonisation ne peut pas, concrètement, être instantanée (dans le même esprit, la loi du 12 juillet 1999 prévoit d'ailleurs d'importants délais en matière de taxes professionnelles). Enfin, la loi du 12 juillet 1999 confirmant la continuité des contrats, la communauté se doit de respecter les droits et obligations qui découlent des contrats de délégation de service public portant sur les communes qu'elle regroupe. Or ces contrats peuvent être fort divers, même lorsqu'ils seraient conclus avec la même entreprise délégataire. L'harmonisation, y compris tarifaire, peut alors être facilitée par l'alignement des prestations techniques assurées au titre des divers contrats : il n'y a là ni changement d'objet des contrats, ni bouleversement de leur économie, et des avenants légers suffisent. Par ailleurs, au sein du service public global nouvellement créé, la communauté peut instituer le prix unique correspondant à la prestation unique fournie aux usagers. Peut subsister alors simplement une différence de durée entre les contrats de délégation qui ont été harmonisés sur les autres plans. Cette différence des durées n'introduit certes aucune discrimination immédiate entre usagers quant au service qui leur est rendu et pourrait donc être supportée. Mais elle complique l'avenir du service en obligeant à attendre la fin du plus long des contrats pour unifier définitivement, et en tous ses aspects, le service. Raccourcir unilatéralement le contrat le plus long est certes envisageable mais coûteux en indemnisation. Il serait plus séduisant à tous égards de pouvoir ramener tous les contrats à une durée moyenne pondérée ne lésant aucune des parties, en raccourcissant les plus longs et rallongeant les plus courts. Mais ce cas de rallongement n'est pas autorisé en l'état actuel de la loi. Il lui demande en conséquence de bien vouloir lui préciser si l'analyse exposée ci-dessus lui paraît pertinente, et s'il envisage une modification de la loi permettant d'harmoniser certaines durées de contrats dans les cas strictement définis ci-dessus.
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Texte de la REPONSE :
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Un des principes fondamentaux de la délégation de service public est celui du choix d'un délégataire en fonction de l'offre qu'il a présentée à l'autorité délégante. Ce choix est intimement lié à la durée du contrat de délégation. Elle constitue donc une des composantes principales de la convention passée entre une collectivité territoriale et un opérateur. Sa remise en question, au cours du contrat, est naturellement possible selon le régime juridique prévu par le législateur ou résultant de la jurisprudence. A cet égard, le juge est le garant du respect de la liberté contractuelle dans toutes ses composantes, notamment en ce qui concerne le droit à résiliation unilatérale de la part de l'autorité publique. Le Conseil d'Etat a rappelé qu'il existe un droit à indemnisation lorsque pour un motif d'intérêt général une collectivité est amenée à rompre de manière anticipée un contrat (CE, 2 mai 1958, distillerie de Magnac-Laval). Ainsi, la résiliation d'un contrat peut notamment être fondée sur des motifs liés à l'organisation et au fonctionnement du service, à l'évolution des techniques et des besoins, à une évolution de la politique de la collectivité (TA Grenoble, 9 avril 1980, société d'aménagement touristique de l'Alpe-d'Huez). En outre, la Cour européenne des droits de l'homme a jugé, dans un arrêt relatif aux marchés publics, mais transposable aux délégations de service public, que la résiliation d'un contrat devait obligatoirement se fonder sur une motivation objective et être accompagnée d'une compensation financière (CEDH, 9 décembre 1994, raffineries grecques Stan c/République hellénique), rejoignant en cela la jurisprudence administrative française. L'encadrement jurisprudentiel du droit à indemnisation ne porte pas les collectivités concernées à rompre unilatéralement leur obligation contractuelle, les montants financiers en jeu dans de telles circonstances pouvant se révéler conséquents. Ce raisonnement trouve naturellement à s'appliquer dans la circonstance dont l'honorable parlementaire fait état. En effet, lorsqu'une structure intercommunale est créée, le sort des contrats est régi par l'article L. 5211-5 du code général des collectivités territoriales (CGCT). La substitution de personnes morales n'entraîne aucun droit à résiliation ou à indemnisation pour le cocontractant. Les contrats vont jusqu'à leur terme. Les mêmes règles sont applicables lorsqu'une commune adhère à une structure intercommunale existante, conformément aux dispositions de l'article L. 5211-18 du CGCT ou lorsque cette dernière est autorisée à étendre ses compétences en vertu de l'article L. 5211-17 du même code. Le juge administratif a considéré que, en cas de transfert de compétences entre des communes et un district, les éléments essentiels des contrats ne peuvent être modifiés sans nouvelle procédure de mise en concurrence. Néanmoins, le juge a retenu la possibilité de substituer un contrat unique aux contrats existants sans procéder à une nouvelle mise en concurrence, s'il s'agit d'une simple continuation dans des conditions identiques (TA Lille, 9 juillet 1999, préfet du Pas-de-Calais). En l'état du droit actuel, l'harmonisation unilatérale de la durée des contrats de délégation n'est pas possible hormis les cas précédemment cités. En revanche, rien n'interdit les parties aux contrats en cause d'engager des discussions en vue d'une modification négociée des clauses, dans les limites inhérentes aux avenants. En tout état de cause, le Gouvernement n'envisage pas d'imposer par voie législative une harmonisation des contrats en raison des conséquences difficiles à mesurer qu'une telle décision aurait immanquablement.
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