FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 69542  de  M.   Asensi François ( Communiste - Seine-Saint-Denis ) QE
Ministère interrogé :  culture et communication
Ministère attributaire :  culture et communication
Question publiée au JO le :  26/11/2001  page :  6683
Réponse publiée au JO le :  04/03/2002  page :  1239
Rubrique :  arts et spectacles
Tête d'analyse :  salles de cinéma
Analyse :  exploitants indépendants. concurrence des multiplexes
Texte de la QUESTION : M. François Asensi souhaite attirer l'attention de Mme la ministre de la culture et de la communication sur les menaces que les effets de la concentration dans le secteur cinématographique font courir à la diversité culturelle. Des grands groupes installent, pour investir, des complexes géants, sans aucun souci ni d'aménagement local, ni même de culture. Ce sont les mêmes qui ont développé des techniques de marketing particulièrement prédatrices pour le secteur cinématographique. Un puissant réseau puis un autre, initialement opposé à ce système, ont pu lancer une carte mensuelle d'entrée illimitée dans leurs salles sans réaction rapide du Centre national de la cinématographie (CNC). L'instauration d'une carte d'abonnement pour les deux plus gros réseaux d'exploitation du pays, en favorisant l'accès exclusif à leurs salles, vise à absorber la clientèle de tous les autres, en particulier des salles indépendantes. Le spectateur n'a plus vraiment de raison de se rendre dans une salle n'appartenant pas au circuit pour lequel il est abonné. Les salles indépendantes ne peuvent que subir une concurrence inégale. Le principe des abonnements institue un système de vente peu rentable voire à perte. La seule solution sera sans doute d'augmenter encore le prix de cette carte sauf à considérer les pertes comme marginales à côté de la constitution de fichiers d'abonnements qui sont des actifs d'entreprise stratégiques pour des groupes puissants. Cette opération représente une très sérieuse menace pour les salles indépendantes car si les abonnements ne sont pas rentables en terme purement financier, ils le sont en terme de parts de marché et déstabilisent le secteur. Paradoxalement, ce système est mis en place avec l'espoir que les spectateurs ne viendront pas trop au cinéma. En revanche, il apparaît qu'une part toujours croissante des recettes de ces multisalles provient de la vente de produits dérivés. Les recettes ainsi réalisées sur les produits annexes n'entraînent aucune réversion au distributeur ni aucune taxe spéciale (TSA) pour les salles. Ce manque à gagner pour le CNC représente aussi une perte en terme de soutien pour les professionnels indépendants. En outre, la multiplication des multisalles et l'apparition des cartes remet en cause le partage qui s'opérait tacitement entre cinéma commercial et cinéma Art et Essai, entre version française et version originale. Le gigantisme de ces équipements les pousse à occuper tous les terrains. En pesant sur les moyens d'existence des petits exploitants, ce sont, par contrecoup, les petits distributeurs, la chaîne du cinéma et la diversité culturelle qui sont atteints. Lorsque les productions et les sorties modestes ne trouveront plus que deux ou trois gros exploitants sur le marché, un refus de leur part sera rédhibitoire. Les modestes dispositions prises jusqu'à maintenant n'ont fait que légaliser l'offensive et les décrets d'application tardent à être publiés. Les propositions du rapport de Monsieur Daniel Goudineau sur l'aide à la distribution des films restent sans suite. Il lui demande donc quel état des lieux elle dresse et quel bilan est fait de l'impact des cartes notamment sur Paris et sur la grande couronne. Il aimerait savoir quel encadrement prévoit le ministère pour soutenir les acteurs qui contribuent le plus à la diversité culturelle et comment il envisage de défendre la spécificité d'un système qui fait du cinéma français une référence et un point de convergence culturelle.
Texte de la REPONSE : L'honorable parlementaire a bien voulu appeler l'attention de la ministre de la culture et de la communication sur les menaces que les effets de la concentration dans le secteur cinématographique font courir à la diversité culturelle. L'année 2001 s'achève sur un succès incontestable du cinéma français dans les salles de cinéma, et sur le constat d'une véritable et, espérons-le, durable réconciliation du public avec les films français ; les films français auront ainsi gagné plus d'une vingtaine de millions de spectateurs par rapport à l'année 2000, ce qui est considérable. Malgré ce contexte favorable, il convient néanmoins d'observer la plus grande vigilance face aux mutations et transformations qui affectent actuellement l'industrie française du cinéma. Ainsi que le remarque l'honorable parlementaire, les cartes d'abonnement offrant des entrées illimitées, la montée en puissance des multiplexes et, plus généralement, un mouvement de concentration qui affecte l'industrie du cinéma dans son ensemble sont autant de sujet de réflexion mais aussi d'intervention pour les pouvoirs publics, soucieux de maintenir une pluralité d'acteurs (créateurs, producteurs, distributeurs, exploitants) et une véritable diversité de la création et de l'accès aux films pour le public. En application de la loi sur les « nouvelles régulations économiques » encadrant la pratique des cartes d'abonnement, un projet de décret d'application a été transmis au Conseil de la concurrence puis sera soumis prochainement à l'examen du Conseil d'Etat. Dès la publication de ce décret, le Centre national de la cinématrographie mettra en place une procédure d'agrément des cartes d'abonnement, reposant sur un mécanisme qui garantit le respect d'un prix de référence, pour la rémunération des ayants droit, et le principe d'une rémunération minimale par entrée pour les exploitants indépendants qui souhaiteraient s'associer à une formule d'abonnement lancée par un circuit. Ces dispositions sont de nature à atténuer les effets les plus déstabilisants des cartes d'abonnement illimitées sur l'exploitation indépendante. Par ailleurs, le Centre national de la cinématographie a fait réaliser une étude permettant de mesurer l'impact des cartes sur le marché cinématographique. Enfin, le Conseil de la concurrence est toujours saisi d'une plainte concernant la formule des abonnements illimités, et devrait rendre sa décision dans le courant de l'année 2002. Parallèlement, la loi du 15 mai 2001 a également fixé des critères plus stricts qu'auparavant pour les autorisations d'implantation des multiplexes. Désormais, tout projet de 800 places et plus devra solliciter une autorisation d'établissement auprès d'une commission départementale d'équipement cinématographique (CDEC). Les CDEC doivent dorénavant délivrer leur autorisation à partir de critères précis : qualité architecturale du projet, engagements de programmation de l'opérateur, etc. Enfin, une réforme des subventions aux salles d'art et d'essai a été entreprise et sera appliquée pour la première fois en 2002. Cette réforme vise notamment à récompenser les efforts menés par les exploitants indépendants en faveur de la diffusion de films d'art et d'essai, ainsi que les actions qu'ils mènent en direction de certains publics comme le public jeune. S'agissant des propositions du rapport Goudineau, il convient de rappeler que plusieurs mesures ont d'ores et déjà été prises en application de ce rapport : nouvelle contribution des éditeurs de service de télévision au développement de la distribution des films français et européens (décret du 9 juillet 2001), élargissement du champ du soutien automatique à la distribution (décret du 9 novembre 2001) et organisation, début 2002, sous l'égide du Centre national de la cinématographie, d'une table ronde distributeurs-exploitants, chargés d'examiner entre autres la question du calendrier de sortie des films. Enfin, le Centre national de la cinématographie vient d'ouvrir plusieurs chantiers de réflexion et de créer des groupes de travail qui portent sur les sujets les plus déterminants dans l'évolution à terme de l'industrie cinématographique française : le financement du cinéma, la concurrence et la concentration, le cinéma numérique.
COM 11 REP_PUB Ile-de-France O