Texte de la QUESTION :
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M. Camille Darsières souligne à l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, l'urgence à parachever l'égalité en matière de succession, entre enfants légitimes, adultérins et naturels. Une discrimination subsiste, du fait que les lois régissant la matière n'ont pas été adoptées dans le même contexte de droit supranational. La loi n° 72-3 du 3 janvier 1972 a mis à égalité enfants légitimes et enfants naturels, mais pour les successions ouvertes après la publication de la loi. La France n'avait pas alors ratifié la Convention européenne des droits de l'homme qui, dans son article 14, interdit toute discrimination entre enfants, fondée sur « la naissance ou toute autre situation ». Par ailleurs, la loi « relative... aux droits des enfants adultérins », adoptée en novembre 2001, intervient après ratification par la France en 1974 de la Convention européenne, et après l'arrêt Masurek de la Cour européenne de justice du 1er février 2000, condamnant la France, à l'occasion d'une succession ouverte en 1990, pour discrimination entre les droits successoraux, d'une part des enfants légitimes et naturels, et d'autre part des enfants adultérins. Corrigeant le droit successoral, la loi de novembre 2001 met enfants adultérins à égalité avec enfants légitimes et naturels. Reprenant la formule de la loi n° 82-536 du 25 juin 1982 fixant des règles d'établissement de la filiation naturelles, cette loi de novembre stipule que les droits successoraux reconnus aux enfants adultérins s'appliqueront aux successions non encore liquidées. Dès lors, une distorsion : dans les successions antérieures à janvier 1972, l'enfant naturel n'intervient que pour moitié de la part qu'il aurait eue s'il avait été légitime, cependant que l'enfant adultérin intervient à égalité avec l'enfant légitime. Evidemment, cette nouvelle discrimination est interdite aussi par la Convention européenne des droits de l'homme. C'est pourquoi il lui demande si, pour parfaire l'égalité de tous les enfants et respecter les traités, elle ne croit pas devoir, se fondant sur la Convention européenne et sur la convention internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 1989, ratifiée le 8 août 1990, prendre l'initiative de faire abroger l'article 14 de la loi du 3 janvier 1972 et faire dire que l'égalité des droits successoraux de tous les enfants naturels s'applique « aux successions non liquidées à la date de la publication » de la loi à intervenir « sous réserve des accords amiables déjà intervenus et des décisions judiciaires irrévocables ».
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Texte de la REPONSE :
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La garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que la loi n° 2001-1135 du 3 décembre 2001 relative aux droits du conjoint survivant et des enfants adultérins et modernisant diverses dispositions de droit successoral a supprimé l'ensemble des discriminations successorales subies par les enfants dont le père ou la mère était engagé dans les liens du mariage au moment de leur conception. Désormais, la part héréditaire et la réserve de ces enfants sont identiques à celles des autres enfants du défunt. Ces nouvelle dispositions sont applicables aux successions déjà ouvertes, mais qui n'ont pas été partagées à la date d'entrée en vigueur de la loi, sous réserve des accords amiables intervenus et des décisions judiciaires irrévocables. En ce qui concerne les enfants naturels simples, ils ne subissent plus de discriminations successorales depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 72-3 du 3 janvier 1972 sur la filiation. A l'époque, l'application de cette loi aux successions déjà ouvertes avait été écartée. De la combinaison des dispositions d'entrée en vigueur de ces deux lois, il résulte en droit que dans les successions ouvertes avant le 1er août 1972 et non encore partagées, les enfants naturels adultérins ont les mêmes droits que les enfants légitimes, tandis que les enfants naturels simples ont une part moindre. Néanmoins, en fait, les difficultés qui pourraient résulter d'une telle différence de traitement apparaissent résiduelles. En effet, le nombre de successions concernées devrait être restreint, puisqu'il ne s'agit que des successions qui se sont ouvertes avant le 1er août 1972 et qui n'ont pas fait l'objet de partage au 4 décembre 2001. Par ailleurs, les notaires ont entrepris, dans leur pratique professionnelle, de rechercher l'accord des héritiers pour procéder à un partage amiable des successions concernées, de nature à répondre à l'ensemble des intérêts en présence. Toutefois, dans le cadre du suivi d'application de la loi nouvelle, le Gouvernement sera particulièrement attentif à cette question et prendra toutes mesures complémentaires qui pourraient s'imposer.
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