FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 71773  de  M.   Brana Pierre ( Socialiste - Gironde ) QE
Ministère interrogé :  justice
Ministère attributaire :  justice
Question publiée au JO le :  14/01/2002  page :  153
Réponse publiée au JO le :  18/03/2002  page :  1580
Rubrique :  étrangers
Tête d'analyse :  droit pénal
Analyse :  condamnation. conséquences. double peine
Texte de la QUESTION : M. Pierre Brana attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la question de la « double peine ». En effet, un étranger résidant en France et ayant commis un délit peut faire l'objet, en plus de la peine de prison, d'une mesure judiciaire ou administrative d'éloignement du territoire. Il peut s'agir, soit d'une interdiction du territoire français (ITF), soit d'un arrêté ministériel d'expulsion (AME). Les deux mesures, ITF et AME, sont vécues comme une deuxième et injuste sanction qui s'ajoute à une peine déjà prononcée. Ce, d'autant plus, que bien souvent les personnes concernées sont expulsées dans un pays qu'elles ne connaissent pas ou avec lequel elles n'ont aucune attache alors qu'en France des familles sont éclatées. Par ailleurs, la sécurité n'est pas toujours garantie dans le pays où la personne est brutalement expulsée. Ce traitement judiciaire à l'égard des étrangers n'est pas nouveau mais son caractère répressif a été particulièrement amplifié par les lois dites « Pasqua » de 1987 à 1993. Modifiés mais jamais abrogés, ces dispositifs demeurent une question importante qui relève du séjour des étrangers en France et de leur intégration selon les principes de notre démocratie. Depuis plusieurs années, cette situation mobilise nombre d'associations, de syndicats, de citoyens engagés dans la défense ou la dignité des personnes. Un problème de discrimination est posé et l'abolition de cette double peine est à l'ordre du jour, les quelques assouplissements ne suffisant pas. Un espoir réside actuellement à la lumière de récentes décisions (libération, assignation à résidence, requête en relèvement d'interdiction de territoire...) en faveur de personnes faisant l'objet de la double peine. D'autres voies sont donc possibles, tout en améliorant par ailleurs la prévention de la délinquance et la réinsertion sociale. En conséquence, il lui demande de bien vouloir prendre en considération l'ensemble de ces éléments pour en finir avec la double peine. Il la remercie de l'informer de ses intentions en la matière.
Texte de la REPONSE : Le garde des sceaux, ministre de la justice, a l'honneur de faire connaître à l'honorable parlementaire que les étrangers reconnus cou ables de certaines infractions prévues et réprimées par le code pénal ou de certaines infractions aux dispositions de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative au droit des étrangers, peuvent se voir infliger, à titre principal ou complémentaire la peine d'interdiction définitive ou temporaire du territoire français, en application des dispositions de l'article 131-30 du code pénal. A ce titre, la loi n° 98-349 du 11 mai 1998 relative à l'entrée et au séjour des « étrangers sur le territoire national a cherché à assurer un équilibre entre une double préoccupation légitime, celle de la nécessaire fermeté dans la maîtrise des flux migratoires, et celle de l'indispensable prise en compte des situations personnelles les plus délicates.. C'est dans cette optique, qu'à la suite du rapport Chanet, Madame la Garde des Sceaux, par circulaire du 17 novembre 1999, a entendu définir des orientations générales de politique pénale. En premier lieu le respect du principe de nécessité et de proportionnalité de la peine d'interdiction du territoire français est rappelé, répondant en cela aux dispositions de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme. En second lieu, la nécessaire information des étrangers sur les aspects spécifiques de la peine d'interdiction du territoire français est soulignée ainsi que l'harmonisation et la clarification des pratiques en matière de traitement des requêtes en relèvement d'interdiction du territoire français. Par ailleurs, Madame la garde des sceaux souhaite faire savoir à l'honorable parlementaire qu' il ressort des éléments statistiques fournis par le casier judiciaire que les mesures d'interdiction du territoire français pour infraction à la législation sur les étrangers sont passées de 8 816 en 1996 à 3 651 en l'an 2000. De surcroît, pour l'année 2000 les juridictions ont prononcé 3 178 mesures d'interdiction du territoire français à l'encontre d'étrangers poursuivies pour des infractions ressortant des dispositions du code pénal, aux infractions relatives à la législation sur les produits stupéfiants, ou aux atteintes aux biens. Enfin, s'il n'est pas envisagé de modification législative en la matière, Madame la garde des sceaux souhaite préciser à l'honorable parlementaire qu'une étude est actuellement en cours au sein de la Direction des affaires criminelles et des grâces afin d'avoir une meilleure connaissance de l'aspect post-sententiel des mesures d'interdiction du territoire français prononcées.
SOC 11 REP_PUB Aquitaine O