FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 725  de  M.   Lellouche Pierre ( Rassemblement pour la République - Paris ) QOSD
Ministère interrogé :  justice
Ministère attributaire :  justice
Question publiée au JO le :  29/03/1999  page :  1782
Réponse publiée au JO le :  31/03/1999  page :  3001
Rubrique :  professions judiciaires et juridiques
Tête d'analyse :  commissaires-priseurs
Analyse :  rémunérations
Texte de la QUESTION : M. Pierre Lellouche attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur le projet de loi relatif à la réforme de la profession de commissaire-priseur. Les commissaires-priseurs s'interrogent sur la commission acheteur qu'ils ne peuvent pas librement modifier et qui est fixée à 9 % HT (soit 10,854 % TTC) alors qu'elle est de 15 % sur les places de Monaco ou Genève. C'est aussi le taux appliqué chez Sotheby's et Christie's, en France. Cette distorsion implique pour les commissaires-priseurs français, qui ont à couvrir les mêmes frais généraux que leurs confrères anglo-saxons, de combler cette différence de 6 points en la reportant sur le vendeur. Leurs concurrents peuvent ainsi faire bénéficier les vendeurs de frais très inférieurs. Cet avantage compétitif vient s'ajouter aux distorsions de fiscalité dont sont victimes les commissaires-priseurs. Il lui demande quelles mesures elle entend prendre pour que ce projet aille dans le sens d'une harmonisation fiscale européenne, et quelles dispositions peuvent être prises afin de permettre un nouvel essor du marché de l'art en France.
Texte de la REPONSE : M. le président. M. Pierre Lellouche a présenté une question, n° 725, ainsi rédigée:
«M. Pierre Lellouche attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur le projet de loi relatif à la réforme de la profession de commissaire-priseur. Les commissaires-priseurs s'interrogent sur la commission acheteur qu'ils ne peuvent pas librement modifier et qui est fixée à 9 % HT (soit 10,854 % TTC) alors qu'elle est de 15 % sur les places de Monaco ou Genève. C'est aussi le taux appliqué chez Sotheby's et Christie's, en France. Cette distorsion implique pour les commissaires-priseurs français, qui ont à couvrir les mêmes frais généraux que leurs confrères anglo-saxons, de combler cette différence de six points en la reportant sur le vendeur. Leurs concurrents peuvent ainsi faire bénéficier les vendeurs de frais très inférieurs. Cet avantage compétitif vient s'ajouter aux distorsions de fiscalité dont sont victimes les commissaires-priseurs. Il lui demande quelles mesures elle entend prendre pour que ce projet aille dans le sens d'une harmonisation fiscale européenne, et quelles dispositions peuvent être prises afin de permettre un nouvel essor du marché de l'art en France.»
La parole est à M. Pierre Lellouche, pour exposer sa question.
M. Pierre Lellouche. Avant de poser ma question, je veux faire quelques observations.
J'ai beaucoup d'amitié pour M. Pierret et je le remercie d'être présent, mais je regrette l'absence de Mme la garde des sceaux. Ma question était inscrite à l'ordre du jour de la présente séance depuis plusieurs semaines, et elle avait dû le noter dans son agenda.
Je regrette d'autant plus son absence que, ce matin même, j'avais demandé que l'on modifie l'ordre de mon passage afin de me permettre de participer à la réunion conjointe de la commission de la défense nationale et des forces armées et de la commission des affaires étrangères qui a lieu en ce moment même sur le Kosovo, en présence de M. Védrine et de M. Richard. Il m'avait été répondu que Mme Guigou ne pouvait être présente qu'à onze heures vingt-cinq. J'ai donc accepté de quitter la commission pour venir poser ma question. J'apprends maintenant que Mme Guigou ne peut plus venir et que le Gouvernement est représenté par M. Pierret. Je reconnais sa compétence dans le domaine qui est le sien, mais je considère qu'il n'est absolument pas en mesure de répondre à une question concernant celui très particulier et complexe du marché de l'art, question à laquelle le Gouvernement doit se prononcer depuis déjà deux ans.
Je trouve que le Gouvernement traite les parlementaires avec une grande légèreté, et je le regrette, d'autant que ce n'est pas la première fois que cela se produit. La dernière fois que j'ai posé une question orale sans débat, c'était sur le coût du projet Météor. Le ministre des transports n'était pas venu et c'est le ministre des relations avec le Parlement qui m'avait répondu. A quoi servent donc les questions orales si ce ne sont pas les ministres compétents qui répondent aux parlementaires ?
J'en viens à ma question, que je pose au nom des 150 000 personnes qui, en France, dépendent du marché de l'art et en vivent.
Vous savez, monsieur le secrétaire d'Etat - ou vous ne savez pas - que la réforme de la profession de commissaire-priseur est à l'ordre du jour depuis plusieurs années. Un texte était en préparation sous l'ancien gouvernement. Il y a eu la dissolution, puis un nouveau gouvernement. Mais aucun texte n'a encore été soumis à l'Assemblée.
Où en est le projet de loi du Gouvernement sur la réforme du statut des commissaires-priseurs ? Le marché de l'art est en pleine évolution. De grandes firmes anglo-saxonnes se sont installées à Paris, comme Sotheby's et Christie's. Des ventes libres s'organisent avec ou sans commissaires-priseurs.
Quid de l'indemnisation des commissaires-priseurs et de leurs salariés ? Lorsque Jacques Toubon était garde des sceaux, une enveloppe de 1 milliard de francs avait été retenue. Elle est ensuite passée à 400 millions et il semble aujourd'hui que l'on veuille faire payer l'indemnisation par les vendeurs: il est en effet question d'ajouter aux frais de vente 1 % pour le dédommagement de la profession des commissaires-priseurs. Est-ce vrai ? J'aimerais connaître la position du Gouvernement.
Si tel était le cas, ce 1 % s'ajouterait aux distorsions fiscales dont le marché de l'art français fait depuis longtemps les frais. Je vous rappellerai, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'au début du siècle, le marché de l'art en France était le premier du monde. Il ne représente plus aujourd'hui que 10 % du marché mondial. Le gros du marché est passé aux Etats-Unis - 40 % -, en Angleterre et en Suisse et ce pour des raisons fiscales: la TVA à l'importation est de 5,5 %, en France, de 2,5 % en Angleterre et nulle aux Etats-Unis et la directive européenne de 1996 a ajouté, pendant une durée de soixante-dix ans, un droit de suite aux frais de TVA. Nous observons donc un déplacement du marché: le vendeur étranger n'a aucune raison de vendre en France, il va vendre à New York.
Enfin, dernier point, vous n'êtes pas sans savoir que Sotheby's, pour ne citer qu'un exemple, vient d'ouvrir un site Internet. On va vendre maintenant, à partir du réseau Internet, d'un endroit à l'autre du globe, par-delà les frontières et les règles de fiscalité. C'est dire si le marché de l'art se modifie !
Je résume mes questions. Allez-vous ou non modifier le statut des commissaires-priseurs ? Quand sera soumis au Parlement un texte à ce sujet ? Allez-vous mettre fin aux distorsions fiscales qui pénalisent à la fois le marché de l'art en France, notre patrimoine et la création artistique ? Comptez-vous vous battre à Bruxelles pour que le taux de TVA à l'importation soit modifié ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. Monsieur le député, Mme Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice étant dans l'impossibilité absolue de se trouver à cette heure à l'Assemblée nationale, elle m'a chargé de répondre à sa place.
M. Pierre Lellouche. Moi aussi, j'étais dans l'impossibilité absolue de poser ma question puisque je participais à la réunion sur le Kosovo !
M. le secrétaire d'Etat à l'industrie. Je m'efforcerai, monsieur Lellouche, d'être à la hauteur. Je ferai appel en particulier à mes anciennes compétences de rapporteur général du budget, sous une autre législature, pour répondre à la partie fiscale de votre question.
Comme vous le savez - vous y avez fait référence - le projet de loi portant réforme des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques vise à conforter la position des commissaires-priseurs dans le secteur appelé à être de plus en plus concurrentiel des ventes volontaires. Les professionnels pourront désormais exercer leur activité de ventes volontaires dans le cadre de sociétés à forme commerciale leur permettant de mobiliser des capitaux importants, et donc de faire face à l'internationalisation du marché de l'art, à laquelle vous avez fait allusion, ce qui n'est pas possible sous leur statut actuel d'officier ministériel.
Il découle de ce projet que, compte tenu de la suppression du monopole, les dispositions tarifaires actuelles ne trouveront plus à s'appliquer, et notamment les droits à la charge de l'acheteur prévus par le décret du 29 mars 1985 modifié fixant le tarif des commissaires-priseurs.
S'agissant des questions fiscales - deuxième partie de votre question - nous ne manquerons pas de suivre avec la plus grande attention leur évolution dans la mesure où l'harmonisation du droit de suite et des dispositions relatives à la TVA à l'importation au sein de l'Union européenne constituent des mesures d'accompagnement essentielles à la réforme des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques.
Concernant votre dernière question, je vous rappelle que des travaux sont actuellement menés au niveau européen et, plus largement, de l'OCDE, pour traiter des questions fiscales complexes que posent non seulement les ventes publiques aux enchères mais également l'ensemble des transactions réalisées à partir d'Internet. Il convient à ce sujet de maintenir le principe de l'universalité du droit fiscal actuel. Il est nécessaire de trouver des solutions concrètes, sérieuses et rapides, sur lesquelles tous les participants aux discussions actuelles puissent être d'accord. Nous aurons certainement l'occasion d'en reparler devant l'Assemblée nationale. Je vous rappelle que j'ai remis, à la Commission européenne au nom de la France, il y a à peu près un an, un mémorandum portant, entre autres, sur cette question et que la Commission a, quant à elle, publié un livre vert à ce sujet. Cette question fait actuellement l'objet d'un approfondissement et d'un travail très fructueux qui, je crois, débouchera rapidement au niveau de l'Union européenne.
M. le président. La parole est à M. Pierre Lellouche.
M. Pierre Lellouche. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous n'avez indiqué dans votre réponse aucune date pour le dépôt devant notre assemblée du projet de loi concernant la profession de commissaire-priseur et vous n'avez pas non plus précisé quel était le niveau de fiscalité vers lequel vous vouliez tendre.
Vous savez, pour avoir été rapporteur général du budget, que la TVA à l'importation sur le marché de l'art de 5,5% rapporte 40 millions de francs. Ainsi, pour cette peccadille, on est en train de déplacer le marché français vers New York, vers la Hollande, vers la Suisse, avec toutes les fraudes que cela entraîne.
Vous avez dit qu'il fallait procéder à une réforme fiscale. Je suis bien d'accord avec vous. C'était d'ailleurs le sens de ma question. Mais je n'ai toujours pas entendu la réponse.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. le secrétaire d'Etat à l'industrie. Je peux assurer M. Lellouche que, dès que le calendrier parlementaire le permettra - et il sait qu'il est particulièrement chargé - le projet de loi qu'il appelle de ses voeux viendra en discussion devant l'Assemblée.
M. Pierre Lellouche. Dois-je rappeler à M. le secrétaire d'Etat que, sous la Ve République, le Gouvernement est maître de l'ordre du jour ?
M. le secrétaire d'Etat à l'industrie. Mais il est déjà organisé !
M. Pierre Lellouche. Ce n'est pas sérieux !
Mme Sylvie Andrieux. Si, il y a des priorités !
RPR 11 REP_PUB Ile-de-France O