FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 743  de  M.   Bouvard Michel ( Rassemblement pour la République - Savoie ) QOSD
Ministère interrogé :  aménagement du territoire et environnement
Ministère attributaire :  aménagement du territoire et environnement
Question publiée au JO le :  05/04/1999  page :  1944
Réponse publiée au JO le :  07/04/1999  page :  3274
Rubrique :  environnement
Tête d'analyse :  protection
Analyse :  motoneiges. utilisation. réglementation
Texte de la QUESTION : M. Michel Bouvard attire l'attention de Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur les difficultés d'application de l'article 3 de la loi du 3 janvier 1991, relative à la circulation des véhicules terrestres dans les espaces naturels qui interdit, à des fins de loisirs, l'utilisation d'engins motorisés conçus pour la progression sur neige. L'évolution de la jurisprudence pose problème aux usagers professionnels. Le ravitaillement des restaurants d'altitude en hiver par motoneige semblait, en effet, jusqu'à une date récente, toléré. Or, plusieurs décisions juridictionnelles remettent en cause ce principe. Il est aujourd'hui nécessaire de clarifier la loi de 1991 et de prendre en compte les réalités économiques face à la multiplication des recours et à l'absurdité de certaines situations. Il lui demande si le Gouvernement entend engager des discussions avec les élus représentatifs des populations montagnardes et les professionnels, sur l'usage des motoneiges.
Texte de la REPONSE : M. le président. M. Michel Bouvard a présenté une question, n° 743, ainsi rédigée:
«M. Michel Bouvard attire l'attention de Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur les difficultés d'application de l'article 3 de la loi du 3 janvier 1991, relative à la circulation des véhicules terrestres dans les espaces naturels qui interdit, à des fins de loisirs, l'utilisation d'engins motorisés conçus pour la progression sur neige. Nous assistons à une évolution de la jurisprudence qui pose problème aux usagers professionnels. Le ravitaillement des restaurants d'altitude en hiver par motoneige semblait, en effet, jusqu'à une date récente, toléré. Or, plusieurs décisions judidictionnelles remettent en cause ce principe. Il est aujourd'hui nécessaire de clarifier la loi de 1991 et de prendre en compte les réalités économiques face à la multiplication des recours et à l'absurdité de certaines situations. Il lui demande si le Gouvernement entend engager des discussions avec les élus représentatifs des populations montagnardes et les professionnels, sur l'usage des motoneiges.»
La parole est à M. Michel Bouvard, pour exposer sa question.
M. Michel Bouvard. Je regrette également, comme mes collègues du groupe RPR, l'absence de Dominique Voynet, tout en comprenant bien les explications que vous avez données, monsieur le secrétaire d'Etat à l'outre-mer. Dans la mesure où vous êtes proche des Alpes, et où Mme la secrétaire d'Etat au tourisme est présente également, je pense que vous ne serez pas totalement étrangers au sujet que je vais aborder, les difficultés d'application de l'article 3 de la loi n° 91-2 du 3 janvier 1991 qui concerne la circulation des véhicules terrestres dans les espaces naturels, et qui interdit, à des fins de loisirs, l'utilisation d'engins motorisés conçus pour la progression sur neige, c'est-à-dire les motoneiges.
Conscients des difficultés d'application du texte, M. Barnier, très au fait de ces questions, avait déjà proposé une circulaire permettant de prendre en compte un certain nombre de réalités.
Les motoneiges sont actuellement utilisées à la fois par des professionnels et par des particuliers.
Les professionnels, ce sont tout d'abord les sociétés de remontées mécaniques et les services des pistes. Pour ce parc de machines, il n'y a pas de problèmes majeurs puisque l'usage des machines est même conforme aux directives européennes. Ce sont aussi les exploitants de restaurants d'altitude ou de refuges qui s'en servent pour ravitailler leurs bâtiments et qui souhaiteraient dans certains cas acheminer des clients. Ce sont enfin des professionnels qui utilisent ce parc pour des promenades sur ces circuits autorisés, faisant l'objet d'un agrément par les préfectures, pour répondre aux demandes d'une partie de la clientèle touristique. Elle existe et nous devons la prendre en compte au même titre que nos concurrents étrangers.
Pour les particuliers, il s'agit souvent d'engins permettant d'assurer les liaisons avec un chalet d'alpage ou un domicile situé sur un secteur desservi par une voirie non déneigée.
Je souscris à l'objectif de la loi de 1991 d'éviter une prolifération des motoneiges, qui peuvent être nuisibles à l'environnement, aussi bien la faune que la flore, notamment dans les espaces protégés.
Toutefois, nous assistons à une évolution de la jurisprudence qui pose problème pour les usages professionnels alors que la question de l'usage pour les particuliers n'est pas non plus réglée de manière rationnelle par la loi.
Ainsi, le ravitaillement des restaurants d'altitude en hiver par motoneige semblait, jusqu'à une date récente, toléré. Or un arrêt de la cour d'appel de Chambéry du 26 novembre 1998 et un avis du Conseil d'Etat du 27 février 1997 semblent restreindre de manière stricte l'utilisation des scooters des neiges aux missions de services publics et aux terrains ayant fait l'objet d'une autorisation spécifique. La position des juridictions est elle-même variable en fonction des ressorts territoriaux puisque le tribunal administratif de Marseille vient de prendre une décision exactement contraire à la décision de la cour d'appel de Chambéry.
Il est donc aujourd'hui nécessaire de clarifier la loi de 1991 et de prendre en compte les réalités économiques face à la multiplication des recours et à l'absurdité de certaines situations: des restaurants d'altitude déjà soumis à une activité saisonnière difficile se voient imposer de nouvelles contraintes; des circuits sont agréés par les préfectures mais, comme ils sont éloignés, l'acheminement n'est pas possible jusqu'au circuit - il faudrait rouvrir des télécabines de nuit pour que les clients puissent redescendre; quant aux particuliers dont les résidences principales, je ne parle même pas des résidences secondaires, ne sont accessibles qu'en motoneige, des communes pourraient être contraintes de déneiger des voiries pour des véhicules routiers, avec coupure de pistes de ski, et je pense notamment à de grands domaines de ski de fond, sur la commune de Bessans par exemple.
Le ministère de l'environnement ayant régulièrement mis en avant l'impossibilité d'identifier les propriétaire et les conducteurs de motoneiges pour justifier le statu quo, j'ai proposé il y a quelques semaines, à l'occasion de la première lecture du texte sur la sécurité routière, l'immatriculation des motoneiges. Mon amendement avait été accepté à l'unanimité en première lecture, mais le Sénat, considérant que c'était du domaine réglementaire, par la voix de son rapporteur, M. le préfet Lanier, l'a supprimé et l'Assemblée ne l'a pas rétabli en deuxième lecture, le Gouvernement s'étant à nouveau inquiété des risques de prolifération.
Cette position n'est pas tenable compte tenu de l'évolution de la jurisprudence et du fait que les réalités économiques et locales ne sont pas prises en compte.
L'ANEM, l'Association nationale des élus de la montagne, et l'AMSHE, l'Association des maires de sports d'hiver et d'été ont saisi le ministre de l'environnement par une lettre du 8 juillet 1998 de mon collègue Didier Migaud, rapporteur général du budget, qui présidait notre association à l'époque, et de Gérard Morand, le maire de Megève, et par une lettre du 17 décembre de M. Morand et de moi-même, sans obtenir de réponse.
Nous souhaitons donc savoir si la position du Gouvernement sur ce sujet évolue et si nous pouvons enfin engager une discussion permettant de mettre à jour la loi de 1991, de clarifier l'usage des motoneiges, de prendre en compte certains usages à vocation économique et certaines situations de particuliers, sans, bien évidemment, porter atteinte à l'environnement et aller vers une prolifération des motoneiges.
J'observe au passage que, lorsqu'il s'agit de tourner un nouveau James Bond, il n'y pas de problème: toutes les autorisations pour faire circuler des motoneiges sont accordées facilement, sans même que l'on prenne l'avis des élus locaux. (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer. Monsieur le député, la loi du 3 janvier 1991 relative à la circulation des véhicules terrestres dans les espaces naturels comporte, dans ses articles 3 et 4, des dispositions portant sur l'utilisation des motoneiges. Suivant ce texte, l'utilisation des engins motorisés pour la progression sur neige à des fins de loisirs est interdite.
Ce principe d'interdiction s'applique dans les espaces naturels ou sur les voies et chemins. Ces engins n'ont pas les caractéristiques techniques prévues par le code de la route pour circuler sur les voies ouvertes à la circulation publique. Ils constituent un danger réel pour la faune montagnarde, particulièrement fragile. Ils émettent des nuisances sonores au sein des espaces montagnards, recherchés pour leur calme, et présentent un risque pour la sécurité des promeneurs et des skieurs.
Les seules dérogations à ce principe ont été exposées dans la circulaire du ministre de l'environnement du 29 décembre 1993. Elles sont au nombre de trois: l'utilisation sur des terrains aménagés à cet effet, soit pour des pratiques sportives, soit pour des pratiques de loisirs, dans le cadre d'une autorisation délivrée par le maire, sur le fondement du code de l'urbanisme; l'utilisation professionnelle, c'est-à-dire l'exploitation normale des pistes de ski, ou le ravitaillement d'un restaurant d'altitude ne bénéficiant d'aucune route déneigée; l'accomplissement des missions de service public, de secours, de sécurité civile et d'exercice de la police.
La jurisprudence n'est pas encore stabilisée. Selon les informations à la disposition du ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement, elle n'a pas remis en cause le ravitaillement des restaurants d'altitude en hiver. Vous avez cité un arrêt de la cour d'appel de Chambéry, contradictoire par rapport à celui de Marseille. Il faut effectivement s'interroger sur les problèmes d'application. Par contre, le convoyage de clients, assimilé à une utilisation de loisirs, a été condamné à plusieurs reprises par les juges judiciaires.
Par ailleurs, interrogé par le Gouvernement, le Conseil d'Etat a indiqué très clairement que la loi ne permetttait en aucun cas à l'autorité administrative, que ce soit le préfet, le président du conseil général ou le maire, de délivrer des autorisations, même à titre exceptionnel, qui dérogent aux principes de la loi.
Pour des raisons liées à la protection des espaces naturels et à la sécurité des personnes en montagne, le Gouvernement ne juge pas opportun de changer la législation. Les avalanches meurtrières de cet hiver renforcent cette position.
Les services du ministère de l'environnement préparent une circulaire précisant les termes de la circulaire Barnier du 29 décembre 1993 sur le fondement des décisions juridictionnelles récentes et abrogeant la lettre aux préfets de février 1994. Cette nouvelle instruction appellera les préfets à être vigilants, notamment sur la sécurité.
Je transmettrai à Mme Voynet le souhait des élus de la montagne, que vous représentez, d'être associés à la préparation de cette circulaire dont on connaît l'importance et dont Mme Demessine, qui est à mes côtés, mesure l'intérêt, en tant que secrétaire d'Etat au tourisme. Une circulaire tenant compte des évolutions récentes et notamment des problèmes posés par l'évolution jurisprudentielle serait la bienvenue.
M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.
M. Michel Bouvard. Monsieur le secrétaire d'Etat, je ne suis qu'à moitié rassuré par le fait qu'on prépare une nouvelle circulaire, surtout quand on nous dit que ce sont les avalanches de cet hiver qui en seraient un peu à l'origine.
Je suis d'autant moins rassuré qu'un certain nombre de magistrats du ressort des lieux où l'on utilise ces engins m'ont déclaré: «Nous sommes conscients que nous prenons des décisions qui sont parfois absurdes au regard de la réalité, mais la loi nous oblige à les prendre.» Il y a là un véritable problème, les textes doivent être applicables.
Je crois que tout le monde a le même souci de l'environnement et de la sécurité, les élus montagnards les premiers, mais, dans la pratique, il faut permettre à un certain nombre de professionnels d'exercer leur métier dans des conditions normales, sans pour autant aller à la prolifération, et prendre en compte la situation de quelques particuliers. Sinon, on arrive à des situations absurdes. Il faudra déneiger des routes enneigées l'hiver, qui ne sont pas ouvertes à la circulation, ce qui serait aussi contraire à l'intérêt de l'environnement.
Je vous remercie de transmettre à Mme Voynet notre souhait d'être associés à la rédaction de la nouvelle circulaire. Ce sera peut-être l'occasion d'ouvrir un dialogue. Il serait bon que ceux qui vont la rédiger viennent un peu sur place. Je souhaite que le secrétariat d'Etat au tourisme soit également associé. Ce n'est pas à moi de le demander, mais ce serait très utile car sa vision des choses est complémentaire. On construit aujourd'hui des engins électriques, et le problème du bruit peut donc être en grande partie réglé. Certains ont été mis au point avec EDF. Ils ont, en plus, l'avantage d'être français.
RPR 11 REP_PUB Rhône-Alpes O