FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 74  de  M.   Moutoussamy Ernest ( Communiste - Guadeloupe ) QOSD
Ministère interrogé :  justice
Ministère attributaire :  justice
Question publiée au JO le :  09/12/1997  page :  7134
Réponse publiée au JO le :  17/12/1997  page :  7826
Rubrique :  outre-mer
Tête d'analyse :  DOM : Guadeloupe
Analyse :  Justic. tribunaux. effectifs de personnel
Texte de la QUESTION : M. Ernest Moutoussamy attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'insuffisance des moyens et l'asphyxie de l'institution judiciaire dans le département de la Guadeloupe. L'insuffisance du nombre de magistrats, de greffiers et autres personnels administratifs d'exécution, le fonctionnement défectueux des services d'accueil du public, le remplacement des magistrats dans des délais trop longs..., donnent à la justice une image qui n'honore pas l'institution et qui la discrédite même aux yeux de l'opinion publique. Sur le plan matériel, l'organisation obsolète de l'administration judiciaire, la pénurie de salles d'audience et de bureaux, l'accueil du gardé à vue dans des réduits obscurs et insalubres, la population pénale pléthorique, les failles du système de sécurité du nouvel établissement pénitentiaire de Baie-Mahault... exigent d'importants moyens pour une amélioration du fonctionnement de l'institution judiciaire dans notre département. Il lui demande de lui indiquer ce qu'elle compte faire pour que le système judiciaire puisse garantir à tous ses membres la possibilité d'exercer les fonctions dans des conditions morales et matérielles convenables.
Texte de la REPONSE : M. le président. M. Ernest Moutoussamy a présenté une question, n° 74, ainsi rédigée:
«M. Ernest Moutoussamy attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'insuffisance des moyens et l'asphyxie de l'institution judiciaire dans le département de la Guadeloupe. L'insuffisance du nombre de magistrats, de greffiers et autres personnels administratifs d'exécution, le fonctionnement défectueux des services d'accueil du public, le remplacement des magistrats dans des délais trop longs..., donnent à la justice une image qui n'honore pas l'institution et qui la discrédite même aux yeux de l'opinion publique. Sur le plan matériel, l'organisation obsolète de l'administration judiciaire, la pénurie de salles d'audience et de bureaux, l'accueil du gardé à vue dans des réduits obscurs et insalubres, la population pénale pléthorique, les failles du système de sécurité du nouvel établissement pénitentiaire de Baie-Mahault... exigent d'importants moyens pour une amélioration du fonctionnement de l'institution judiciaire dans notre département. Il lui demande de lui indiquer ce qu'elle compte faire pour que le système judiciaire puisse garantir à tous ses membres la possibilité d'exercer leurs fonctions dans des conditions morales et matérielles convenables.»
La parole est à M. Ernest Moutoussamy, pour exposer sa question.
M. Ernest Moutoussamy. Monsieur le secrétaire d'Etat au logement, dans le département de la Guadeloupe, l'organigramme des juridictions conçu en 1958 est aujourd'hui totalement dépassé en raison des mutations démographiques et sociales survenues au cours des quarante dernières années.
En s'associant au mouvement de grève du 6 novembre dernier, les avocats et le personnel de l'institution judiciaire de la Guadeloupe ont voulu stigmatiser l'encombrement et le dysfonctionnement des juridictions résultant de l'insuffisance des effectifs et des locaux et de l'utilisation d'équipements obsolètes.
Nombre réduit de magistrats, de greffiers et autres personnels administratifs et d'exécution; fonctionnement défectueux des services d'accueil du public, du fait notamment de la fixation d'horaires étriqués de réception dans des bureaux de greffe souvent vétustes; remplacement des magistrats effectué dans des délais trop longs, de l'ordre de six mois à un an, ce qui entraîne une surcharge de travail pour ceux qui les supplèent et qui sont parfois obligés de siéger dans des juridictions autres que la leur, d'où des retards importants dans le règlement des conflits collectifs et individuels: tout cela donne de la justice une mauvaise image.
Le prononcé des décisions dans des délais quelquefois supérieurs à un an, la délivrance des jugements avec plus de huit mois de retard sur leur prononcé, discréditent la justice aux yeux de l'opinion publique et provoquent malaise et découragement du personnel, dont certains membres sont agressés par des justiciables mécontents et excédés.
Sur le plan matériel, l'incohérence de la politique d'informatisation, due à la médiocrité des performances du matériel choisi, à la pauvreté de la formation et à de mauvaises options de maintenance, ne contribue pas à une amélioration du fonctionnement des services. Le traitement insatisfaisant des dossiers, des archives et des pièces sous scellés n'a pas échappé aux usagers. La pénurie de salles d'audience et de bureaux; l'accueil du gardé à vue dans des réduits obscurs, insalubres et nauséabonds dans la plupart des commissariats et gendarmeries; une population pénale pléthorique et une promiscuité qui nuit à la réinsertion des condamnés plaident fortement pour une augmentation des moyens.
Par ailleurs, les failles du système de sécurité du nouvel établissement pénitentiaire de Baie-Mahault exigent, comme le réclament les organisations syndicales, la construction d'un troisième mirador, si l'on veut mettre fin aux facilités d'évasion.
Enfin, il y a lieu de noter que le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre ne compte que cinquante conseillers prud'homaux pour une population de plus de 250 000 habitants, avec un nombre d'affaires enrôlées de loin supérieur à la moyenne nationale. Si bien que les retards dans le prononcé des décisions atteignent souvent deux ans.
Je vous signale, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'un conseiller prud'homal a été condamné en Guadeloupe, pour déni de justice, à réparer le préjudice subi par un justiciable.
Alors qu'il serait souhaitable de doter le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre de trois chambres, de créer une cité judiciaire, de substituer au greffe permanent de la ville du Moule un tribunal d'instance de pleine compétence, le pré-rapport établi par les services de la chancellerie ne nous incite pas à l'optimiste.
Il convient de prendre conscience de l'ampleur du chemin qui reste à parcourir pour obtenir une nette amélioration du fonctionnement de l'institution judiciaire dans notre département.
M. le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de la Guadeloupe écrit «que tout système judiciaire qui ne peut offrir à ses membres la possibilité d'exercer leurs fonctions dans des conditions morales et matérielles convenables risque de perdre sa cohésion». C'est vous dire que, dans ce département de la Guadeloupe où le chômage, l'exclusion, la délinquance violente, l'insécurité, la toxicomanie et les atteintes aux libertés fondamentales font des ravages, la justice doit répondre aux attentes des citoyens en devenant plus accessible, plus rapide et plus actuelle. Dans le respect des principes de l'Etat de droit, elle doit s'attacher à réduire le sentiment d'impunité chez les auteurs d'infractions, contribuer au maintien de la paix publique, garantir à chacun le respect des droits fondamentaux de la personne. Surtout, elle ne doit pas laisser se développer le sentiment d'un Etat de non-droit. Bref, il faut restaurée la confiance des citoyens dans l'institution.
Pour qu'il en soit ainsi, pourriez-vous m'indiquer, monsieur le secrétaire d'Etat, les mesures que Mme le garde des sceaux entend prendre en faveur de l'institution judiciaire dans notre département ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat au logement.
M. Louis Besson. secrétaire d'Etat au logement. Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, étant empêchée, je suis chargé, monsieur le député, de vous transmettre la réponse qu'elle aurait souhaité vous présenter elle-même, car elle a apprécié l'attention que vous portez à la situation de l'institution judiciaire en Guadeloupe.
L'amélioration des conditions de fonctionnement de la justice dans ce département d'outre-mer est une priorité à laquelle Mme la garde des sceaux est très attachée.
En ce qui concerne d'abord les effectifs de magistrats, ceux des juridictions de Guadeloupe sont proportionnés à leur charge réelle d'activité compte tenu des critères nationaux de répartition. Quant à l'effectif budgétaire des magistrats de l'ensemble des juridictions du ressort de la cour d'appel de Basse-Terre, il ne supporte qu'une seule vacance, au tribunal de grande instance de Basse-Terre, dont la résorption est prévue lors du prochain mouvement de magistrats.
La possibilité d'affecter des effectifs supplémentaires dans ces juridictions est actuellement à l'étude.
Au tribunal de grande instance de Basse-Terre, deux emplois de greffier en chef sont vacants à la suite de mesures disciplinaires. L'emploi du chef du greffe du conseil de prud'hommes de Basse-Terre est également inoccupé. Ces emplois devraient être pourvus à l'issue de la commission administrative paritaire des mouvements du 18 décembre, donc dès après-demain.
Tous les emplois de greffiers sont pouvus; un emploi supplémentaire sera localisé au bénéfice de la commission des cinquante pas géométriques.
L'unique emploi vacant de catégorie C pourrait être pourvu prochainement.
Les efforts ont porté également sur la modernisation de l'institution judiciaire locale; ainsi, dans le cadre du développement des audiences foraines du tribunal d'instance de Saint-Martin souhaité par les chefs de la cour d'appel, la mission de modernisation a participé à hauteur de 160 000 francs au financement de l'aménagement d'une salle d'audience, de la création d'une salle de délibérés et du réaménagement de bureaux.
Par ailleurs, une opération de restructuration-extension du palais de justice de Basse-Terre fait l'objet d'une étude de programmation. Quant au tribunal d'instance de Marie-Galante, il a bénéficié, cette année, de divers travaux de réfection dont le coût s'est élevé à 310 000 francs.
Enfin, des travaux ont été entrepris au mois de juin dernier sur le site de la maison d'arrêt de Baie-Mahaut, afin d'améliorer la sécurité de cet établissement où sont incarcérés 471 détenus pour une capacité théorique de 400. Le coût de l'investissement est de 2 600 000 francs.
Telles sont, monsieur le député, les réponses que Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, m'a chargé de vous transmettre.
COM 11 REP_PUB Guadeloupe O