Texte de la QUESTION :
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M. Jean Charroppin attire l'attention de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité sur les interrogations suscitées auprès de nombreux de nos concitoyens par le versement d'allocations familiales aux enfants étrangers demeurés dans leur pays d'origine et dont l'un des parents est salarié en France. En effet, alors même que pèsent de lourdes menaces sur les droits aux allocations familiales pour certaines catégories de familles françaises en raison d'exigences dites de solidarité, il paraît difficile de justifier le principe même d'ouverture de prestations à des enfants étrangers élevés hors du territoire national. En particulier, il souhaiterait savoir si les droits ouverts aux ressortissants de l'ex-Yougoslavie ont été réexaminés de manière à prendre en compte les bouleversements intervenus et modifiant de fait la détermination de la nationalité de ces bénéficiaires. Enfin, il lui demande de bien vouloir lui préciser les textes législatifs et réglementaires fixant le versement de ces allocations familiales à l'étranger, leur montant, le niveau de réciprocité établi avec les Etats signataires, et si d'autres pays que le Maroc, la Turquie et l'ex-Yougoslavie bénéficient de telles conventions.
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Texte de la REPONSE :
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Le versement des allocations ou de prestations familiales du chef d'enfants demeurés dans leur Etat d'origine et dont l'un des parents est salarié en France s'inscrit dans plusieurs cadres juridiques. En ce qui concerne l'Union européenne, où chaque Etat-membre conserve son propre système de protection sociale, un mécanisme de coordination permet aux travailleurs de se déplacer dans un autre Etat-membre pour y exercer une activité, sans perdre de droits acquis ou en cours d'acquisition. S'agissent des prestations familiales, le mécanisme de coordination prévoit que le travailleur qui exerce son activité dans un Etat-membre a droit, pour les membres de sa famille qui résident dans un autre Etat-membre, aux prestations familiales prévues par la législation de l'Etat dans lequel il exerce son activité. Ainsi, un travailleur ressortissant communautaire travaillant en France peut prétendre aux allocations familiales françaises, à l'allocation pour jeune enfant servie sous condition de ressources pour les enfants de trois mois à trois ans, au complément familial, à l'allocation d'éducation spéciale et à l'allocation de parent isolé, pour ses enfants demeurés dans un autre Etat-membre, sous réserve de la satisfaction aux conditions que la législation française prévoit pour leur octroi (scolarisation, limite d'âge, condition de ressources...). Par contre, l'allocation pour jeune enfant servie jusqu'à l'âge de trois mois, l'allocation parentale d'éducation, les différentes allocations de logement, l'allocation de garde d'enfant à domicile et l'aide aux familles pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée, sont servies à égalité de traitement entre nationaux et communautaires, mais exclusivement lorsqu'ils assument la charge d'enfants sur le territoire français. A l'inverse, le français exerçant son activité dans un autre Etat-membre aura droit, pour ses enfants demeurant en France, à l'ensemble des prestations familiales prévues par la législation de son Etat d'activité, dans les conditions fixées par celles-ci, y compris dès le premier enfant ou si elles sont plus élevées que les prestations françaises. Dans le cas contraire, et afin que les enfants résidant en France, et dont la charge est assurée par des travailleurs exerçant leur activité dans un autre Etat-membre, n'aient jamais à pâtir de ce fait, l'article L. 512-5 du code de la sécurité sociale prévoit la possibilité du versement d'une allocation différentielle dans l'hypothèse où les prestations ainsi servies seraient inférieures à celles qui auraient été dues au titre de la législation française si celle-ci avait été applicable : le dispositif communautaire ne peut donc en aucun cas conduire à la réduction des prestations servies aux enfants élevées en France, mais éventuellement à leur augmentation. Ces règles qui permettent aux travailleurs des Etats-membres de l'Union européenne de ne jamais perdre de droits à prestations familiales tout en respectant les spécificités de chaque législation nationale sont également applicables aux Etats parties du Traité sur l'espace économique européen (Islande, Lichtenstein et Norvège). Les règles contenues dans les conventions bilatérales de sécurité sociale que la France a conclues avec un certain nombre d'Etats sont très différentes. En ce qui concerne la contribution aux charges de famille, mis à part le cas très particulier de la Suisse, il n'y a jamais versement des allocations familiales françaises au travailleur occupé en France pour ses enfants demeurés dans son Etat d'origine, mais versement à leur place de prestations spécifiques si la convention le prévoit. Il n'y est jamais question des autres prestations familiales. Ces prestations spécifiques sont essentiellement de deux sortes. Certaines conventions (Maroc, Turquie) prévoient le versement d'indemnités pour charges de famille (ICF). Celles-ci sont en principe transférées directement aux familles demeurées dans le pays d'origine du travailleur par la caisse du lieu de travail selon un barème fixé d'un commun accord entre les autorités compétentes des deux Etats, et régulièrement renégocié. C'est également une convention de ce type qui liait la France et l'ex-Yougoslavie ; chacune des nouvelles républiques ayant succédé à cet ancien Etat a donc repris individuellement les dispositions de cette convention. Néanmoins, et afin de donner application aux résolutions des Nations unies intervenues consécutivement aux événements qui ont suivi, tous paiements de prestations à destination des familles demeurant en Serbie et au Montenegro ont été suspendus. Afin de respecter pleinement l'embargo, cette suspension a également été effective vis-à-vis des familles demeurant au Kosovo et en Voïvodine, puisque ces deux entités ont été, de fait, absorbées par les deux Etats précités. A partir de 1992, les autorités françaises ont autorisé les organismes à servir les indemnités forfaitaires directement aux travailleurs occupés en France pour leur famille demeurant dans ces Etats frappés par l'embargo. D'autres conventions prévoient la participation de la France à l'entretien des enfants demeurés dans le pays d'origine. C'est le cas de la majorité des conventions passées avec certains pays africains (Algérie, Tunisie, Côte d'Ivoire, Gabon...). Cette participation consiste en un versement direct à l'organisme du lieu de résidence des enfants responsable du versement des allocations familiales dudit pays au taux local. Elle est limitée en général à quatre enfants. Enfin, certaines conventions ne prévoient aucune disposition en matière familiale. En toute hypothèse, il convient de souligner que les prestations conventionnelles demeurent très inférieures aux allocations familiales françaises puisqu'elles sont négociées en tenant compte de nombreux paramètres, et notamment du coût local de la vie, bien que l'activité du travailleur en France donne naturellement lieu au précompte des cotisations d'allocations familiales et à l'acquittement de la part de la contribution sociale généralisée finançant la branche famille du régime général dans les conditions de droit commun. Lorsque le travailleur en France est ressortissant d'un pays non membre de l'Union européenne ou de l'espace économique européen, ou avec lequel aucune convention bilatérale n'a été conclue, aucun texte de quelque nature que ce soit n'autorise le versement d'une prestation quelconque aux enfants demeurés dans leur Etat d'origine. Les prestations décrites ci-dessus sont financées intégralement par la Caisse nationale des allocations familiales. Afin de compléter son information, l'honorable parlementaire trouvera ci-après des tableaux rassemblant pour l'Espace économique européen d'une part, et pour le domaine bilatéral d'autre part, les données chiffrées concernant les années 1993 et 1994 (dernières années disponibles). (Voir tableaux dans JO correspondant).
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