Question N° :
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Question publiée au JO le :
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Réponse publiée au JO le :
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Analyse : |
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Texte de la REPONSE : |
«M. Gérard Saumade attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale sur la nécessité de privilégier une information objective dans la lutte contre l'alcoolisme et sur la modification des attributions de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT) dans le prolongement du rapport Roques. La classification proposée dans le rapport suscite incompréhension et inquiétude chez les professionnels de la filière viti-vinicole. L'assimilation du vin aux drogues dures contredit les études scientifiques que soulignent les effets bénéfiques d'une consommation modérée de vin et les conclusions de la mission parlementaire «alcool et santé» qui s'est prononcée en faveur d'une taxation proportionnelle au degré alcoolique. La MILDT étant chargée, le cas échéant, de proposer des modifications administratives et réglementaires, il lui demande si une distinction sera opérée selon des critères de dangerosité réels afin de ne pas assimiler le vin aux drogues et produits dont toute consommation est considérée comme nocive par les pouvoirs publics.» La parole est à M. Gérard Saumade, pour exposer sa question. M. Gérard Saumade. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez récemment déclaré dans Le Monde que l'alcoolisme devait être combattu sans faiblesse et qu'il y avait une réelle prise de conscience parce qu'on avait priviligié l'information objective. Bien sûr, je partage votre point de vue sur la nécessité d'une véritable politique de santé publique destinée à lutter contre le fléau de l'alcoolisme. M. Patrice Martin-Lalande. Nous sommes d'accord ! M. Gérard Saumade. Mais l'utilité d'une information objective m'amène à vous interroger sur les conclusions du rapport du professeur Bernard Roques sur la modification des attributions et les prérogatives de la MILDT - mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie - et sur les conséquences éventuelles de cette modification dans la mesure où la mission est chargée, à la demande du Premier ministre, de proposer des modifications administratives et réglementaires. Il n'est pas question de critiquer la lutte contre la consommation de drogue, le tabagisme ou l'alcoolisme. Cependant, le fait d'associer, comme le fait le rapport du professeur Roques, l'héroïne, la cocaïne et l'alcool dans le groupe des substances les plus dangereuses suscite une grande incompréhension, voire une grande émotion non seulement chez les professionnels de la filière viti-vinicole mais chez tous les Français pour qui la consommation de vin est profondément ancrée dans notre tradition culturelle. Je fais remarquer d'ailleurs - vous le savez mieux que moi - que c'est dans les départements viticoles que le taux d'alcoolisme est le moins élevé, en particulier dans un département que je connais bien, qui est l'Hérault. Les experts, qui ont rédigé ce rapport, définissent une nouvelle échelle de dangerosité des drogues. Ils établissent une hiérarchie basée sur des considérations scientifiques. Mais ils ne procèdent pas de la même manière pour les alcools ! Cela nous paraît en contradiction avec la nécessité de privilégier ce que vous appelez une information objective. De plus, l'assimilation du vin aux drogues les plus dures contredit les études scientifiques qui soulignent les effets bénéfiques d'une consommation modérée et équilibrée de vin... M. Patrice Martin-Lalande. Et régulière ! (Sourires.) M. Gérard Saumade. ... ainsi que les conclusions de la mission d'information parlementaire «Alcool et santé», qui s'est prononcée en faveur d'une taxation proportionnelle au degré alcoolique. Je souligne d'ailleurs qu'aux Etats-Unis, où l'on boit de plus en plus de vin français - ce qui est aussi bénéfique pour notre balance commerciale -, on affiche sur l'étiquette de certaines bouteilles que le vin est un produit qui est bon pour la santé. J'ai vu moi-même une telle étiquette ! (Sourires.) La nécessité de distinguer les produits selon des critères de dangerosité se justifie peut-être encore davantage par la modification des habitudes de consommation. Ainsi, la proportion des jeunes consommateurs d'alcools forts a doublé entre 1991 et 1995, alors que la consommation du vin baissait. Dans la mesure où la mission est chargée de proposer des modifications administratives et réglementaires, je souhaiterais savoir si, à cette occasion, une distinction sera opérée entre les produits - pas simplement les drogues, mais également les alcools -, selon des critères de dangerosité réelle. Car cette distinction permettrait utilement, tant pour la santé publique que pour l'économie française ou la culture française, de ne pas assimiler le vin aux drogues et autres produits dont toute consommation est, à juste titre, considérée comme nocive par les pouvoirs publics. M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale. M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale. Monsieur le député, tout en comprenant et partageant votre souci d'une information objective, je dois vous dire que je suis, jusqu'à nouvel ordre, chargé de la santé publique. Je dois reconnaître, hélas, que la consommation alcoolique en général - même si, j'en suis d'accord avec vous, il convient de la nuancer - est responsable de méfaits et a des conséquences très directes et très dommageables pour ceux qui les subissent comme pour l'immense cohorte des blessés ou des morts sur les routes. En effet, 30 à 35 % des accidents mortels sont liés à l'abus d'alcool. Je passe sur un certain nombre de considérations sociologiques que la police connaît bien, pour ne retenir qu'un seul chiffre: 70 % des rixes sont la conséquence de l'alcoolisme. En revanche, comme vous, monsieur le député, j'aime le vin et j'en consomme de façon modérée. Et il n'a jamais été question de modifier le statut juridique de l'alcool ni de l'assimiler à une drogue dure. Cette notion, d'ailleurs, n'existe pas en droit français, qui interdit cependant la conduite automobile au-delà de 0,5 gramme d'alcool par litre. Tout cela est déjà très encadré. Je ne demande pas plus pour d'autres toxiques. La loi sur la répression de l'ivresse publique existe, de même que celle sur l'interdiction de vente aux mineurs. Quelle que soit sa forme, la consommation d'alcool est déjà, encore une fois, énormément encadrée. La réflexion actuellement menée dans le prolongement des différents rapports consacrés au sujet ne vise nullement à créer un amalgame. Il ne s'agit pas de nier que la consommation d'alcool et de vin fait partie intégrante de notre patrimoine culturel. Il n'est pas question de remettre en cause cet art de vivre - dans la mesure où la consommation d'alcool et de vin reste modérée, comme c'est le cas chez la majorité de nos concitoyens. Le rapport de Bernard Roques, qui est un pharmacologue et un neurobiologiste, a affirmé que tous les toxiques, qu'ils soient légaux ou illégaux, devaient être examinés en fonction de leur force, de leurs conséquences et, bien sûr, de leur impact sur la santé publique. L'objectivité de ce rapport est d'ailleurs telle qu'il a déjà fait le tour du monde. Il est également intéressant de considérer que, si les missions de la MILDT sont élargies, ce n'est pas pour assimiler le vin à une drogue. D'ailleurs, la décision n'est pas encore prise. C'est que les polytoxicomanies - les toxiques illégaux étant le plus souvent mélangés avec de l'alcool - entraînent des conséquences gravissimes. Et en termes de neurobiologie, la voie «dopaminergique», pour reprendre le terme très justement utilisé dans le rapport Roques, la voie de la récompense - on boit parce qu'on cherche du plaisir - est la même, quelle que soit l'origine des toxiques. Nous ne souhaitons pas jeter l'opprobre sur la consommation traditionnelle. Mais les jeunes, en particulier, et les chiffres sont tragiques, associent drogues illicites, tabac, alcool, médicaments. Les médicaments sont utiles à la médecine. Il n'empêche que l'on consomme beaucoup trop de psychotropes dans notre pays - dix-huit millions de boîtes par mois ! On ne va pas légiférer pour autant à leur propos ni les assimiler à des drogues. Mais un tel usage nous pousse à lutter contre tous les toxiques. Nous avons pu constater, au moment des états généraux, que ces orientations recueillent l'assentiment général. Pour ma part, j'ai participé à au moins cinquante réunions des états généraux - sur les mille - et j'ai débattu avec les jeunes, notamment sur la consommation alcoolique. Quand vous dites à un jeune que nous luttons contre le cannabis, il vous répond: «Mais que faites-vous contre la consommation alcoolique responsable des accidents de la route, à côté de chez moi ?» Il faut être objectif ! M. Patrice Martin-Lalande. Sûr ! M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale. Et vous avez eu raison de le demander. Il faut faire les deux à la fois. Je vous rappelle que le rapport de la mission parlementaire de Mme Hélène Mignon «Alcool et santé», rapport que j'ai lu attentivement, propose notamment de mettre en place une politique de prévention qui vise «l'ensemble des dépendances, tabac, drogues, alcool, médicaments». A l'issue de ces explications, qui sont évidemment partielles, je ne demande pas mieux que de rencontrer les représentants de votre beau département. Il n'est pas question de stigmatiser quoi que ce soit. Il est question, parce que je suis responsable de la santé publique, d'examiner ensemble et sans tabou tous les produits toxiques qui contribuent aux failles de la santé publique. M. Patrice Martin-Lalande. Sans faire d'amalgame ! M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale. Tout à fait ! M. le président. La parole est à M. Gérard Saumade. M. Gérard Saumade. Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai bien compris qu'il n'y aurait pas d'amalgame entre le vin et les toxiques, même si la lutte contre l'alcoolisme était absolument nécessaire. Nous en sommes tous convaincus. M. Patrice Martin-Lalande. Tout à fait ! M. le président. On a bien compris que le Loir-et-Cher était aussi intéressé, monsieur Martin-Lalande. (Sourires.) |