FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 797  de  Mme   Mathieu-Obadia Jacqueline ( Rassemblement pour la République - Alpes-Maritimes ) QOSD
Ministère interrogé :  intérieur
Ministère attributaire :  intérieur
Question publiée au JO le :  10/05/1999  page :  2740
Réponse publiée au JO le :  12/05/1999  page :  4295
Rubrique :  baux
Tête d'analyse :  location
Analyse :  presbytères. réglementation
Texte de la QUESTION : Mme Jacqueline Mathieu-Obadia appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la location des presbytères. Dans les Alpes-Maritimes, le préfet a estimé que les presbytères, considérés comme des logements appartenant au domaine privé des communes, étaient soumis à bail à titre onéreux sur la base de l'estimation des services fiscaux. Cette analyse a conduit à une augmentation des loyers des presbytères de Nice telle que l'association diocésaine se trouve hors d'état de les acquitter. Aussi elle souhaiterait savoir quels assouplissements peuvent être apportés à la loi de 1905 concernant la location des presbytères par les diocèses afin qu'ils puissent payer une redevance raisonnable.
Texte de la REPONSE : M. le président. Mme Jacqueline Mathieu-Obadia a présenté une question, n° 797, ainsi rédigée:
«Mme Jacqueline Mathieu-Obadia appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la location des presbytères. Dans les Alpes-Maritimes, le préfet a estimé que les presbytères, considérés comme des logements appartenant au domaine privé des communes, étaient soumis à bail à titre onéreux sur la base de l'estimation des services fiscaux. Cette analyse a conduit à une augmentation des loyers des presbytères de Nice telle que l'association diocésaine se trouve hors d'état de les acquitter. Aussi elle souhaiterait savoir quels assouplissements peuvent être apportés à la loi de 1905 concernant la location des presbytères par les diocèses afin qu'ils puissent payer une redevance raisonnable.»
La parole est à Mme Jacqueline Mathieu-Obadia, pour exposer sa question.
Mme Jacqueline Mathieu-Obadia. Monsieur le ministre de l'intérieur, je vous remercie par avance de bien vouloir répondre à la situation embarrassante que nous connaissons actuellement à Nice.
Si les locaux paroissiaux peuvent être considérés comme des annexes du culte et, à ce titre, mis gracieusement à la disposition de l'exercice de ce culte, il n'en est malheureusement pas de même pour les presbytères. Ceux-ci sont en effet considérés comme des logements appartenant au domaine communal et soumis à bail à titre onéreux.
A Nice, depuis longtemps, nous vivons sur un bail locatif symbolique qui ne coûte à l'association diocésaine, pour l'ensemble des logements de presbytère situés dans cette ville, que 1 332 francs par an.
Si nous nous conformons, comme le veut la loi, à l'estimation des services fiscaux, nous arrivons à une valeur locative de 546 000 francs. Or l'association diocésaine est dans l'impossibilité de s'acquitter d'un loyer d'un tel montant. Les presbytères se retrouvent donc dans une situation particulièrement embarrassante, ainsi que la ville de Nice face à l'association diocésaine.
Ma question est simple: quels assouplissements pouvez-vous apporter à l'application de la loi de 1905 afin que l'obligation faite à l'association diocésaine soit raisonnable et réaliste ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Madame la députée, le sujet échappe largement au Gouvernement.
L'article 4 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat prévoyait que, dans le délai d'un an suivant la promulgation de la loi - soit le 11 décembre 1905 - les biens mobiliers et immobiliers des anciens établissements publics des quatre cultes alors reconnus, dont la même loi prononçait la dissolution, seraient transférés aux nouvelles associations cultuelles qui devaient alors se constituer.
Un vide juridique du refus des autorités du culte catholique de créer de telles associations, de sorte que la loi du 2 janvier 1907 a prévu, d'une part, en son article 1er, que l'Etat, les départements et les communes recouvreraient à titre définitif la propriété des biens mobiliers et immobiliers non réclamés, à défaut de constitution d'associations cultuelles, et d'autre part, en son article 5, que les édifices du culte ainsi que les objets mobiliers les garnissant continueraient, sauf désaffectation, à être laissés à la disposition des fidèles et des ministres du culte pour la pratique de leur religion.
La création des associations cultuelles catholiques, dites associations diocésaines, en 1924, ne permettait évidemment pas à celles-ci, compte tenu de l'expiration du délai imparti, de revendiquer la jouissance des biens mobiliers et immobiliers prévue par les dispositions initiales de la loi du 9 décembre 1905.
La jurisprudence administrative a ultérieurement estimé que les édifices du culte appartenant à la date du 9 décembre 1905 à une personne publique - Etat, département, commune ou établissement public du culte - faisaient partie de son domaine public, car affectés à l'usage du public, et que les travaux effectués sur ces édifices étaient des travaux publics, car réalisés dans un but d'intérêt général. Je ne citerai que deux arrêts du Conseil d'Etat: l'arrêt commune de Monségur, du 10 juin 1921, et l'arrêt Carlier, du 18 novembre 1949.
En revanche, les locaux à usage de presbytère ressortissent au domaine privé des communes, car ils ne sont affectés ni à un service public ni à l'usage du public. A ce sujet, je citerai l'arrêt du tribunal des conflits Bouyon contre Battini, du 14 mai 1990.
La commune propriétaire de ces locaux n'a dès lors aucune obligation d'y loger des ministres du culte, même si l'usage s'en est souvent perpétué. Elle peut le faire dans les conditions du droit commun régissant les rapports entre bailleurs et locataires, sauf clause exorbitante du droit commun que cette propriété domaniale peut justifier.
Si la commune consent à un ministre du culte la location gratuite ou à un montant non conforme au marché de ce local à usage de presbytère ou de quelque dépendance du domaine communal que ce soit, elle contrevient au principe de neutralité, notamment financière, qui s'impose aux personnes publiques, et qui est posé par l'article 2 de la loi du 9 décembre 1905.
Les marges de manoeuvre du Gouvernement sont très étroites, puisque la jurisprudence administrative est sur ce sujet particulièrement claire, comme le montrent notamment deux arrêts du Conseil d'Etat du 12 mars 1909, l'un relatif à la commune de Triconville, l'autre relatif à la Meuse et à la commune de Charmauvillers, dans le Doubs.
Par conséquent, pour d'évidentes raisons juridiques et d'opportunité, il ne peut être envisagé de modifier, quand bien même le Gouvernement le souhaiterait, les dispositions de la loi du 9 décembre 1905 afin de régulariser la pratique consistant à louer des locaux communaux à usage de presbytère à des ministres du culte catholique à un montant inférieur à celui du marché local.
En effet, ces dispositions interdisant toute subvention, directe ou indirecte, aux cultes sont regardées comme ayant une valeur constitutionnelle. Plusieurs communes ont résolu le problème en réservant des logements communaux à caractère social aux ministres du culte qui, compte tenu du montant vraisemblablement modique - généralement modique, pourrais-je dire - de leurs ressources, pourraient régulièrement y prétendre.
M. le président. Madame Mathieu-Obadia, avez-vous un commentaire à faire sur la savante réponse du ministre, illustrée par une abondante jurisprudence ?
Mme Jacqueline Mathieu-Obadia. Je ferai, monsieur le président, un commentaire de déception.
Je me demande comment nous allons faire. Nice est une ville qui compte un grand nombre d'églises, dont la commune a la charge. Les presbytères ne sont pas des logements royaux, tant s'en faut. Demander à tous les prêtres d'aller habiter des HLM me semble particulièrement difficile, mais j'ai bien compris que c'était la seule proposition que vous avez à nous faire, monsieur le ministre, ce que je regrette profondément.
RPR 11 REP_PUB Provence-Alpes-Côte-d'Azur O