FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 804  de  M.   Françaix Michel ( Socialiste - Oise ) QOSD
Ministère interrogé :  santé et action sociale
Ministère attributaire :  santé et action sociale
Question publiée au JO le :  17/05/1999  page :  2895
Réponse publiée au JO le :  19/05/1999  page :  4469
Rubrique :  établissements de santé
Tête d'analyse :  carte sanitaire
Analyse :  maternités. Méru
Texte de la QUESTION : M. Michel Françaix attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale sur l'avenir de la maternité de Méru (Oise). Il semble en effet que sa fermeture soit envisagée dans le cadre de l'élaboration de la future carte sanitaire, alors que les perspectives démographiques laissent présager un accroissement du nombre des accouchements qui y seront pratiqués dans les dix prochaines années et que la maternité de Beauvais est à saturation. Il lui demande donc s'il envisage de rechercher, en concertation avec les intéressés, une solution pour la maternité de Méru.
Texte de la REPONSE : M. le président. M. Michel Françaix a présenté une question, n° 804, ainsi rédigée:
«M. Michel Françaix attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale sur l'avenir de la maternité de Méru (Oise). Il semble en effet que sa fermeture soit envisagée dans le cadre de l'élaboration de la future carte sanitaire, alors que les perspectives démographiques laissent présager un accroissement du nombre des accouchements qui y seront pratiqués dans les dix prochaines années et que la maternité de Beauvais est à saturation. Il lui demande donc s'il envisage de rechercher, en concertation avec les intéressés, une solution pour la maternité de Méru.»
La parole est à M. Michel Françaix, pour exposer sa question.
M. Michel Françaix. Monsieur le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale, Méru, comme beaucoup de villes proches de Paris, est en proie à une banlieurisation sournoise et souffre: population à situation sociale difficile et peu mobile, chômage élevé, délinquance importante, vie municipale en crise après une succession de démissions. C'est pourquoi cette ville, qui a pourtant des ressources, a besoin d'une dynamique locale positive.
Elle dispose pour cela de nombreux atouts: une population jeune, une zone géographique de 50 000 habitants en pleine expansion, une capacité d'attraction sur trois cantons du sud de l'Oise, représentant 90 000 habitants. C'est d'ailleurs pour cela que Méru, ville de 13 000 habitants, va bénéficier, au même titre que Beauvais et Creil, d'un contrat de ville de l'Etat, contrat dont je suis fier puisque seules trois villes de l'Oise ont pu en bénéficier.
En 1996, nous avons inauguré à l'hôpital de Méru un nouveau plateau technique performant, financé par des subventions de la municipalité et du district. En 1998, grâce à vous, le Gouvernement a accordé à notre hôpital une dotation supplémentaire de 3 millions de francs.
C'est dans ce contexte local que nous parvient le rapport de la SANESCO suggérant la fermeture de la maternité à Méru comme de toutes les maternités de catégorie 1 de Picardie, soit cinq au total.
Cette proposition me semble difficilement acceptable si l'on tient compte des perspectives de développement démographique - solde migratoire très positif, population jeune au taux de natalité élevé - et de l'engorgement de la maternité de Beauvais, où se pratiquent plus de 2 000 accouchements par an.
Du reste, selon une projection de la SANESCO, le nombre des naissances dans le secteur de Méru devrait passer en dix ans de 450 à 650 naissances par an. La maternité de Méru a pratiqué 280 accouchements dans l'année, contre 260 l'année dernière et 240 l'année précédente, et projette d'en réaliser 400 dans dix ans.
Nous connaissons la nécessité de maîtriser les dépenses de santé - mais les hôpitaux de proximité ne représentent que 5 % des dépenses publiques - et d'assurer la sécurité des patients. Mais l'accroissement automatique du nombre des jeunes femmes qui devraient accoucher chez elles, et ce sera le cas à Méru, et la durée du trajet pour se rendre à Beauvais ou à Pontoise - quarante minutes - peuvent-ils être considérés comme des facteurs sécurisants ? Cette nécessité ne doit pas servir de prétexte à des restructurations au seul profit des grands centres urbains ignorant les bassins de vie et d'emploi.
Toute la population de Méru est rassemblée derrière son hôpital. Celui-ci, dont le personnel est volontaire et efficace, doit continuer à fournir un service de proximité de qualité. Il faut pour cela lui donner les moyens de se développer et de s'adapter.
Je dis oui au partenariat et à la complémentarité, oui à la recomposition, mais non à une restructuration qui serait décidée unilatéralement. L'étude d'une association avec l'hôpital de Beaumont situé à dix kilomètres est raisonnable. La négociation avec celui de Beauvais, si elle est sans arrière-pensée, est souhaitable. En tout cas, il faut endiguer la fuite vers l'Ile-de-France.
C'est parce que je connais votre volonté de privilégier la concertation, votre souhait de mettre en oeuvre une politique plus humaine de la santé, votre désir de procéder à un aménagement équilibré de notre territoire, que je suis persuadé, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous vous emploierez à trouver une solution positive pour Méru et ses environs, ainsi que pour la Picardie en général, dont le retard sanitaire est particulièrement important.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale. Monsieur le député, comme vous, je suis préoccupé par la situation de la Picardie à divers titres.
D'abord, vous le savez, cette région, qui comporte une pathologie, une morbidité et une mortalité particulièrement élevées par rapport à celles des autres régions, a été très longuement sous-dotée.
Ensuite, et vous y avez fait allusion, si cinq maternités de cette région doivent fermer, des problèmes vont évidemment se poser; j'en suis tout à fait conscient.
Cela dit, des textes existent. Ainsi le code de la santé publique prévoit-il un seuil d'activité minimal de 300 accouchements par an. Or la maternité de Méru n'atteint pas ce seuil.
Vous savez par ailleurs que la France ne se situe qu'au dixième et au douzième rangs des pays de l'OCDE pour les indicateurs de mortalité infantile et de morbidité infantile.
Malgré des améliorations constantes en ce domaine, il est impératif que nous poursuivions nos efforts. Les deux décrets du 9 octobre 1988 s'inscrivent dans un plan d'ensemble qui vise à améliorer la sécurité de la mère et de l'enfant, et je sais que vous êtes en plein accord avec cet objectif. Il s'agit de favoriser les meilleures conditions avant, pendant et après l'accouchement, et d'assurer des soins de qualité. Je suis persuadé, de ce point de vue, que, la mise en réseau des différentes maternités, avec une hiérarchisation précise définissant un niveau 1, un niveau 2 et un niveau 3, ainsi que l'élaboration de normes minimales sont des éléments essentiels.
Vous avez affirmé que vous compreniez les contraintes budgétaires, mais je ne peux pas vous laisser dire que seules des raisons budgétaires nous contraignent à fermer les petites maternités. Je ne dis pas que les 280 accouchements de cette année ou les 350 accouchements prévus l'année prochaine à Méru représentent un seuil rigoureux. Je l'ai dit bien des fois devant la représentation nationale: il ne s'agit pas de s'arrêter mécaniquement au chiffre de 300 accouchements, mais de développer la concertation et de définir des projets d'établissement.
Nous sommes cependant sûrs que la sécurité passe notamment par une activité suffisante. Nous avons donc défini des objectifs correspondant aux conditions de fonctionnement de la communauté scientifique, sur lesquels tous les obstétriciens sont d'accord, et qui devraient permettre d'assurer une meilleure prise en charge des mères et des enfants.
Les schémas régionaux d'organisation sanitaire ont vocation à examiner l'ensemble des besoins auxquels doivent répondre les structures hospitalières. Doivent être notamment évalués les besoins des populations des zones éloignées des centres urbains, avec le souci de conjuguer accessibilité et sécurité.
Certains sites ayant une activité plus faible pourront être autorisés si les conditions d'accès à un service de plus grande activité sont trop difficilement réalisables. En revanche, les établissements à activité modeste ne pourront être autorisés que s'ils répondent aux conditions techniques de fonctionnement énoncées par décret, notamment en ce qui concerne la qualification et la présence des personnels médicaux et paramédicaux.
Pendant la phase d'élaboration des volets «périnatalité» des schémas régionaux d'organisation sanitaire, les établissements de santé disposent du temps nécessaire pour dresser le bilan de leur activité obstétricale, arrêter une stratégie de maintien, opter pour un regroupement éventuel - Méru pourra ainsi se regrouper avec Beaumont ou Beauvais - ou décider une reconversion.
Cet exercice doit être conduit par l'hôpital de Méru, que nous avons d'ailleurs soutenu, et vous l'avez rappelé, monsieur le député, comme tous les autres établissements hospitaliers, publics ou privés, pratiquant l'obstétrique.
Or cet établissement, qui enregistre une activité obstétricale d'environ 250 accouchements par an - ce qui maintient sur place une équipe pour un accouchement par jour -, est situé par l'autoroute à 34 kilomètres de Beauvais, et à 24 kilomètres de Pontoise, villes dont les hôpitaux pratiquent respectivement 2 100 et 3 000 accouchements par an.
Entre cinquante et cent parturientes de Méru ont déjà recours à ces maternités. De plus, la maternité de Beauvais n'est pas saturée puisqu'elle a enregistré un taux d'occupation de 67 % seulement en 1998. Tous les accouchements de Méru pourraient donc théoriquement se reporter sur cet établissement sans difficulté particulière.
En outre, il faut rappeler qu'il y a actuellement à Méru d'importants problèmes de présence médicale dans les trois disciplines de gynécologie-obstétrique, d'anesthésie-réanimation et de pédiatrie. Nous devons les régler. La vacance de certains postes, notamment, ne permet pas d'assurer la permanence des soins conformément à la nouvelle réglementation.
Avant toute décision concernant la maternité du centre hospitalier de Méru, nous allons entamer une nouvelle étude approfondie afin de dégager, en liaison avec l'ensemble des partenaires concernés, la formule optimale permettant d'assurer à la population une offre de soins de qualité. J'ai confié la coordination de ce travail au professeur René Frydman. Il va vous rendre visite très prochainement. Les conclusions de cette étude seront intégrées dans le projet de schéma régional d'organisation sanitaire de l'agence régionale de l'hospitalisation de Picardie, qui sera soumis à la concertation.
Je rappelle qu'il faut très souvent un très long temps pour que la concertation obtienne des résultats, que des objectifs soient définis et la mise en réseau réalisée. Le professeur Frydman est déjà intervenu dans d'autres établissements à la demande du ministère de la santé. J'espère que sa présence à Méru facilitera la concertation. Ensuite, nous verrons. Je suis d'accord avec vous sur le fait que fermer des établissements de cette qualité, ayant une tradition, n'est pas une solution satisfaisante. Il faut les mettre en réseau et assurer la complémentarité entre eux. Je suis prêt à vous aider à cette fin.
M. le président. La parole est à M. Michel Françaix.
M. Michel Françaix. J'ai bien entendu votre réponse, monsieur le secrétaire d'Etat, et surtout sa fin, qui va dans le sens que je souhaite et que je résumerai ainsi: donnons du temps au temps, réfléchissons, ne prenons pas de décision hâtive qui aurait des conséquences importantes pour tout un secteur.
La population du sud de l'Oise augmente tous les ans. Nous ne sommes pas dans la situation du centre de la Corrèze ou du centre de la Nièvre, ou de certains endroits frappés par la désertification. La population nouvelle qui arrive dans cette zone a l'habitude de retourner dans la région parisienne et d'aller par exemple à Pontoise. Nous ne devons pas forcément lutter contre une telle tendance mais nous sommes absolument persuadés, et l'accroissement du nombre des accouchements le prouve, qu'il y aura plus d'accouchements à Méru dans une dizaine d'années qu'aujourd'hui. Cela signifie que nous sommes dans une situation non de désertification mais d'augmentation de la population.
J'ai bien entendu vos observations, monsieur le secrétaire d'Etat. Il faut continuer effectivement d'assurer la sécurité, la qualité des soins et la présence de médecins, et il faut absolument améliorer la situation de ce point de vue. Le personnel me paraît dans l'ensemble qualifié, pour autant que je puisse en juger car je ne suis pas moi-même médecin. Nous voyons bien que la population et le personnel veulent aller plus loin. Nous savons que des difficultés sont apparues lors des négociations avec l'hôpital de Beauvais. Je crois qu'elles sont en train d'être dépassées et que l'on a vu toutes les complémentarités possibles avec l'hôpital de Beaumont.
Si nous nous donnons un peu de temps et si nous réfléchissons bien, je pense que nous pourrons trouver une solution afin de sauver la maternité de Méru, et surtout de permettre aux enfants de naître dans les conditions que nous souhaitons tous.
SOC 11 REP_PUB Picardie O