FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 824  de  Mme   Trupin Odette ( Socialiste - Gironde ) QOSD
Ministère interrogé :  emploi et solidarité
Ministère attributaire :  emploi et solidarité
Question publiée au JO le :  24/05/1999  page :  3017
Réponse publiée au JO le :  26/05/1999  page :  4798
Rubrique :  santé
Tête d'analyse :  dyslexie et dysphasie
Analyse :  lutte et prévention
Texte de la QUESTION : Mme Odette Trupin attire l'attention de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité sur la situation des 40 000 enfants entrant chaque année en cours préparatoire et présentant des formes graves de troubles du langage oral et écrit qui conduisent souvent à l'illettrisme. Il apparaît que ces enfants sont souvent mal orientés. En institut de rééducation, ils sont amenés à cohabiter avec des enfants psychotiques, ou avec des enfants présentant un retard mental alors qu'ils sont normalement intelligents et ne présentent qu'un trouble léger du comportement. Elle lui demande donc de lui indiquer, quelles mesures le Gouvernement entend mettre en oeuvre pour informer les parents totalement démunis face à ce problème, pour permettre à leurs enfants de poursuivre une scolarité adaptée, mais aussi pour informer et former les professionnels concernés.
Texte de la REPONSE : M. le président. Mme Odette Trupin a présenté une question, n° 824, ainsi rédigée:
«Mme Odette Trupin attire l'attention de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité sur la situation des 40 000 enfants chaque année en cours préparatoire et présentant des formes graves de troubles du langage oral et écrit qui conduisent souvent à l'illettrisme. Il apparaît que ces enfants sont souvent mal orientés. En institut de rééducation, ils sont amenés à cohabiter avec des enfants psychotiques, ou avec des enfants présentant un retard mental alors qu'ils sont normalement intelligents et ne présentent qu'un trouble léger du comportement. Elle lui demande donc de lui indiquer, quelles mesures le Gouvernement entend mettre en oeuvre pour informer les parents totalement démunis face à ce problème, pour permettre à leurs enfants de poursuivre une scolarité adaptée, mais aussi pour informer et former les professionnels concernés.»
La parole est à Mme Odette Trupin, pour exposer sa question.
Mme Odette Trupin. Monsieur le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale, je vous indique que Raymond Douyère s'associe à ma question.
Je souhaite appeler votre attention sur la situation inquiétante des 40 000 enfants qui entrent chaque année en cours préparatoire en présentant des formes graves de troubles du langage oral et écrit et qui, de ce fait, vont subir des retards d'apprentissage scolaire durables, lesquels risquent de conduire à un échec faute d'une prise en charge appropriée.
Ces troubles posent un problème médical, éducatif et social. Bien que n'étant pas liés à des facteurs psychologiques ou socio-environnementaux, ils peuvent cependant y être associés. En effet, ces troubles ont un impact important dans les processus d'acquisition des stratégies d'apprentissage et empêchent les enfants de s'adapter à un environnement scolaire standard. Ils constituent un véritable handicap pour la vie future de l'enfant et conduisent souvent à l'illettrisme.
Il apparaît donc que ces enfants sont souvent mal orientés: en institut de rééducation, ils sont amenés à cohabiter avec des enfants psychotiques ou présentant un retard mental. Une étude réalisée en 1997 à l'échelon régional par le service médical de la CNAM et par la DDASS révèle que, pour la Gironde, 16,3 % des enfants ayant intégré un institut de rééducation sont normalement intelligents et ne présentent qu'un trouble léger du comportement, alors que 10,1 % n'en présentent aucun: aucune déficience, ni psychose ni retard mental. Dans les instituts médico-éducatifs, 14,8 % des enfants ne présentent ni déficience mentale ni motrice, mais ont intégré ces structures uniquement parce qu'ils accusaient un retard scolaire important et ne dépassaient qu'avec difficulté le niveau de cours préparatoire.
Pourtant, les troubles spécifiques d'apprentissage étaient déjà connus dès 1987. Reconnus en France comme une affection d'origine neurologique - Journal officiel n° 34 du 13 octobre 1997 - les troubles spécifiques du développement regroupent des affections classées par l'OMS et reconnues comme handicapantes par l'arrêté du 9 janvier 1989 paru au Bulletin officiel de l'éducation nationale. Ces troubles peuvent, depuis 1993, donner droit à l'attribution de l'allocation d'éducation spéciale. D'autre part, une proposition de loi n° 1044 tendant à la reconnaissance et à la prévention des difficultés spécifiques d'apprentissage avait été déposée durant la période 1987-1988. Or en 1999, nous en sommes toujours au même point.
A cet égard, j'appelle particulièrement votre attention, monsieur le secrétaire d'Etat, sur une publication parue récemment dans la revue du Haut comité de santé publique sur les troubles d'apprentissage scolaire, ainsi que sur le rapport concernant l'accès à l'enseignement des enfants et adolescents handicapés publié par l'IGEN et l'IGAS: les deux études confortent mon propos.
Pourriez-vous m'indiquer quelles mesures le Gouvernement entend mettre en oeuvre pour informer les parents totalement démunis face à ce problème et pour permettre à leurs enfants de poursuivre une scolarité adaptée, mais aussi pour informer et former les professionnels concernés ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale. Madame la députée, vous appelez avec raison mon attention sur la situation des enfants atteints de formes graves de troubles du langage oral et écrit, et qui, de ce fait, présentent des retards d'apprentissage scolaire importants.
L'absence de données épidémiologiques spécifiques concernant les troubles du langage ne permet pas de connaître exactement l'importance de la population concernée dans notre pays. Cependant, des statistiques internationales indiquent que 5 à 10 % d'enfants et d'adolescents présentent des troubles dyslexiques ou dysphasiques, dont 4 % de façon sévère.
Dans de nombreux cas - et vous avez eu raison de le souligner -, ces troubles sont des troubles simples du développement: lorsqu'ils sont dépistés, diagnostiqués et rééduqués précocement avec une aide pédagogique appropriée - laquelle n'est pas tellement spécialisée d'ailleurs -, ils s'avèrent compatibles avec le maintien de l'enfant dans un cursus scolaire normal, comme nous le souhaitons tous car l'école est le meilleur endroit pour permettre la poursuite du développement de l'enfant.
Dans le cas contraire, l'enfant peut se trouver rapidement en difficulté d'apprentissage et en situation durable d'échec scolaire, ce qui, souvent, entraîne des troubles secondaires tels que des troubles du comportement.
Une telle situation met en exergue l'importance des actions de prévention en faveur des jeunes enfants, et de celles d'éducation et de formation de leurs parents. Il convient de rappeler, à cet égard, que les examens de santé obligatoires concernant les enfants de moins de six ans et singulièrement le bilan réalisé au cours de la sixième année, c'est-à-dire avant l'entrée en cours préparatoire, sont autant d'occasions de dépistage des troubles de cette nature. Bien entendu, l'amélioration de la santé scolaire est une de nos préoccupations.
Cette question, qui concerne non seulement mon département ministériel mais également celui de Claude Allègre et de Ségolène Royal, a fait l'objet d'une note de service aux autorités académiques en janvier 1990, préconisant un certain nombre de mesures en faveur des élèves qui éprouvent des difficultés d'apprentissage du langage écrit et oral et sensibilisant les enseignants aux problèmes des enfants dyslexiques.
Actuellement, la scolarisation de ces élèves est le plus souvent effectuée en milieu ordinaire. Cela doit rester le cas. Ils bénéficient parallèlement d'aides particulières apportées par des maîtres intervenant au sein de réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté, les RASED, complétées, lorsque la situation de l'enfant le requiert, d'une aide de nature médico-sociale apportée par l'équipe d'un service de soins et d'éducation spéciale à domicile, le SESSAD, sur indication de la commission départementale de l'éducation spéciale, la CDES.
Le recours à une prise en charge en établissements agréés au titre des annexes XXIV du décret du 9 mars 1956 modifié, comme d'ailleurs l'intervention d'un SESSAD, ne me paraît pas adapté dans bon nombre de situations: il ne doit être retenu par la CDES que si l'enfant relève d'une des catégories de déficiences reconnues par ces textes - il ne faut pas orienter trop rapidement un enfant vers un parcours très spécialisé - et que s'il apparaît qu'il a besoin d'une éducation spéciale en établissement médico-social pour poursuivre sa scolarité. Il convient en effet de rappeler que les enfants ayant des troubles du langage ont, dans la grande majorité des cas, des capacités intellectuelles normales et ne souffrent ni de déficiences sensorielles ni de déficiences motrices.
Cela dit, les textes sont très en retrait au regard de l'expérience des enseignants et des services spécialisés; or, en la matière, c'est l'expérience qui compte.
En dépit de ce dispositif d'ensemble et compte tenu du nombre d'enfants signalés en grande difficulté d'apprentissage en raison de troubles du langage, une réflexion a été engagée entre les services concernés du ministère de l'emploi et de la solidarité et ceux du ministère de l'éducation nationale. Elle porte notamment sur les stratégies de dépistage à promouvoir, ainsi que sur les différentes modalités de prise en charge à mettre en oeuvre en fonction de la gravité de troubles. Ainsi, Mme Ségolène Royal a mis en place un numéro vert.
Cette réflexion sera favorisée par la mise en oeuvre des vingt mesures pour améliorer la scolarisation des enfants handicapés que nous avons présentées, Ségolène Royal et moi-même, le 20 avril dernier, au Conseil national consultatif des personnes handicapées. En effet, nous avons constaté que les effectifs spécialisés étaient peut-être en nombre insuffisant et qu'il fallait une généralisation de l'information, ainsi qu'une sensibilisation des familles et des enseignants.
M. le président. La parole est à Mme Odette Trupin.
Mme Odette Trupin. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de vos propos encourageants.
Vous avez précisé le rôle de l'éducation nationale. Pour ma part, je me suis beaucoup interrogée pour savoir à quel ministère j'allais adresser ma question concernant les enfants dyslexiques et dysphasiques.
Je sais combien Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire est sensible aux problèmes des difficultés scolaires dès l'entrée au cours préparatoire. Par conséquent, les vingt mesures que vous venez d'évoquer me semblent particulièrement encourageantes.
Je crois en effet que, pris en charge de manière appropriée, bien des enfants atteints de dyslexie et de dysphasie pourraient suivre un cursus de formation normale, puisque nous n'ignorons pas que de grands noms des sciences, des lettres et des arts - à commencer par Ein-stein - étaient atteints de dyslexie.
Il faut mettre l'accent sur la formation des professionnels, des enseignants, dès les classes maternelles, c'est-à-dire dès que les petits coureurs s'installent dans leurs starting-blocks.
M. le président. Mes chers collègues, il nous reste moins de cinquante minutes pour poser six questions. Puis-je vous demander d'être aussi bref que possible, malgré tout l'intérêt de ces questions. Je demande également au secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale d'être concis, comme il sait le faire quant il le veut. (Sourires.)
SOC 11 REP_PUB Aquitaine O