FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 841  de  M.   Jung Armand ( Socialiste - Bas-Rhin ) QOSD
Ministère interrogé :  intérieur
Ministère attributaire :  intérieur
Question publiée au JO le :  31/05/1999  page :  3203
Réponse publiée au JO le :  02/06/1999  page :  5162
Rubrique :  sécurité publique
Tête d'analyse :  sécurité des biens et des personnes
Analyse :  violences urbaines. lutte et prévention. Strasbourg
Texte de la QUESTION : M. Armand Jung attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les problèmes de sécurité dans l'agglomération strasbourgeoise. Malgré les efforts de la municipalité et des services de justice et de police, la violence urbaine menace toujours. Le rôle européen de Strasbourg mobilise par ailleurs une partie importante des forces de sécurité. Il lui demande donc s'il ne conviendrait pas de mettre à l'étude les propositions de classement de Strasbourg en zone difficile, ainsi que de création d'une préfecture de police dans cette ville, afin d'optimiser l'action des forces de police.
Texte de la REPONSE : M. le président. M. Armand Jung a présenté une question, n° 841, ainsi rédigée:
«M. Armand Jung attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les problèmes de sécurité dans l'agglomération strasbourgeoise. Malgré les efforts de la municipalité et des services de justice et de police, la violence urbaine menace toujours. Le rôle européen de Strasbourg mobilise par ailleurs une partie importante des forces de sécurité. Il lui demande donc s'il ne conviendrait pas de mettre à l'étude les propositions de classement de Strasbourg en zone difficile, ainsi que de création d'une préfecture de police dans cette ville, afin d'optimiser l'action des forces de police.»
La parole est à M. Armand Jung, pour exposer sa question.
M. Armand Jung. Monsieur le ministre de l'intérieur, comme d'autres villes françaises, Strasbourg a été le théâtre d'un certain nombre de violences urbaines à la fin de l'année 1998, et ce malgré l'action volontariste de la municipalité, qui a organisé de nombreuses manifestations à but pédagogique et ludique - concerts, opération Mix Max, fêtes de quartier - venues compléter les actions de sécurité.
Ces violences, fortement médiatisées, sont loin d'avoir disparu et resurgissent à la première occasion, comme le prouve ce qui se passe régulièrement dans différentes villes françaises, comme encore récemment à Bordeaux.
Malgré la collaboration qui s'est instaurée entre les services de police et ceux de justice, la situation actuelle est loin d'être maîtrisée.
Après avoir rencontré les services de police, les associations de prévention et les collectivités territoriales de Strasbourg et du Bas-Rhin, il m'apparaît clairement que le nombre des «fauteurs de trouble» à Strasbourg se situe entre cinquante et cent jeunes, certains étant mineurs.
A partir d'un double constat, je voudrais formuler deux propositions.
Tout d'abord, la situation géographique particulière de Strasbourg nécessite la mobilisation des forces de police pour des tâches spécifiques liées au rôle européen de la ville: réunions du Parlement européen, réunions du Conseil de l'Europe, tenue de sommets internationaux, protection des personnalités, protection des bâtiments.
En corollaire, des manifestations sur la voie publique à caractère européen - paysans, chasseurs, pêcheurs, Kurdes, réfugiés des pays de l'Est - exigent un investissement important en forces de police et en actions de sécurité. En 1998, pas moins de vingt-quatre manifestations ont eu lieu devant le Palais de l'Europe ou à partir de ce lieu pour des problèmes intéressant le Conseil de l'Europe ou le Parlement européen.
Ces manifestations, en amont et en aval, présentent la particularité d'être coûteuses sur le plan des effectifs policiers.
Dans ces conditions, l'action de la police de proximité dans les quartiers où se manifestent quotidiennement la délinquance et les incivilités est réduite d'autant, ce qui choque la population, très attachée à l'îlotage.
C'est pourquoi la demande de certains syndicats de police, qui est appuyée par plusieurs collectivités locales, dont la ville de Strasbourg, et qui consiste à demander le classement de Strasbourg en zone difficile, mérite un examen particulièrement attentif et bienveillant de votre part.
Vous avez récemment décidé la création de sites d'expérimentation de la police de proximité. Dans le Bas-Rhin, vous avez retenu un quartier de Strasbourg et un quartier de Schiltigheim. Je pense, pour ma part, que c'est l'ensemble des quartiers de la ville de Strasbourg qui devraient bénéficier de ce statut.
Par ailleurs, il convient de se demander si le statut particulier de Strasbourg ne nécessite pas également la création d'une véritable préfecture de police, à l'instar de ce qui existe dans d'autres grandes villes à vocation internationale - je pense notamment à Paris. Cette solution permettrait de spécialiser les forces de l'ordre et d'optimiser leur action.
Ces deux mesures - classement en zone difficile et, le cas échéant, création d'un préfet de police - permettraient, de mon point de vue, de faire face plus facilement aux graves difficultés qui ne manqueront pas de resurgir dans les prochains mois. Il serait en effet préjudiciable que les citoyens de Strasbourg interprètent le rôle européen et international de leur ville comme étant de nature à limiter leur droit à la sécurité au quotidien. C'est pourtant le premier droit des citoyens, et notamment des plus faibles, que la sécurité de tous soit garantie.
Monsieur le ministre, je connais votre intérêt pour les questions de sécurité à Strasbourg. Je souhaite que mes propositions, formulées en accord avec M. le maire de Strasbourg, soient prises en compte, car cela permettrait de lutter contre les violences urbaines avec une efficacité accrue.
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le député, il est tout à fait exact que l'agglomération strasbourgeoise connaît des problèmes d'ordre public, particulièrement à la fin de l'année - c'est devenu un rituel. Les effectifs de police y sont donc très souvent sollicités, notamment en raison de l'implantation dans cette ville du Parlement européen.
En matière d'effectifs, la circonscription de Strasbourg disposait, au 1er mai 1999, de 880 fonctionnaires actifs et administratifs auxquels s'ajoutaient 112 adjoints de sécurité. Je précise que cette circonscription bénéficie, lors des sessions du Parlement européen, de renforts ponctuels émanant d'autres services de la police nationale et que je prévois la création d'un détachement fidélisé sur la ville de Strasbourg dans le cadre du développement de la police de proximité.
Je voudrais insister sur la nécessité d'une réelle politique contractuelle. Je sais les efforts que fait la ville de Strasbourg, notamment au niveau de sa police municipale. La loi récemment adoptée par le Parlement permettra d'améliorer encore la coopération entre la police nationale et la police municipale. Je souligne aussi la nécessité d'une excellente coopération entre la justice et la police. Cette dernière développe l'action de proximité grâce à l'îlotage, à la sécurité passive sur les réseaux de bus, renforcée en coopération avec les personnels des transports en commun. En outre, toute une série de mesures sont prises aux abords des hôpitaux, notamment la surveillance d'agents de tranquillité. La création de maisons de justice telle celle de Cronenbourg ne peut que faciliter les choses.
La délinquance générale a progressé de 7,7 % en 1998 par rapport à 1997. La hausse a été plus faible pour les délits spécifiques de voie publique: plus 2,3 %, ce qui est néanmoins encore beaucoup trop. Cet accroissement des faits de délinquance doit naturellement être tempéré par une nette augmentation des faits élucidés - plus 33,3 % - et l'établissement d'un plus grand nombre de procédures judiciaires.
Vous avez évoqué le problème des mineurs. Ils sont en effet impliqués dans une proportion importante: 29,3 % en 1998. Mais une comparaison portant sur les quatre premiers mois de l'année 1999 indique cependant une tendance à la baisse. En outre, depuis le début de l'année, la délinquance générale a diminué de 3,3 % dans la circonscription de Strasbourg, ce qui est un signe encourageant après l'augmentation de 1998.
Le Gouvernement agit de manière continue, s'appuyant sur les orientations prises par les conseils de sécurité intérieure. Le département du Bas-Rhin est prioritaire pour l'affectation de personnels supplémentaires et l'application de mesures de prévention spécifiques. A ce titre, un centre de loisirs des jeunes sera animé durant l'été par des fonctionnaires de police et des adjoints de sécurité.
Le problème des délinquants mineurs se pose particulièrement dans le Haut-Rhin et je ne saurais trop vous rendre attentif à la nécessité d'une bonne coopération entre les services de police et ceux de la justice, notamment au niveau des centres de placement immédiat strictement contrôlés dont le conseil de sécurité intérieure du 27 janvier dernier a décidé le développement pour mettre l'accent sur la liaison entre la répression des infractions et le suivi ultérieur.
S'agissant de la police de proximité, soixante-quatre sites au total ont été définis comme sites expérimentaux, parmi lesquels figurent les quartiers de Cronenbourg et de Schiltigheim dans la circonscription de Strasbourg. Les projets de services correspondants doivent être élaborés d'ici au 15 juin. Les premiers résultats de ces expérimentations feront l'objet d'un échange à l'occasion des Assises nationales de la police de proximité, en mars 2000. La généralisation de la méthode sera alors mise en service progressivement, pour s'achever au premier semestre 2002.
S'agissant du département du Bas-Rhin, les mesures suivantes seront prises: redéploiement de 1 200 policiers, fidélisation territoriale des unités mobiles dans les agglomérations difficiles, affectation de nouveaux adjoints de sécurité, renforcement de la dotation des crédits des circonscriptions de sécurité publique. Bref, au total, les moyens mis en oeuvre pour une meilleure sécurité à Strasbourg seront sensiblement accrus.
La création d'une préfecture de police à Strasbourg n'est pas envisagée. Certes, je comprends que des problèmes se posent du fait de la présence du Parlement européen, mais cela justifie-t-il une telle création ? Il existe en effet déjà un préfet délégué pour la sécurité et la défense auprès du préfet de la zone de défense Est, préfet de la région Lorraine, en poste à Metz, siège de la zone de défense Est. Il n'a pour l'instant pas été envisagé d'aller plus loin, mais je vais mettre la question à l'étude pour que nous puissions y réfléchir sur la base des éléments de réflexion que vous venez d'apporter, monsieur le député.
M. Armand Jung. Je vous remercie, monsieur le ministre.
SOC 11 REP_PUB Alsace O