Question N° :
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Question publiée au JO le :
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Réponse publiée au JO le :
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Analyse : |
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Texte de la REPONSE : |
«M. Alain Marleix attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur l'application stricte des normes concernant la fabrication et l'affinage du fromage dans la zone Saint-Nectaire, et lui demande quelles mesures il entend prendre pour remédier aux difficultés que cette situation entraîne.» La parole est à M. Alain Marleix, pour exposer sa question. M. Alain Marleix. Monsieur le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale, je veux associer à ma question mon collègue le docteur Jean-Paul Bacquet, député du Puy-de-Dôme. Cela prouve qu'il existe à l'Assemblée nationale une majorité fromagère qui transcende les frontières de la majorité plurielle. (Sourires.) L'application stricte des directives concernant la fabrication et l'affinage du fromage dans la zone saint-nectaire pose, comme vous le savez, de très importants problèmes. A terme, de très nombreux producteurs et affineurs sont menacés, s'agissant tant du maintien de leurs revenus que de la pérennité de leur profession, et ce dans un des secteurs les plus défavorisés du Massif central, le Cezalier, massif regroupant plusieurs cantons du Cantal et du Puy-de-Dôme. Sans revenir sur le bien-fondé des normes qui sont imposées, et qui d'ailleurs ont été reprises par le protocole conclu entre les syndicats de saint-nectaire et l'administration, on ne peut nier néanmoins la gravité des conséquences économiques de cette affaire. La multiplication des contrôles, des analyses et des différentes dépenses inhérentes à ces dispositions va générer une dépense supplémentaire d'au moins 25 millions de francs par an pour la profession. Si l'on divise ce chiffre par le nombre de producteurs de la zone saint-nectaire, on pourrait calculer une perte de revenus de 70 000 francs par exploitant concerné. En outre, cette affaire concerne une activité pluri-départementale. Comme elle est intimement liée à l'image de marque de la région, il me semblerait très important que, dans le cadre des contrats de plan qui vont être conclus avant la fin de l'année, des mesures spécifiques soient prises pour aider les producteurs et les affineurs. Ainsi, une aide aux mises aux normes, au renforcement et à l'amélioration de la sécurité sanitaire devrait être décidée conjointement par l'Etat et les collectivités. Il est probable d'ailleurs que les conseils généraux concernés et le conseil régional d'Auvergne s'y associent financièrement. En tout cas, nous nous emploierons à agir en ce sens avec force et détermination. En effet, il est particulièrement important d'aider cette profession, qui fait partie du patrimoine de notre région, qui est un élément essentiel de l'aménagement du territoire et qui n'a pas d'alternative à la production fromagère, c'en est même un des fleurons. N'oublions pas que le saint-nectaire est le fromage des présidents: Georges Pompidou, Valéry Giscard d'Estaing, François Mitterrand, Jacques Chirac, lui-même, en sont ou en ont été des consommateurs inconditionnels, et on le servait à table à l'Elysée. (Sourires.) En conséquence, monsieur le secrétaire d'Etat, je vous poserai trois questions précises. Tout d'abord, l'Etat peut-il envisager des délais supplémentaires pour la mise en application de cette nouvelle norme sanitaire, autrement dit la tolérance zéro substituée brutalement à la tolérance 100 ? Beaucoup de scientifiques de très haut niveau restent sceptiques sur le bien-fondé d'un tel plancher jugé, d'une part, irréaliste et, d'autre part, peu conforme aux intérêts bien compris de la santé publique. Ensuite, l'Etat peut-il envisager une procédure d'indemnisation des producteurs et des affineurs actuellement victimes d'une véritable catastrophe économique ? Enfin, l'Etat peut-il apporter pour l'avenir, son engagement financier à travers les contrats de plan, par exemple, pour l'instauration d'une véritable sécurité sanitaire fondée sur la modernisation et la mise aux normes des installations de montagne, en particulier ? M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale. M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale. Monsieur le député, M. Glavany, retenu à Bruxelles jusqu'au début de l'après-midi, m'a demandé de vous répondre, ce que je fais volontiers sur un sujet qui n'est d'ailleurs pas tellement éloigné de mes fonctions. Mais je vais sans doute le découvrir sous un abord différent. L'application des règles sanitaires fixées par une directive communautaire de 1992 visant l'hygiène des établissements laitiers soulève certaines difficultés, en particulier chez les producteurs et les affineurs de saint-nectaire. La première concerne la mise aux normes des locaux et des matériels de ces établissements, dont beaucoup sont de taille artisanale dans le secteur de production avant affinage. C'est la tradition. La seconde difficulté porte sur le respect des critères microbiologiques, notamment ceux relatifs aux germes Listeria monocytogenes et Staphylococcus aureus, soit le staphylocoque doré. Ces critères sont fixés par un arrêté ministériel du 30 mars 1994, qui transpose la directive européenne 92/46/CEE de 1992. Le saint-nectaire, qui est un fromage à pâte pressée non cuite, est en effet fabriqué selon un procédé qui ne permet pas d'assainir un lait cru éventuellement contaminé au niveau de l'exploitation de production, et qui favorise même la multiplication de certaines bactéries pendant la phase d'affinage. C'est d'ailleurs ce qui lui donne son goût. Les récents cas de listériose liés à la consommation de fromage de type époisses - l'appellation a toutefois été discutée - montrent combien il est indispensable de maîtriser tout au long de la chaîne allant du producteur de lait jusqu'au consommateur, le risque de contamination par Listeria monocytogenes. Cette maîtrise implique, de fait, un niveau élevé d'hygiène dans le cas du saint-nectaire, fromage sensible en raison de son mode de fabrication. La nécessité impérieuse de garantir la sécurité sanitaire des fromages présentés à la consommation ne saurait être discutée et justifie de demander encore un effort particulier. Toutefois, afin d'aider la filière saint-nectaire localement très importante au plan économique, d'importants effets techniques et financiers ont été mobilisés de 1994 à 1998. Ces quatre années correspondaient à la période de dérogation temporaire pendant laquelle les acteurs de la filière devaient mettre aux normes l'ensemble des outils de production - ateliers fermiers et caves d'affinage -, mais aussi la qualité du lait cru matière première. Deux conventions successives entre la direction générale de l'alimentation du ministère de l'agriculture et de la pêche et le syndicat national des groupements techniques vétérinaires ont été signées et mises en oeuvre. Elles ont permis la mise en place d'audits de maîtrise des risques sanitaires par des visites sur place et le suivi de cette mise en oeuvre chez 150 producteurs pour chaque convention. Des vétérinaires praticiens, spécialement formés et encadrés à cet effet, sont intervenus au sein des élevages laitiers dans le cadre de ces conventions. Des conventions avec l'ONILAIT ont été signées pour mettre en place une surveillance mensuelle intégrée tout au long de la filière de la qualité microbiologique des produits. Ces conventions comportent des autocontrôles sur les laits et les fromages à divers stades, et la prise en charge partielle du coût des analyses. Elles incluent également la définition d'un protocole de lutte contre le germe Listeria monocytogenes. En outre, un certain nombre d'entreprises de transformation et d'affinage de la zone d'appellation contrôlée saint-nectaire ont bénéficié d'aides du ministère de l'agriculture et de la pêche au titre de la prime d'orientation agricole et de concours du FEOGA pour la mise en conformité de leurs installations, dans le cadre du plan sectoriel 1994-1999 auquel je faisais allusion. Le ministère de l'agriculture et de la pêche propose que les efforts de la filière saint-nectaire continuent d'être soutenus sur le plan de l'investissement, dans le cadre du prochain plan sectoriel «produits laitiers», pour la période allant de l'an 2000 à 2006. Cela eu égard aux besoins qui existent pour assurer la sécurité alimentaire de ce fromage microbiologiquement très sensible mais gustativement essentiel comme tous les fromages au lait cru du patrimoine culturel et gastronomique de nos régions. Si j'en doutais, l'énoncé de tous les présidents qui fleurissaient leur table de ce saint-nectaire m'aurait sans doute convaincu. (Sourires.) Les productions de qualité sont à encourager et à préserver en leur assurant les contrôles et les garanties microbiologiques nécessaires que producteurs et consommateurs sont ensemble en droit d'attendre. Voilà la réponse que Jean Glavany souhaitait vous transmettre. A titre personnel, monsieur le député, j'ajouterai un petit mot. Ministre de la santé en 1992 et 1993, j'ai été confronté, en effet, à une épidémie de listériose qui a tué quatre-vingt-trois personnes. Et récemment, nous avons déploré encore trois décès, ce qui est toujours infiniment trop. Il importe donc que vous expliquiez aux producteurs de saint-nectaire que si, comme eux, nous ne voulons pas que, un jour, une directive européenne vienne prohiber tout fromage au lait cru, ils doivent être nos partenaires dans la transparence. J'ai parlé d'autocontrôles, ceux-ci sont indispensables dans la mesure où l'on ne peut pas mandater des inspecteurs et des vétérinaires en permanence. En tout cas, il est nécessaire d'être vigilant, car cette affaire fait grand bruit hors de nos frontières, parmi ceux qui achètent nos fromages. |