FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 8559  de  M.   Lellouche Pierre ( Rassemblement pour la République - Paris ) QE
Ministère interrogé :  affaires étrangères
Ministère attributaire :  affaires étrangères
Question publiée au JO le :  12/01/1998  page :  124
Réponse publiée au JO le :  23/03/1998  page :  1607
Rubrique :  patrimoine culturel
Tête d'analyse :  protection
Analyse :  patrimoine maritime. épave de La Belle
Texte de la QUESTION : M. Pierre Lellouche attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur la législation applicable au patrimoine maritime et sur le respect quant à son application. En effet, la loi du pavillon, reconnue par l'Etat français et la plupart des pays ayant un droit côtier, dont la Fédération des Etats-Unis d'Amérique, stipule que les bâtiments sous pavillons nationaux appartiennent pour toujours à l'Etat qui les a lancés et s'exerce quel que soit le lieu où l'épave a été retrouvée. Dans le cas de La Belle, cette loi, relative aux biens culturels maritimes portant réglementation des droits de propriété sur épave et garantissant, de fait, à l'ayant droit la maîtrise d'oeuvre des fouilles archéologiques, la protection, l'exploitation et la mise en valeur du bien culturel maritime ainsi mis à jour, est d'autant plus applicable à l'épave qu'elle se trouve dans des eaux territoriales indiscutées de la Fédération des Etats-Unis d'Amérique et que celle-ci a officiellement reconnu La Belle comme étant un bâtiment de la marine royale française. Le précédent de L'Alabama est dans toutes les mémoires. La Fédération des Etats-Unis d'Amérique ayant revendiqué l'épave, l'Etat français avait facilité les fouilles dans le cadre d'une coopération franco-américaine et rendu tout le mobilier remonté d'un bâtiment qui se trouve dans ses eaux territoriales. Dans le cadre de La Belle, aucune concertation ni coopération n'ont été proposées, aucun chercheur français invité. Même s'il ressort de la démarche effectuée par notre poste à Washington auprès de M. Roach, conseiller juridique du Département d'Etat, que notre prétention n'est pas jugée infondée, la France n'a jamais fait valoir ses droits sur l'épave d'une façon formelle. Sur la question soulevée concernant la localisation de l'épave dans des eaux sous juridiction texane, il a été rappelé par la direction des affaires juridiques du ministère des affaires étrangères que, d'une part, les entités fédérées ne sont pas des sujets de droit international, l'Etat français ne traitant qu'avec la Fédération, et que, d'autre part, c'est le critère public ou non du bâtiment qui est déterminant pour fonder le droit de propriété quel que soit le lieu où celui-ci a été retrouvé. Le précédent de L'Alabama pouvant faire jurisprudence, il lui demande quelles suites aux droits de propriété sur l'épave de La Belle il entend prendre au nom de l'Etat français, et quels dispositifs peuvent être envisagés pour garantir la coopération entre la France et la Fédération des Etats-Unis d'Amérique dans l'exploitation et la mise en valeur de ce patrimoine maritime commun.
Texte de la REPONSE : Comme le relève l'honorable parlementaire, il est des navires qui font l'objet au titre de la convention sur le droit de la mer d'une protection spéciale dont peuvent dans certaines conditions résulter des droits imprescriptibles au profit de l'Etat qui en a la propriété. Le principe de l'immunité de tels navires, dits « navires d'Etat », est consacré en particulier par l'article 32 de la convention de Montego Bay, dont l'Etat français a récemment été amené à se réclamer auprès des autorités américaines au profit de l'épave du navire La Belle, naufragé en janvier 1686 dans le delta du Mississipi. Par l'entremise de notre ambassade à Washington, le ministère des affaires étrangères a fait valoir en l'occurrence le principe de la continuité de l'Etat en apportant la preuve que La Belle était bien propriété du roi de France au moment du sinistre et inscrit comme tel sur les listes de la marine royale. Il a été souligné à cette occasion que le navire était par ailleurs affecté à une mission de service public et n'avait pas, comme cela avait été un moment avancé, fait l'objet d'une cession en pleine propriété à l'explorateur rouennais Robert Cavelier de la Salle qui était en charge de l'expédition dont ce navire faisait partie. Aucun de ces éléments n'a été contesté par l'administration américaine, qui s'est déclarée disposée à tenir compte des droits de l'Etat français sur cette épave, lesquels peuvent être de ce fait considérés comme réservés. En pratique cependant, et à la différence de L'Alabama (navire de guerre dont les Américains connaissaient la position dès l'origine et qu'ils n'avaient jamais cessé de revendiquer), l'épave de La Belle présente certaines particularités dont il est difficile de ne pas tenir compte. L'Etat français, qui en ignorait l'existence, ne s'est trouvé en particulier en mesure d'en réclamer la propriété que bien après que les fouilles eussent été entreprises et à un stade où l'épave avait déjà été assez largement exploitée du point de vue archéologique. Il résulte néanmoins de nos plus récents contacts avec l'administration américaine que cette dernière est prête à envisager les formules des coopérations que nous pourrions lui soumettre en vue de la mise en valeur de l'épave et des objets qui ont pu ou pourront en être retirés. Il appartient dès lors au ministère de la culture, où une réflexion a été engagée dans ce sens, de définir le cadre, les modalités et les moyens d'une telle action.
RPR 11 REP_PUB Ile-de-France O