FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 883  de  Mme   Neiertz Véronique ( Socialiste - Seine-Saint-Denis ) QG
Ministère interrogé :  justice
Ministère attributaire :  justice
Question publiée au JO le :  04/11/1998  page :  7927
Réponse publiée au JO le :  04/11/1998  page :  7927
Rubrique :  politique extérieure
Tête d'analyse :  Droits de l'homme
Analyse :  arrestation d'Augusto Pinochet
DEBAT : M. le président. La parole est à Mme Véronique Neiertz.
Mme Véronique Neiertz. Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Madame la ministre, vous avez déclaré la semaine dernière que l'idée de l'impunité de l'ancien dictateur chilien Augusto Pinochet était insupportable, et je ne doute pas que cette opinion soit partagée sur tous les bancs de cette assemblée. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République. Et Fidel Castro ?
Mme Véronique Neiertz. Vous avez ajouté qu'il appartenait aux magistrats français de lancer une action judiciaire qui serve de base légale à une demande d'extradition par la France.
Aujourd'hui, c'est chose faite. Hier, en effet, des plaintes ont été déposées à Paris par trois familles de victimes, et un juge français a lancé un mandat d'arrêt international pour tortures et séquestrations.
Ma question sera triple.
Premièrement, avez-vous l'intention, comme vous l'avez dit la semaine dernière, de transmettre immédiatement cette demande d'extradition française aux autorités britanniques ?
Deuxièmement, quand et comment pensez-vous que cette demande française sera traitée, dans la mesure où d'autres Etats européens comme l'Espagne, la Suisse, la Belgique, la Suède, l'Italie, l'Allemagne ont déposé une demande d'extradition ?
Et troisièmement, pensez-vous que les autorités britanniques devront examiner la légalité de chaque mandat d'arrêt international, ou avez-vous l'impression que l'immunité diplomatique servira désormais de prétexte à l'impunité des auteurs de crimes contre l'humanité dans l'Europe que nous voulons construire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Plusieurs députés du groupe socialiste. Pinochet en prison !
M. François Vannson. Castro au goulag !
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la députée, comme j'ai eu l'occasion de le dire la semaine dernière en répondant à la question posée par M. Lefort, puis au Sénat jeudi dernier, l'idée de l'impunité de M. Pinochet est insupportable aux victimes qui ont réchappé de la répression sanglante à laquelle il a procédé. Elle est insupportable pour les familles des personnes qui sont mortes et qui ont disparu, elle est insupportable pour tous les démocrates. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Où en sont aujourd'hui les procédures judiciaires engagées en France ? Vendredi dernier, à la suite des plaintes qui visaient en France le général Pinochet, une information a été ouverte à la demande du procureur de la République de Paris, pour séquestration accompagnée de tortures. Le même jour, un juge d'instruction, M. Le Loire, a été désigné par le président du tribunal de grande instance de Paris.
Les victimes sont trois ressortissants français, Etienne Pesle, Alphonse-René Chanfreau, Marcel-René Amiel Baquet, qui ont été arrêtés, le premier, six jours après le coup d'Etat, le deuxième au milieu de l'année 1974, le troisième au début de l'année 1977. Ces trois hommes, ces trois compatriotes ont depuis lors disparu. Selon les plaintes, ces enlèvements ont été opérés par la DINA, service de police politique d'une extrême brutalité, qui procédait, sous les ordres du général Pinochet, à des exécutions sommaires et à des arrestations souvent suivies de torture.
M. Christian Bataille. Pinochet facho !
Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République. Fidel Castro !
Mme la garde des sceaux. Ce service a sévi depuis le coup d'Etat jusqu'à la fin de la dictature chilienne.
Hier, en fin d'après-midi, le juge d'instruction saisi, M. Le Loire, a délivré un mandat d'arrêt international. Avis de ce mandat d'arrêt a été transmis par ce juge d'instruction aux services de la police judiciaire pour qu'ils en assurent l'exécution.
Aujourd'hui, le procureur de Paris a demandé l'arrestation provisoire de M. Pinochet, et transmis cette demande par l'intermédiaire d'Interpol, conformément aux dispositions de la convention européenne de 1957 sur l'extradition.
Plusieurs députés du groupe socialiste. Très bien !
M. Patrick Devedjian. Il était temps !
Mme la garde des sceaux. Ce sont les autorités britanniques qui devront maintenant statuer, et sur la demande d'extradition, et sur le pays vers lequel, éventuellement, M. Pinochet sera extradé, puisque, vous l'avez rappelé, l'Espagne et la Suisse ont également formulé de telles demandes.
Je ne peux pas, bien entendu, préjuger la décision qui sera prise par les autorités judiciaires britanniques. En tout cas, lorsque les pièces de la demande d'extradition arriveront à mes services, par l'intermédiaire du parquet général et du parquet de Paris, je les transmettrai immédiatement aux autorités britanniques par la voie diplomatique.
M. Christian Bataille. Faites-le vite !
Mme la garde des sceaux. Ces pièces doivent, en effet, être produites quarante jours au plus après l'émission de la demande d'arrestation provisoire.
Je voudrais rendre hommage à la justice et aux magistrats français, qui font preuve, dans cette affaire, d'une célérité exemplaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
SOC 11 REP_PUB Ile-de-France O