FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 891  de  M.   Cuvilliez Christian ( Communiste - Seine-Maritime ) QOSD
Ministère interrogé :  emploi et solidarité
Ministère attributaire :  emploi et solidarité
Question publiée au JO le :  21/06/1999  page :  3709
Réponse publiée au JO le :  23/06/1999  page :  6252
Rubrique :  prestations familiales
Tête d'analyse :  allocation parentale d'éducation
Analyse :  conditions d'attribution. élues locales
Texte de la QUESTION : M. Christian Cuvilliez attire l'attention de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité sur l'impossibilité pour les élus locaux de bénéficier de l'allocation parentale d'éducation. S'appuyant sur une circulaire de la Caisse nationale d'allocations familiales du 28 août 1993, la caisse régionale de Haute-Normandie vient en effet de la refuser à une maire adjointe, mère de trois enfants. Au-delà de ce cas particulier, cette décision pose le problème du statut de l'élu et des conditions dans lesquelles les femmes peuvent s'investir dans une mission d'intérêt public. Il lui demande si le gouvernement entend prendre des dispositions pour permettre de le résoudre.
Texte de la REPONSE : M. le président. M. Christian Cuvilliez a présenté une question, n° 891, ainsi rédigée:
«M. Christian Cuvilliez attire l'attention de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité sur l'impossibilité pour les élus locaux de bénéficier de l'allocation parentale d'éducation. S'appuyant sur une circulaire de la Caisse nationale d'allocations familiales du 28 août 1993, la caisse régionale de Haute-Normandie vient en effet de la refuser à une maire adjointe, mère de trois enfants. Au-delà de ce cas particulier, cette décision pose le problème du statut de l'élu et des conditions dans lesquelles les femmes peuvent s'investir dans une mission d'intérêt public. Il lui demande si le Gouvernement entend prendre des dispositions pour permettre de le résoudre.»
La parole est à M. Christian Cuvilliez, pour exposer sa question.
M. Christian Cuvilliez. Monsieur le secrétaire d'Etat, les fonctions de maire, d'adjoint et de conseiller municipal sont gratuites. Il s'agit là d'un important principe républicain. Se consacrer au «bien commun» n'est pas une profession, mais une activité bénévole.
Pourtant, une ordonnance d'octobre 1945 a créé, pour l'ensemble des maires et des maires adjoints, le système des indemnités de fonction, qui ne doivent pas être considérées comme un revenu. En effet, loin de remettre en cause le principe démocratique de la gratuité des fonctions, ces indemnités ont vocation à compenser les pertes de salaire ou plus souvent les frais inhérents au mandat.
En fait, les indemnités de fonction renforcent le principe démocratique puisqu'elles visent, sans constituer un revenu, à permettre à des citoyens, des militants de l'intérêt général qui n'ont pas de fortune personnelle, d'exercer un mandat.
La situation que j'ai rencontrée dans ma circonscription remet en cause ce principe. Elle concerne une mère de famille, précédemment employée dans une entreprise privée, qui cesse son activité professionnelle pour se consacrer à l'éducation de ses trois enfants et bénéficie pour cela, conformément au code de la sécurité sociale, d'une allocation parentale d'éducation. Lorsqu'elle devient maire adjoint chargée du suivi des affaires sociales de sa commune de 700 habitants environ, la caisse d'allocations familiales, s'appuyant sur une lettre ministérielle du 4 août 1993, décide de suspendre, sans précaution, le versement de cette allocation, alors que cette personne n'est pas, comme l'autorisent les dispositions relatives au statut de l'élu, affiliée par sa collectivité au régime général de sécurité sociale puisque qu'elle bénéficie de l'aide médicale légale.
Au moment où le débat sur la parité hommes-femmes a fait apparaître -ou, plus exactement, a confirmé - que la participation des femmes à la vie publique et à ses institutions était très insuffisante; au moment où ce constat officiel rend nécessaire et urgente la promotion des femmes à des responsabilités, à égalité avec les hommes; au moment où le Parlement va se réunir en congrès pour modifier la Constitution et assurer la conciliation de ces principes avec l'objectif d'un égal accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions, cette situation, illustrée ici très concrètement, est inacceptable.
En effet, sans même s'intéresser au niveau d'indemnité versé, la CAF de Haute-Normandie a décidé de supprimer le versement de cette allocation parentale d'éducation, car elle considère - se fondant sur une circulaire de la CNAF du 28 août 1993 - que cette allocation ne peut être attribuée qu'à une personne qui n'exerce plus d'activité professionnelle pour se consacrer à l'éducation de ses enfants. C'est d'ailleurs cette même circulaire qui encadre strictement le bénéfice de l'allocation de garde d'enfant à domicile.
La caisse d'allocations familiales, en l'occurrence, assimile l'indemnité de l'élu à un revenu professionnel, lui retire le bénéfice de l'allocation parentale et lui réclame le remboursement des sommes déjà perçues. Cette décision, que j'ai souhaité soumettre à l'attention du Gouvernement et de l'Assemblée, risque, si une réponse satisfaisante ne nous est pas apportée, d'inciter cette femme, fortement investie dans la vie de sa commune rurale, à abandonner ses responsabilités publiques pour pouvoir continuer à vivre décemment.
J'ajoute que le maire de la commune ayant décidé, en accord avec l'intéressée, de suspendre le versement de son indemnité pour lui permettre de bénéficier à nouveau de l'allocation, la caisse d'allocations familiales a considéré une telle décision comme nulle et non avenue pour ce qui concerne le régime allocataire qu'elle avait modifié.
Il y a donc, monsieur le secrétaire d'Etat, une triple urgence. Il faut d'abord régler le cas de cette adjointe au maire d'Ancourt, en Seine-Maritime, qui se heurte aux conséquences absurdes d'une réglementation établie à contresens des principes républicains garantissant la démocratie communale; ensuite rechercher si des cas semblables ne se sont pas produits ailleurs et si, le cas échéant, ils ont été réglés autrement; enfin, sur un plan général, actualiser le statut des élus locaux pour améliorer leurs garanties.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat au commerce extérieur.
M. Jacques Dondoux, secrétaire d'Etat au commerce extérieur. Monsieur le député, je vous présente tout d'abord les regrets de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, qui ne peut être présente ce matin. Je vous prie également de m'excuser moi-même, car je serai certainement moins dynamique et efficace qu'elle ne l'aurait été. Mais voici le texte de sa réponse.
En application de l'article L. 532-1 du code de la sécurité sociale, l'attribution de l'allocation parentale d'éducation est subordonnée à une condition relative à la cessation d'activité professionnelle totale ou partielle.
Or l'indemnité de fonction perçue par les élus locaux vise également à compenser la perte de revenus correspondant à une renonciation totale ou partielle à une activité professionnelle du fait des contraintes entraînées par les responsabilités électives.
Par ailleurs, à cette indemnité sont attachés certains droits sociaux. En effet, aux termes de l'article L. 2123-28 du code général des collectivités territoriales, les élus qui perçoivent une indemnité de fonction sont affiliés au régime complémentaire de retraite institué au profit des agents non titulaires des collectivités publiques. Cette affiliation à un régime de retraite n'est pas compatible avec la perception de l'allocation parentale d'éducation, qui postule la cessation d'une affiliation à un régime de retraite professionnel.
L'assimilation de l'exercice d'un mandat à une activité professionnelle au regard de la protection sociale, si elle ne permet pas à un élu local de percevoir l'allocation parentale d'éducation, n'a pas que des conséquences négatives pour les intéressés. Elle autorise en effet la perception de certains avantages. Ainsi, cette assimilation permet aux familles comprenant un élu local de satisfaire au critère de la bi-activité des parents posé à l'article L. 842-1 du code de la sécurité sociale pour l'ouverture du droit à l'allocation de garde d'enfant à domicile, dès lors que les autres conditions de droit tenant au revenu minimum perçu sont réunies.
Il y a lieu de noter du reste que l'allocation parentale d'éducation a été créée pour permettre à l'un des parents d'être présent au foyer pour s'occuper d'un enfant de moins de trois ans. Dès lors qu'une activité est exercée qui donne lieu à l'attribution de droits sociaux, la condition de présence du parent au foyer n'est pas supposée remplie pour l'attribution de cette allocation.
En ce qui concerne le remboursement immédiat d'environ 40 000 francs exigé par la caisse d'allocations familiales, l'article L. 553-2 du code de la sécurité sociale prévoit le remboursement intégral d'un indu de prestation familiale en un seul versement sous réserve que l'allocataire opte pour cette solution. A défaut d'une telle option, les dispositions législatives - article 43 de la loi du 25 juillet 1994 modifiant l'article L. 553-2 susvisé - posent le principe d'un recouvrement personnalisé des indus, obtenu par retenues sur les prestations déterminées en fonction de la composition de la famille, de ses charges de logement, de certaines prestations servies par les organismes débiteurs. Le décret du 10 mai 1999 portant sur la mise en oeuvre du dispositif élaboré à cet effet permet d'adapter à la capacité réelle des familles le montant des prélèvements mensuels effectués pour éteindre la dette.
Les caisses n'ont pas, semble-t-il, de pratiques qui consisteraient à exiger le remboursement immédiat d'un paiement indu de prestations. Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité vous invite donc, monsieur le député, à lui communiquer les conditions précises qui se trouvent à l'origine de la décision prise par la caisse d'allocations familiales de Seine-Maritime.
Vous avez évoqué l'intérêt que présenterait la mise au point d'un statut de l'élu. Le petit secrétaire d'Etat que je suis vous répondra qu'il faudra bien, un jour ou l'autre, s'orienter dans cette voie.
M. le président. La parole est à M. Christian Cuvilliez.
M. Christian Cuvilliez. Vous ne serez pas surpris, monsieur le secrétaire d'Etat, que la réponse dont vous m'avez donné lecture m'apparaisse comme dénuée de tout sens des réalités. C'est une réponse purement technocratique et bureaucratique qui n'a pas pris en considération les éléments précis que j'avais fournis pour analyser la situation particulière de cette personne. Elle confirme la sanction injustifiée et même injuste de son engagement au service de la collectivité. Et je crains qu'il n'existe dans d'autres régions des cas semblables faisant l'objet, hélas, du même traitement.
Les arguments dont vous avez fait état - et je ne vous en veux pas personnellement - sont ceux qu'ont déjà développés la caisse régionale et la Caisse nationale d'allocations familiales. Nous savons qu'il existe des voies de recours pour obtenir l'étalement du remboursement des sommes dites «indûment perçues». Mais là n'est pas la question. Il s'agit bel et bien de faire en sorte que ceux qui abandonnent leur activité professionnelle pour s'engager dans une vie élective au service de leurs concitoyens ne soient pas pénalisés sur le plan des ressources auxquelles ils ont normalement droit, et notamment des allocations familiales.
Comme cette réponse ne nous satisfait évidemment pas, nous réitérerons notre demande sous des formes appropriées.
M. François Rochebloine. Très bien !
COM 11 REP_PUB Haute-Normandie O