FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 89  de  M.   Meylan Michel ( Union pour la démocratie française - Haute-Savoie ) QOSD
Ministère interrogé :  justice
Ministère attributaire :  justice
Question publiée au JO le :  09/12/1997  page :  7137
Réponse publiée au JO le :  17/12/1997  page :  7827
Rubrique :  justice
Tête d'analyse :  tribunaux de grande instance
Analyse :  fonctionnement. effectifs de personnel. Bonneville
Texte de la QUESTION : M. Michel Meylan attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la situation de la justice en Haute-Savoie. Le tribunal de grande instance de Bonneville souffre, en particulier, d'une grave pénurie de personnels et de locaux. Des audiences ont été supprimées pendant tout le mois de mars 1997 pour tenter de résorber les retards des services des greffes. Le ministère public n'est plus représenté aux audiences de la chambre commerciale, et, il ne peut plus opérer sur le terrain le suivi des enquêtes et le contrôle des gardes à vue. La surcharge de travail contraint de fait le Parquet à hiérarchiser les poursuites et à ne plus pouvoir assurer le service de la justice pour les infractions les moins graves. L'abandon du projet de déplacement du conseil des prud'hommes dans des locaux à proximité du palais de justice, décidé dans le courant de l'été faute de moyens budgétaires, ne permet plus d'envisager une résorption de la pénurie de locaux. Face aux carences actuelles, les collectivités locales font un effort considérable pour améliorer le fonctionnement de la justice et renforcer la justice de proximité. Ainsi, elles ont pris en charge plus des deux tiers du projet de maison de la citoyenneté et du droit dans le quartier des Ewües. Il lui demande quelles dispositions le Gouvernement compte prendre pour renforcer les effectifs et les locaux du tribunal de grande instance de Bonneville afin d'éviter une asphyxie de la justice dans la vallée de l'Arve et le pays du Mont-Blanc.
Texte de la REPONSE : M. le président. M. Michel Meylan a présenté une question, n° 89, ainsi rédigée:
«M. Michel Meylan attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la situation de la justice en Haute-Savoie. Le tribunal de grande instance de Bonneville souffre, en particulier, d'une grave pénurie de personnels et de locaux. Des audiences ont été supprimées pendant tout le mois de mars 1997 pour tenter de résorber les retards des services des greffes. Le ministère public n'est plus représenté aux audiences de la chambre commerciale, et il ne peut plus opérer sur le terrain le suivi des enquêtes et le contrôle des gardes à vue. La surcharge de travail contraint de fait le parquet à hiérarchiser les poursuites et à ne plus pouvoir assurer le service de la justice pour les infractions les moins graves. L'abandon du projet de déplacement du conseil des prud'hommes dans des locaux à proximité du palais de justice, décidé dans le courant de l'été faute de moyens budgétaires, ne permet plus d'envisager une résorption de la pénurie de locaux. Face aux carences actuelles, les collectivités locales font un effort considérable pour améliorer le fonctionnement de la justice et renforcer la justice de proximité. Ainsi, elles ont pris en charge plus des deux tiers du projet de maison de la citoyenneté et du droit dans le quartier des Ewites. Il lui demande quelles dispositions le Gouvernement compte prendre pour renforcer les effectifs et les locaux du tribunal de grande instance de Bonneville afin d'éviter une asphyxie de la justice dans la vallée de l'Arve et le pays du Mont-Blanc.»
La parole est à M. Michel Meylan, pour exposer sa question.
M. Michel Meylan. Monsieur le secrétaire d'Etat au logement, la télévision pointe régulièrement le tribunal de Bonneville comme un exemple des difficultés actuelles du fonctionnement de la justice. Il y a quelques semaines, dans le cadre de la journée nationale de grève, les avocats du barreau de Bonneville ont protesté contre le manque de moyens qui entrave le fonctionnement du tribunal de grande instance. Celui-ci souffre, en particulier, d'une grave pénurie de personnels et de locaux. Des audiences ont été supprimées pendant tout le mois de mars 1997 pour tenter de résorber les retards dus au manque de personnel au greffe.
L'effectif du ministère public - un procureur et un substitut - est très insuffisant au regard de l'activité soutenue du tribunal. Le ministère public n'est plus représenté aux audiences de la chambre commerciale et il ne peut plus assurer sur le terrain le suivi des enquêtes et le contrôle des gardes à vue. Récemment, par exemple, un éducateur de quartier me citait le cas alarmant d'un jeune de seize ans arrêté à l'occasion de son vingt-sixième vol de voiture et qui, faute de moyens donnés à la justice, n'a jamais fait l'objet de poursuites judiciaires sérieuses. La surcharge de travail contraint, de fait, le parquet à hiérarchiser les poursuites et à ne plus assurer le service public de la justice pour les infractions les moins graves. Le parquet - j'y insiste - ne peut plus suivre les enquêtes ni contrôler les gardes à vue. Sa mission de suivi auprès de la maison d'arrêt n'est plus remplie normalement, ce qui est dramatique compte tenu de la tension supportée par les agents de l'administration pénitentiaire et de l'insuffisance du personnel d'encadrement. Récemment, le directeur de la prison en personne a été physiquement agressé par un détenu. La création d'un poste supplémentaire de substitut du procureur de la République serait de nature à traduire dans la réalité la récente élévation de la juridiction au grade II. L'activité du tribunal de Bonneville justifierait également la création d'une seconde chambre.
Faute de moyens budgétaires, la décision, prise cet été, d'abandonner le projet de déplacement du conseil des prud'hommes dans des locaux situés à proximité du palais de justice ne permet plus d'envisager une résorption de la pénurie de locaux.
Le ressort du tribunal de Bonneville couvre une population qui oscille entre 160 000 habitants hors saison et 250 000 habitants en saison. La population est en augmentation constante et rapide: plus de 15 % ces huit dernières années. Si la délinquance apparaît généralement maîtrisée, il faut noter depuis quelques années l'apparition de quartiers sensibles à Bonneville, Cluses, Scionzier et La Roche-sur-Foron. La proximité immédiate de deux frontières entraîne un nombre important d'infractions de douane et d'immigration clandestine.
Face aux carences actuelles, les collectivités locales font un effort considérable pour améliorer le fonctionnement de la justice et renforcer la justice de proximité. Ainsi, elles ont pris en charge plus des deux tiers du financement de la maison de la citoyenneté et du droit qui doit prochainement être créée dans le quartier des Ewites, à Cluses.
Il est clair que, sans renforcement des moyens, le fonctionnement du tribunal serait gravement entravé. Et toute ambition d'une justice plus proche, plus efficace et plus humaine serait rapidement condamnée.
Pouvez-vous donner l'assurance aux élus et aux justiciables de l'arrondissement de Bonneville que les effectifs et les locaux nécessaires pour éviter l'asphyxie seront rapidement affectés au tribunal de grande instance de Bonneville, afin qu'il puisse continuer à assumer sa mission de justice dans la vallée de l'Arve et le pays du Mont-Blanc ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat au logement.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement. Monsieur le député, comme je l'indiquais au précédent intervenant, Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, est empêchée; il me revient donc de répondre à sa demande et en son nom aux interrogations que vous venez d'exprimer.
Vous avez appelé son attention sur la situation du tribunal de grande instance de Bonneville et plus particulièrement sur les moyens humains et matériels affectés à cette juridiction. Comme vous le savez, l'amélioration des conditions de fonctionnement des juridictions, et notamment de celles du ressort de la cour d'appel de Chambéry, constitue une priorité pour l'action du ministère de la justice.
Le ressort du tribunal de grande instance de Bonneville, situé dans votre département la Haute-Savoie, dominé par un contexte géographique et économique singulier et exigeant, mérite une présence judiciaire forte mais renouvelée.
Le département de la Haute-Savoie comprend, en effet, trois tribunaux de grande instance, Thonon-les-Bains, Annecy et Bonneville. Mme le garde des sceaux souhaite que la réflexion en cours relative à la carte judiciaire soit l'occasion de réfléchir à l'évolution des missions de la juridiction de Bonneville. Dans le cadre de la consultation nationale sur la carte judiciaire, il conviendra de s'interroger sur la répartition optimale des contentieux civils et pénaux entre les trois tribunaux de grande instance du département.
Aujourd'hui, à Bonneville, l'effectif budgétaire de magistrats comporte 10 emplois, dont 2 au parquet. Cet effectif ne comporte actuellement aucune vacance ou absence. En outre, aucun départ de la juridiction n'est prévu à l'occasion des prochains mouvements. L'effectif budgétaire de fonctionnaires comporte 37 emplois, et l'effectif réel est actuellement de 42 emplois compte tenu de 5 surnombres.
En outre, nous le savons, le tribunal de Bonneville connaît une forte croissance de la population de son ressort. Vous auriez pu en témoigner comme je le fais moi-même en vous répondant: plus 37 % à l'horizon 2015, contre plus 4,5 % pour les perspectives nationales. Son activité, soutenue en temps ordinaire, est au surplus fortement affectée par la présence de nombreux sites touristiques. Il mérite donc, à l'évidence, que les moyens humains mis à sa disposition soient étudiés avec attention au regard des différentes priorités dégagées au plan national.
Enfin, un poste d'assistant de justice a récemment été localisé au tribunal de Bonneville. Le candidat retenu entrera en fonction le 1er janvier 1998.
Par ailleurs, s'agissant de la modernisation, un projet de maison de justice et du droit est en cours de réalisation à Cluses, où elle apparaît plus particulièrement utile. Cette structure est actuellement dénommée «maison de la citoyenneté», mais a vocation à devenir une maison de justice et du droit, dotée de moyens humains et matériels adéquats.
Pour ce qui est des locaux, le palais de justice de Bonneville abrite le tribunal de grande instance, le tribunal d'instance et le conseil de prud'hommes. Il a fait l'objet d'importants travaux de rénovation et d'extension entre 1982 et 1985. Un bâtiment annexe a été édifié, et des bureaux ont été aménagés dans les combles. Ces juridictions sont toutefois toujours à l'étroit, notamment le conseil de prud'hommes. Son relogement fait actuellement l'objet d'études.
Telles sont, monsieur le député, les indications les plus précises que je pouvais, au nom de Mme le garde des sceaux, vous donner en vous remerciant d'avoir appelé son attention sur les préoccupations de cette juridiction.
M. le président. La parole est à M. Michel Meylan.
M. Michel Meylan. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie pour cette réponse, dont je connaissais la plupart des éléments. J'aurais aimé, en guise de cadeau de Noël, apporter une bonne nouvelle à mes magistrats. Elle ne sera qu'à moitié bonne.
Mais je profite de l'occasion pour demander avec beaucoup de respect, au premier adjoint de Chambéry, qu'il dise au procureur de la cour d'appel de cette ville qu'il prenne un peu moins pour Chambéry et donne un peu plus à Bonneville. (Sourires.)
Mme Marie-Thérèse Boisseau. Très bien !
UDF 11 REP_PUB Rhône-Alpes O