FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 909  de  M.   Doligé Éric ( Rassemblement pour la République - Loiret ) QOSD
Ministère interrogé :  industrie
Ministère attributaire :  industrie
Question publiée au JO le :  28/06/1999  page :  3877
Réponse publiée au JO le :  30/06/1999  page :  6519
Rubrique :  énergie et carburants
Tête d'analyse :  carburants
Analyse :  teneur en oxygène
Texte de la QUESTION : M. Eric Doligé souhaite appeler l'attention de M. le secrétaire d'Etat à l'industrie sur la mise en oeuvre de l'article 21-III de la loi du 30 décembre 1996 sur l'air et l'utilisation de l'énergie. Il lui demande de bien vouloir lui préciser quand le Gouvernement entend publier les décrets relatifs à l'incorporation d'un taux minimum d'oxygène dans les carburants.
Texte de la REPONSE : M. le président. M. Eric Doligé a présenté une question, n° 909, ainsi rédigée:
«M. Eric Doligé souhaite appeler l'attention de M. le secrétaire d'Etat à l'industrie sur la mise en oeuvre de l'article 21-III de la loi du 30 décembre 1996 sur l'air et l'utilisation de l'énergie. Il lui demande de bien vouloir lui préciser quand le Gouvernement entend publier les décrets relatifs à l'incorporation d'un taux minimum d'oxygène dans les carburants.»
La parole est à M. Eric Doligé, pour exposer sa question.
M. Eric Doligé. Ma question, très technique, s'adresse à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.
Cela étant, j'aurais aimé, moi aussi, parler à M. le ministre de l'intérieur des problèmes de sécurité dans ma commune. Mais je n'ai pas le droit de le faire dans le cadre de ma présente question. Ce sera donc pour une autre fois. De plus, je suis en zone de gendarmerie. Vous avez de la chance, monsieur le ministre ! (Sourires.)
Monsieur le secrétaire d'Etat à l'industrie, qu'en est-il de la mise en oeuvre de l'article 21-III de la loi du 30 décembre 1996 qui dispose qu'un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions dans lesquelles les carburants devront comporter un taux minimal d'oxygène avant le 1er janvier 2000 ?
La directive n° 98-70 de décembre 1998 sur la qualité des carburants, soutenue par Noël Mamère, alors député européen, va dans le sens d'une amélioration sensible de la qualité de l'air dans les villes. Elle affirme l'utilité de l'incorporation d'oxygène pour améliorer la qualité de l'air et, pour ce faire, autorise notamment les Etats membres à exiger que les carburants répondent à des spécifications environnementales plus strictes que celles fixées par la directive.
Depuis juin 1997, le Gouvernement nous dit qu'il faut, avant de publier le décret qui précisera le taux minimal d'oxygène applicable au 1er janvier 2000, attendre l'adoption de la directive européenne Auto-oil. C'est désormais fait. Ne me répondez pas que le programme Auto-oil I est poursuivi par un programme Auto-oil II, qui rendra ses conclusions dans quelques mois, en vue de nouvelles normes applicables en 2005, et qu'il faut encore attendre.
Ne différez pas une fois de plus le sujet en mettant en avant l'impact insuffisamment connu sur l'environnement d'un taux minimal d'incorporation dans les carburants de composés oxygénés, notamment d'origine agricole. Les essais sur banc moteur, réalisés par l'UTAC en 1997, sur initiative de l'ADEME et expertisés par l'IFP, ont montré qu'une incorporation de 15 % d'ETBE a, comme on pouvait s'y attendre, pour conséquence une baisse des rejets d'hydrocarbures imbrûlés, une baisse du benzène ainsi que du potentiel de formation d'ozone. De plus, il n'a pas été observé d'impact systématique sur les émissions d'oxyde d'azote.
A propos de l'écobilan, le cycle de l'ETBE - production et combustion - produit moins de CO2 que celui de l'essense. Ainsi son impact sur l'effet de serre est-il inférieur d'au moins 10 % à celui de l'essence. Sur cet aspect, je me reporterais volontiers à votre conférence de presse du 6 avril dernier, où votre présentation du bilan énergétique de 1998 faisait apparaître «une hausse de 4,7 % des émissions de CO2 due principalement aux carburants dans les transports», ce qui rendra difficile la tenue des engagements pris par la France à Kyoto. Or, selon les calculs de l'ADEME, les biocarburants pourraient contribuer à hauteur de 10 % aux engagements de la France.
M. Desmarescaux, dans son récent rapport sur les usages industriels des productions agricoles, propose l'incorporation banalisée des biocarburants dans les villes de plus de 250 000 habitants. La conversion de l'agglomération parisienne à un gazole et une essence «propres» pourrait être réalisée moyennant des aménagements économiquement acceptables dans les raffineries concernées. Voilà un programme ambitieux qui s'inscrit dans l'esprit de la loi du 30 décembre 1996.
Les péripéties du MTBE en Californie, notamment les mesures envisagées en 2003, ne sauraient remettre en cause le Clean Air Act et l'obligation d'incorporation d'oxygène aux Etats-Unis, mais au contraire accroître l'intérêt de l'ETBE produit à partir d'éthanol d'origine agricole. Le principe de l'obligation d'incorporation d'oxygène sort d'ailleurs plutôt renforcé par l'actualité internationale. Le Brésil vient de relever de 22 à 24 % le taux minimal d'éthanol dans l'essence et envisage l'incorporation directe d'éthanol au taux de 3 % dans le gazole, pour réduire les émissions de particules. En Europe, les constructeurs automobiles - Peugeot en particulier - ont fait savoir que l'optimum technique se situait dans une fourchette comprise entre 1,6 et 1,8 % d'oxygène dans les essences.
Quels sont les enjeux financiers, et notamment l'impact de l'exonération partielle de la TIPP, taxe intérieure sur les produits pétroliers, dont bénéficie l'éthanol qui intervient dans la fabrication de l'ETBE ? Une étude de l'ADEME relativise ce coût par rapport aux autres carburants alternatifs. Rapporté à l'unité énergétique - (le gigajoule) - l'éthanol subit une TIPP de 25 francs-gigajoule, le GPL de 16 francs-gigajoule, le GNV, gaz naturel véhicule, de 15 francs-gigajoule et l'électricité de 0 franc-gigajoule. L'éthanol est donc le moins soutenu des carburants alternatifs à l'essence. Comme vous le savez, l'incorporation obligatoire d'oxygène permettrait une réduction du coût de production de l'éthanol et de l'ETBE grâce à l'effet de volume, ce qui autoriserait alors d'envisager une réduction du montant unitaire de l'exonération partielle de TIPP.
Certes, l'ouverture de deux sites de production d'ETBE supplémentaires, un avec Elf, l'autre avec Total, irait bien sûr dans la bonne direction. Il faudrait d'ailleurs que les pouvoirs publics répondent rapidement à la demande d'agrément que les professions concernées leur ont présentée en avril dernier.
Mais le coeur de ma question n'est pas là. Les décrets d'application sont nécessaires pour que l'utilisation d'ETBE ait un réel impact sur l'amélioration de la qualité de l'air et sur la réduction de l'effet de serre. Encore faut-il une mise en production d'ETBE qui aille bien au-delà des projets actuels. Ce d'ailleurs serait aussi une façon de favoriser l'indépendance énergétique de la France.
En rappelant que «leur utilisation est particulièrement souhaitable», la Commission européenne ne dit pas autre chose quand elle fixe - c'était le 4 mai dernier - un objectif de production de biocarburants de cinq millions de tonnes en 2003, alors qu'elle est de moins d'un million de tonnes aujourd'hui.
Techniquement et réglementairement, le dossier des biocarburants est bon.
Monsieur le secrétaire d'Etat, à quoi cela sert-il de voter des lois si les décrets d'application ne sont pas publiés ? Il faut en finir avec les tergiversations et les indécisions.
J'espère que vous serez précis quant à la sortie des décrets d'application et sur le taux d'incorporation d'oxygène à retenir. A défaut, j'en conclurais que certains sont parvenus à vous convaincre, au détriment de l'environnement, de la nécessité de conserver les parts de marché des essences au profit du secteur pétrolier plutôt que de faire une place réelle, mais somme toute modeste, aux produits oxygénés, notamment d'origine agricole.
Je vous prie d'excuser la longueur de ma question mais j'étais obligé de poser des «pare-feu» afin que vous ne répondiez pas à côté, monsieur le secrétaire d'Etat !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. C'est muni du précieux viatique des conseils qu'il vient de me prodiguer que je vais répondre à M. Doligé, que je tiens d'ailleurs à remercier pour les documents qu'il m'a envoyés, lesquels m'ont permis de bien préparer ma réponse. Le problème n'est pas simple, en effet, et il doit être examiné sous tous ses aspects, qui sont fort nombreux.
L'ETBE - je vais dans votre sens sur ce point - est généralement considéré comme un bon carburant, mais son coût est actuellement très nettement supérieur à celui des carburants traditionnels auxquels il se substitue. Ce constat a conduit à exonérer partiellement depuis plusieurs années - vous y avez fait référence - de la TIPP l'éthanol, qui intervient dans la composition de l'ETBE.
Certes, d'autres carburants, comme le GPL ou le GNV, ont bénéficié d'incitations fiscales importantes. Mais, outre l'impact favorable sur l'environnement, incontesté - c'est là le problème - de leur utilisation, cette aide est justifiée par le surcoût des véhicules qui les consomment et par la nécessité de disposer d'un réseau de distribution spécifique - c'est le deuxième problème.
Ces deux inconvénients n'existent pas dans le cas de l'ETBE, qui, utilisé en mélange à faible teneur dans le supercarburant, ne nécessite aucune adaptation particulière des véhicules et bénéficie de la très bonne logistique pétrolière existante et de la couverture du territoire national par les réseaux pétroliers.
La réglementation actuelle permet d'incorporer très largement - jusqu'à 15 % - l'ETBE dans les carburants. A l'heure actuelle, le taux moyen d'incorporation en France est plus bas, il est aujourd'hui d'environ 1,5 %. Cela correspond d'ailleurs à la production nationale et situe notre pays, j'ai été surpris de l'apprendre, comme vous sans doute, au premier rang des pays européens pour l'utilisation de l'ETBE.
Une augmentation de ce taux, même si l'on peut estimer comme vous qu'elle aurait un effet d'échelle et donc un effet important sur le coût, dont je disais qu'il était un obstacle à l'utilisation de l'ETBE, conduirait malheureusement à une augmentation du coût budgétaire pour l'Etat, qui est actuellement de 500 millions de francs par an.
La directive européenne de 1998 relative à la composition des essences applicable au 1er janvier 2000 n'a pas modifié le taux plafond actuel d'incorporation de l'ETBE et n'a pas rendu obligatoire l'incorporation d'ETBE dans le carburant. La France n'a pas le droit de rendre unilatéralement obligatoire l'incorporation d'ETBE, pour des raisons de concurrence que l'on comprend très bien. Des travaux se poursuivent donc à Bruxelles pour compléter éventuellement la directive de 1998, pour la modifier, le cas échéant, à l'horizon 2005. Dans ce cadre est inscrite la problématique des carburants de substitution dont font partie les biocarburants. Ces travaux devraient se terminer et déboucher sur des propositions avant la fin de l'année. J'en ferai moi-même.
En ce qui concerne les effets sur l'environnement, vous avez évoqué les expériences étrangères multiples qui sont abondamment relatées dans le dossier que vous m'avez remis. La situation est complexe et les conclusions doivent être nuancées. C'est un domaine où le bilan exhaustif des expériences étrangères n'est pas encore réalisé. Ces expériences sont d'ailleurs contradictoires: vous citez le cas très encourageant du Brésil, mais il faut citer également - vous l'avez fait d'ailleurs - le cas de la Californie, qui, après avoir rendu obligatoire l'utilisation de ce type de carburant, vient maintenant d'en organiser le retrait dans le cadre du Clean air act.
Par conséquent, je crois qu'il faut travailler encore sur cette question et la traiter - c'est d'ailleurs votre proposition - avec sérénité.
Deux directions politiques doivent nous inspirer. Elles correspondent d'ailleurs aux engagements contractés à Kyoto dans le but de lutter efficacement contre l'effet de serre - ce que la France fait déjà d'une façon remarquable. Il s'agit d'être déterminés et stricts dans les exigences à l'égard de l'environnement; la France, grâce à la répartition de ses énergies, notamment l'utilisation de l'énergie nucléaire, se place parmi les meilleurs des Etats industriels dans le monde pour le respect des prescriptions de Kyoto. Il s'agit en outre d'être imaginatifs et innovants dans les solutions fiscales, que vous appelez de vos voeux, et dans les solutions techniques d'incorporation de ce type de carburants dans les autres carburants.
Soyez assuré, monsieur le député, que nous allons dans votre sens et que nous faisons tout pour être très dynamiques dans ce domaine.
M. le président. La parole est à M. Eric Doligé.
M. Eric Doligé. A ma question très argumentée, le secrétaire d'Etat a fait une réponse très argumentée aussi. Je n'ai évidement pas eu le temps d'en analyser tous les détails. En particulier, j'ai entendu parler de 2005...
M. le secrétaire d'Etat à l'industrie. Avant 2005 !
M. Eric Doligé. ... d'où mon inquiétude.
Cela dit, je préfère examiner chacun des termes de la réponse de M. le secrétaire d'Etat et, si je ne la trouvais pas satisfaisante, je me permettrais éventuellement de lui adresser quelques éléments complémentaires.
M. le président. Peut-être un prochain mardi !
RPR 11 REP_PUB Centre O