FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 921  de  M.   Abiven Yvon ( Socialiste - Finistère ) QG
Ministère interrogé :  économie
Ministère attributaire :  économie
Question publiée au JO le :  18/11/1998  page :  9106
Réponse publiée au JO le :  18/11/1998  page :  9106
Rubrique :  agroalimentaire
Tête d'analyse :  tabacs manufacturés
Analyse :  SEITA. emploi et activité
DEBAT : M. le président. La parole est à M. Yvon Abiven.
M. Yvon Abiven. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie et des finances, et je souhaite y associer mon collègue Gérard Gouzes.
Monsieur le ministre, la direction de la SEITA vient d'annoncer la fermeture des sites de Morlaix et de Tonneins ainsi que la mise en vente de l'usine de Saintines. Près de 700 emplois sont concernés directement, sans compter les centaines d'emplois des entreprises sous-traitantes et des commerces de ces bassins d'emploi.
Hier, à Morlaix, comme à Tonneins, plusieurs milliers de personnes ont exprimé dans la rue leur colère et leur révolte.
Cette orientation apparaît à un moment où, paradoxalement, la situation de cette entreprise n'a jamais été aussi prospère: 1,2 milliard de bénéfice cette année contre 350 millions de francs en 1993; 5 milliards de réserve de trésorerie, grâce en partie au régime fiscal favorable dont profite la SEITA; un actionnariat plein d'optimisme, avec une augmentation de 54 % de la valeur de l'action depuis la privatisation de l'entreprise.
Au moment où le Gouvernement se bat pour l'emploi, comment accepter qu'une entreprise puisse ainsi, en toute liberté, rejeter des centaines de familles dans l'instabilité, l'angoisse du lendemain, le chômage et la précarité, dans le seul but d'améliorer son bilan et sa compétitivité financière ?
Au moment où le Gouvernement se bat pour un aménagement plus équilibré du territoire, comment accepter que se concentrent encore des activités économiques, par ailleurs vitales pour des régions touchées par le chômage et les risques de dépopulation ?
Monsieur le ministre, ma question sera double. Bien que la SEITA ait été privatisée en 1995 par un gouvernement auquel vous n'apparteniez pas, l'Etat conserve 5 % du capital et dispose d'un droit et même d'un devoir de parole et d'influence sur la décision finale.
M. Jean-Yves Le Drian. Très bien !
M. Yvon Abiven. Pouvez-vous nous assurer que les représentants de l'Etat demanderont à la direction de l'entreprise de revenir sur ses projets ? Pouvez-vous également nous préciser si l'Etat compte mettre tous les moyens en oeuvre et envisage par exemple de revenir sur le statut fiscal dont bénéficie la SEITA en vertu des accords passés par le gouvernement d'Edouard Balladur ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, votre question me permet de compléter ma première réponse.
Comme vous, le Gouvernement préférerait que les entreprises s'occupent au moins autant de leurs salariés que de leurs actionnaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. Yves Nicolin. Le PDG est socialiste !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. S'agissant de la SEITA, d'autres solutions doivent pouvoir être trouvées. Même si la consommation des produits qu'elle met sur le marché a tendance à baisser, il n'est pas normal que toutes les contraintes d'aménagement du territoire soient aujourd'hui laissées de côté. Je pense notamment à Morlaix. On pourrait dire des choses analogues de Tonneins. Je sais que tous les élus de la Bretagne, dont vous êtes, se sont fortement mobilisés pour que la manufacture reste à Morlaix.
Vous me demandez si les représentants de l'Etat, bien que l'Etat ne détienne plus que 5 % du capital, vont prendre position. A la demande du Premier ministre, j'ai fait savoir aux dirigeants de l'entreprise qu'il fallait trouver d'autres solutions. J'attends des propositions et j'espère bien que nous trouverons des solutions compatibles avec le fonctionnement d'une entreprise dans laquelle nous ne sommes pas majoritaires mais qui, néanmoins, doit tenir compte de l'emploi ou de l'aménagement du territoire.
Quant à la question fiscale, il est exact qu'il y a un décalage entre la perception de droits de consommation et leur reversement à l'Etat. En contrepartie, les grossistes font crédit aux débitants de tabac quand ils achètent les produits qu'ils vont vendre. Cette situation ne date pas de la privatisation réalisée par M. Balladur. Elle date de 1976 et elle n'a pas été modifiée par la privatisation. Pour le moment, nous n'envisageons pas de remettre en cause cette procédure qui fournit de la trésorerie à l'entreprise et facilite la distribution. C'est indépendant du problème de fond que nous sommes en train de traiter avec vous et sur lequel j'aurai l'occasion de m'exprimer à nouveau devant vous dès qu'une solution plus satisfaisante que celle qui a été annoncée aujourd'hui aura été trouvée. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste.)
SOC 11 REP_PUB Bretagne O