Question N° :
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Question publiée au JO le :
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Réponse publiée au JO le :
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Analyse : |
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Texte de la REPONSE : |
«M. Patrick Delnatte attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la nécessité de renforcer les moyens juridictionnels de Roubaix-Tourcoing. Il insiste sur l'intérêt d'y maintenir, étant donné l'importance de son activité, un tribunal de commerce et donc de ne pas le fusionner avec celui de Lille, ainsi que d'y créer un tribunal de grande instance. Il souhaite connaître sa position sur ces deux points.» La parole est à M. Patrick Delnatte, pour exposer sa question. M. Patrick Delnatte. Madame la garde des sceaux, la modification de la carte des juridictions consulaires en France est en marche. Un décret du 30 juillet 1999 est déjà venu acter la suppression de trente-six tribunaux de commerce. Si ces décisions ne concernent pas encore la cour d'appel de Douai, la commission Errera, chargée de faire des propositions, devrait très prochainement s'y intéresser. Sans doute est-il nécessaire de rappeler que, si la cour d'appel de Douai reste manifestement sous-administrée, elle est également sous-judiciarisée. Elle est en tout cas parmi celles qui comptent le moins de tribunaux de commerce ou de tribunaux de grande instance à vocation commerciale. A cet égard, il me paraît utile de poser la question précise du devenir du tribunal de commerce de Roubaix-Tourcoing, pour lequel certains pourraient envisager une éventuelle opération de rattachement ou de fusion avec le tribunal de commerce de Lille. Je tiens d'ores et déjà, madame la garde des sceaux, à appeler votre attention sur les inconvénients que présenterait une telle opération et à insister auprès de vous sur les enjeux qui s'attachent au maintien de ce tribunal de commerce. Créé en 1985 par la fusion des tribunaux de commerce des deux villes considérées, le tribunal de commerce de Roubaix-Tourcoing a pleinement satisfait à l'objectif d'établir une grande juridiction parallèle à celle de Lille dont il égale quasiment l'importance. Cette juridiction consulaire figure aujourd'hui parmi les plus importantes de France, puisqu'elle se classe au quinzième rang en termes de nombre de juges, et dans les vingt premiers en termes de nombre d'affaires. Certains départements français ne peuvent même pas y prétendre. Son ressort comprend tous types d'activité ou d'habitat tandis que son particularisme sur le plan économique est aujourd'hui incontestable: le tribunal de commerce de Roubaix-Tourcoing est en effet en position de leader national, voire européen, dans plusieurs activités, du fait notamment de la localisation de nombreux sièges sociaux ou logistiques dans les secteurs de la vente par correspondance, du prêt-à-porter, des restaurants en libre-service, de l'industrie agroalimentaire et du BTP, entre autres. Au total, les juridictions de Lille et de Roubaix-Tourcoing concentrent aujourd'hui dans leur ressort 60 % de l'activité commerciale et industrielle régionale, sans compter la perspective probable d'un développement de l'activité économique dans la métropole lilloise. Dans ce contexte, il apparaît clairement que la métropole lilloise a besoin de deux tribunaux de commerce, de la même manière qu'il est rapidement apparu dans le passé que Paris et sa grande couronne en avaient besoin de sept. Toute opération de fusion avec le tribunal de commerce de Lille aurait pour effet d'engendrer une nouvelle juridiction énorme, déséquilibrée et surtout rapidement engorgée, sur laquelle il serait assurément déraisonnable de polariser l'essentiel de l'activité du Nord - Pas-de-Calais. Comme toute justice, la justice commerciale doit être une justice de proximité, c'est-à-dire accessible, plus rapide et surtout plus proche des justiciables. C'est d'ailleurs là un souci que vous affichez volontiers. L'actualité, avec l'affaire Cerplex, à deux doigts d'une liquidation judiciaire avec pour conséquence le licenciement de 600 personnes - espérons que ce ne sera finalement pas le cas -, nous démontre que la proximité entre la justice et les intéressés facilite grandement la solution des problèmes d'ordre psychologique. C'est pourquoi, plutôt que de priver le versant nord-est de la métropole lilloise de sa juridiction commerciale, il me semble, tout au contraire, indispensable d'y renforcer les moyens juridictionnels. Si le ministère de la justice a su démontrer sa capacité à supprimer certaines juridictions, sans doute est-il à même de montrer sa capacité à en créer dès lors que le besoin s'en fait sentir. De nombreux éléments statistiques plaident en faveur de la création d'un tribunal de grande instance pour Roubaix et Tourcoing, afin de désengorger celui de Lille. Ce dernier, qui regroupe pour les affaires civiles l'ensemble de Lille et sa banlieue, mais aussi de Roubaix et de Tourcoing, se trouve aujourd'hui, chacun s'accorde à le reconnaître, passablement embouteillé. Le temps n'est-il donc pas venu de créer un TGI pour le versant nord-est de la métropole lilloise, qui réunisse notamment les agglomérations de Roubaix et Tourcoing, qui sont parmi les plus importantes de la région, mais également des villes de 30 000 à 60 000 habitants et un nombre important de communes de 8 000 à 10 000 habitants, soit en tout plus de 500 000 habitants ? Ce qu'on appelle le «Grand Paris» s'est parfaitement accommodé de la création de plusieurs tribunaux de grande instance et y a même poussé, sans que le TGI de Paris voie son importance diminuer. De la même façon, le TGI de Lille serait toujours l'un des tout premiers de France, quand bien même sa scission donnerait naissance à un deuxième tribunal pour Roubaix-Tourcoing. Je vous demande donc, madame la ministre, de nous préciser vos intentions quant au devenir du tribunal de commerce de Roubaix-Tourcoing, ainsi que de nous faire part de votre sentiment quant à la création d'un tribunal de grande instance pour le versant nord-est de la métropole lilloise. M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice. Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, vous évoquez-là un sujet sur lequel j'avoue avoir déjà reçu beaucoup de questions écrites d'autres parlementaires de votre région - j'ai en particulier en mémoire la lettre que m'a envoyée cet été votre collègue Dominique Baert. Je voudrais d'abord vous rappeler la méthode que j'ai mise en place pour réformer la carte judiciaire en essayant de tirer les leçons des échecs précédents: précisons qu'il n'y a plus eu de réforme de la carte judiciaire depuis la réforme Debré de 1958 et qu'auparavant, il fallait remonter à Poincaré. Nous n'avons donc connu dans le siècle que deux réformes de la carte judiciaire. Celle-ci est la troisième, à vrai dire la première depuis deux cents ans pour les tribunaux de commerce. Il devenait urgent d'avancer sur ce dossier en conciliant deux exigences: la proximité avec les justiciables, à l'évidence nécessaire, et la nécessité aussi de l'impartialité et de la bonne organisation du travail des tribunaux, qui dans certains cas exigent de maintenir une certaine spécialisation, voire, dans certains cas, d'éviter justement une promiscuité excessive. Les précédentes tentatives ont échoué par le fait que la méthode suivie était trop centralisée. J'ai donc décidé de procéder autrement et d'envoyer une mission de cinq personnes, créée grâce à l'appui de mon collègue du budget, pour justement appréhender au plus près du terrain, territoire par territoire, les vrais besoins, les bassins de vie, et me présenter des propositions «cousues main» et non pas abstraitement élaborées dans un bureau à Paris, sans concertation avec les intéressés. Cette mission m'a déjà fait des propositions, publiées au Journal officiel, pour six premières cours d'appel, celles à vrai dire qui comptaient le plus de tout petits tribunaux de commerce. Vous en avez évoqué les résultats. Le décret du 30 juillet 1999 a décidé la suppression de certains tribunaux de commerce dans ces six premières cours d'appel; ces décisions ont été communiquées aux juridictions. La mission sur la carte judiciaire poursuit actuellement son travail, conformément aux buts que je lui ai fixés, en l'occurrence terminer la révision de la carte des tribunaux de commerce, et seulement des tribunaux de commerce, d'ici à la fin de cette année. Bien entendu, il faudra également se pencher sur les tribunaux de grande instance. Mais ceux-ci ne sont pas concernés, je le répète, par l'étape actuelle de la réforme. Cette question viendra en son temps. Et j'ai bien enregistré ce qu'était votre souhait à cet égard. Nous n'avons en la matière aucun a priori, mais nous entendons coller à la réalité de la population. La mission ne s'est pas encore rendue à la cour d'appel de Douai. Elle le fera dans les prochains mois. Elle procédera bien entendu à une concertation avec l'ensemble des élus, mais également avec d'autres personnes intéressés par la question de la carte judiciaire. La spécificité du département du Nord, département le plus peuplé de France, qui compte 2 550 000 habitants et abrite l'importante métropole de Lille-Roubaix-Tourcoing, fera évidemment l'objet d'une attention particulière. Monsieur le député, vous avez pu faire entendre votre point de vue et je vous ai écouté avec beaucoup d'intérêt. Soyez assuré que la mission de la carte judiciaire aura l'occasion de le prendre en considération tout comme celui de l'ensemble des acteurs concernés, comme elle l'a fait d'ailleurs jusqu'à présent. M. le président. La parole est à M. Delnatte. M. Patrick Delnatte. Je vous remercie, madame la garde des sceaux, de cette réponse dont je prends acte. Sachez que, dans cette affaire, tous les élus du secteur joueront à fond le jeu de la concertation, indispensable à mes yeux. Je crois vous avoir traduit l'ampleur du problème qui se pose aussi bien pour le tribunal de commerce dans l'immédiat que pour un futur tribunal de grande instance, dans une seconde étape. |