FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 949  de  M.   Giscard d'Estaing Valéry ( Union pour la démocratie française-Alliance - Puy-de-Dôme ) QG
Ministère interrogé :  Premier Ministre
Ministère attributaire :  Premier Ministre
Question publiée au JO le :  26/11/1998  page :  9493
Réponse publiée au JO le :  26/11/1998  page :  9493
Rubrique :  Union européenne
Tête d'analyse :  euro
Analyse :  taux de conversion
DEBAT : M. le président. La parole est à M. le Président Valéry Giscard d'Estaing.
M. Valéry Giscard d'Estaing. Monsieur le président, mes chers collègues, la question que je souhaite poser à M. le Premier ministre porte sur la dernière décision à prendre avant le passage à la monnaie unique. Cette décision concerne le taux auquel le franc sera échangé contre l'euro.
L'article 109 L, paragraphe 4, du traité de Maastricht prévoit que le jour de l'entrée en vigueur de la monnaie unique, c'est-à-dire le 1er janvier 1999, peut-être le 31 décembre 1998, le Conseil statuant à l'unanimité, arrêtera le taux de conversion de chaque monnaie en euro. Je vous demande que ce taux de conversion soit simple.
Pendant trois ans, les Français vont vivre en utilisant les signes de deux systèmes monétaires, le franc et l'euro. Il faut qu'ils puissent les comparer facilement. Aussi, ne leur compliquez pas trop la vie ! (Sourires.)
Pour des raisons techniques tout à fait compréhensibles, le règlement du Conseil du 17 juin 1997 a prévu un taux de conversion à six chiffres: un chiffre suivi de cinq décimales.
Dans le document sur le passage à l'euro, mis à la disposition des Français un peu partout, on a voulu leur proposer un exemple. Sachant qu'un euro égale 6,58450 francs, un achat de 54 francs - pourquoi 54 francs ? C'est le prix d'un baril de lessive ou d'un poulet fumé... (Rires et applaudissements sur de nombreux bancs.)
M. le président. Réservez vos applaudissements pour la fin, mes chers collègues ! (Sourires.)
Monsieur le Président, continuez !
M. Valéry Giscard d'Estaing. Mes chers collègues, nous sommes là dans la technique financière ! (Sourires.)
Un achat de 54 francs, selon la brochure diffusée par le Gouvernement, représentera 8,20108 euros. Vous saisissez l'absurdité de cette situation, jaillie des fantasmes de la technostructure financière ! (Applaudissements et exclamations sur divers bancs.) Naturellement, ces sommes seront arrondies, mais vous n'empêcherez pas les gens de se dire que cela se fera à leur détriment.
Mme Odette Grzegrzulka. C'est un Auvergnat qui parle !
M. Valéry Giscard d'Estaing. C'est pourquoi je vous suggère de fixer ce taux de conversion à 6,50000 francs. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et sur quelques bancs du groupe socialiste.)
M. Georges Hage. Il a son certificat d'études !
M. Valéry Giscard d'Estaing. Cela ne change rien aux relations financières entre les Français, par exemple, en ce qui concerne les salaires, les loyers ou les retraites.
Vis-à-vis de l'extérieur, nous venons d'assister à de telles secousses sur le marché des changes qu'un tel ajustement, qui représente 0,8 % de notre taux de change, ne poserait aucun problème sérieux.
Savez-vous que si, ce matin, vous aviez eu l'idée d'acheter un billet de 100 deutschemarks dans une banque, on vous aurait demandé 346 francs ? Si, cet après-midi, vous le revendiez dans la même banque, on ne vous rendrait que 322 francs, soit un écart de 7 %.
M. Georges Hage. N'achetez pas !
M. Valéry Giscard d'Estaing. Autrement dit, un ajustement de 0,8 %, ce ne serait pas cher pour simplifier la vie des Français.
Mme Odette Grzegrzulka. Démagogie !
M. Valéry Giscard d'Estaing. Monsieur le Premier ministre, pour faire aimer l'euro, ou au moins le faire accepter, pensez-vous obtenir un taux de conversion simple entre l'euro et le franc ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Lionel Jospin, Premier ministre. Monsieur le président de l'Assemblée nationale, mesdames et messieurs les députés, le ministre de l'économie et des finances, expert en ces matières, et dont c'est le champ de compétences, me pardonnera de m'aventurer sur ses brisées et de répondre moi-même à la question posée par le Président Giscard d'Estaing. Il a pensé, comme moi, que ce serait un geste de courtoisie. Cela dit, je me risque là sur des terres austères, desquelles il faudra tout de même essayer de tirer des fruits suffisamment simples.
M. André Santini. C'est merveilleux !
M. le Premier ministre. La parité entre les monnaies des Onze a d'ores et déjà été fixée, mais le cours de l'euro en francs ne sera, comme vous l'avez indiqué, monsieur le Président, connu avec précision que le 31 décembre 1998 - en début d'après-midi, dit-on aujourd'hui - parce que l'ECU, aujourd'hui, comporte des monnaies qui flottent et introduisent, par conséquent, une variable et une incertitude qui ne pourront être levées qu'au moment de la décision de passage à l'euro.
Aujourd'hui, le cours de l'euro est proche de 6,60 francs. Il est vrai que le cours officiel qui sera connu le 31 décembre sera affiché avec cinq décimales. Je précise devant l'Assemblée nationale que cette décision est le résultat d'un règlement adopté le 17 juin 1997, après six mois de négociations difficiles et complexes, et nous l'avons quasiment trouvée en arrivant.
J'aurais préféré, comme le Président Giscard d'Estaing, que le choix puisse être totalement simple. Mais comment pouvait-il l'être à partir du moment où chaque pays devait établir une parité idéalement simple, mais techniquement impossible à fixer simplement, avec l'euro précisément ?
Ce cours de conversion n'est d'ailleurs pas fait pour être retenu. Il a même, paradoxalement, vocation à être oublié. Dans l'intervalle, avec le cours qui produira cet oubli, ce qui importera, ce ne sera pas de comparer les anciens prix en francs aux nouveaux prix en euros, mais les dépenses et les prix en euros aux revenus et aux salaires en euros. Car il s'agit de mesurer son pouvoir d'achat en comparant ses recettes et ses dépenses.
Le double affichage des prix, des salaires et des factures sera effectué massivement entre 1999 et 2002. Il ne comprendra que deux chiffres après la virgule, car il n'y aura aucune unité monétaire inférieure au centime d'euro. Mais il y aura effectivement, et c'est ce qui préoccupe le Président Giscard d'Estaing, un taux précis avec cinq décimales. Il sera notamment utilisé pour les opérations financières, ainsi que pour les comparaisons et les transferts de grosses sommes. Ces cinq décimales sont en effet indispensables pour des sommes considérables, afin que nul - opérateur, financier, entreprise, ménage - n'y perde ou n'y gagne.
Le Gouvernement s'attache, par ailleurs, à réduire les difficultés pratiques, en étroite concertation avec les associations de consommateurs, par la distribution - en cours - d'un guide d'informations pratiques à 33 millions d'exemplaires, en offrant aux populations, qui peuvent éprouver le plus de difficultés, des calculettes comprenant en mémoire - j'y insiste parce que ce sont des choses concrètes et utiles - le cours précis de conversion. Il ne sera donc pas besoin de l'entrer à chaque fois. Enfin, seront mis en place des observatoires départementaux de l'euro auxquels pourront être transmises les difficultés de chacun. (Murmures sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Il faut donc choisir entre la simplicité nécessaire et l'équité indispensable. Cela implique qu'il y ait deux modes de référence et de calcul: l'un, pour l'ensemble des consommateurs dans les transactions courantes; l'autre, pour les grands opérateurs économiques et financiers, pour que personne n'y perde, ni les ménages ni ces institutions économiques.
Nous nous sommes inscrits, mesdames, messieurs, dans la logique que vous nous aviez préparée.
M. Yves Fromion. Et voilà !
M. le Premier ministre. Mais je ne doute pas que le simple, efficace, équitable et néanmoins sophistiqué ministre des finances du Gouvernement ne fasse son profit de l'interpellation, comme toujours pertinente, du Président Giscard d'Estaing. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
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