FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 950  de  M.   Carassus Pierre ( Radical, Citoyen et Vert - Seine-et-Marne ) QG
Ministère interrogé :  économie
Ministère attributaire :  économie
Question publiée au JO le :  26/11/1998  page :  9494
Réponse publiée au JO le :  26/11/1998  page :  9494
Rubrique :  secteur public
Tête d'analyse :  privatisations
Analyse :  bilan et perspectives
DEBAT : M. le président. La parole est à M. Pierre Carassus.
M. Pierre Carassus. Monsieur le président, mes chers collègues, je dois avouer que cet exposé magistral a renforcé mon adhésion à l'euro... (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, M. Lionel Jospin, Premier ministre, a déclaré, dimanche, lors de la convention nationale du parti socialiste: «Privatiser n'est pas, pour mon gouvernement, l'objectif. Seul l'intérêt national nous préoccupe.»
Tout authentique républicain ne peut que se reconnaître dans cette volonté qui est en nette rupture avec le tout-libéral, dévastateur pour l'emploi, de vos prédécesseurs. (Protestations sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Pour autant, au regard de cette louable intention, certaines décisions gouvernementales laissent dubitatifs. («Ah !» sur les mêmes bancs.)
Prenons un seul exemple, celui de France Télécom: les salariés et les usagers, je devrais dire les «clients», n'ont rien gagné à la privatisation, bien au contraire. En revanche, si l'on en croit la publicité racoleuse de la direction de cette entreprise, les actionnaires, eux, sont très bien servis.
Si l'on fait le bilan de cette privatisation, comme de toute autre, on a plutôt le sentiment que des pans entiers du service public sont abandonnés aux lois des marchés financiers, sans que les retombées positives pour notre pays et son économie apparaissent évidentes.
Monsieur le ministre, ma question est donc la suivante: quel bilan au regard de l'intérêt national le Gouvernement tire-t-il des privatisations déjà engagées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)
M. le président. Je vais donner la parole à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Bien que la question soit vaste,...
M. Francis Delattre. Et incompréhensible !
M. le président. ... il vous faudra répondre en deux minutes, monsieur le ministre !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, en 1986, le gouvernement d'alors - c'est l'opposition aujourd'hui - avait établi une longue liste d'entreprises à privatiser, car il considérait qu'il était mieux qu'une entreprise fût privée plutôt que publique. Des dizaines d'entreprises ont ainsi été destinées à la privatisation. On a parfois frisé le ridicule, par exemple, souvenez-vous, lorsqu'on a estimé Thomson Multimédia à un franc alors qu'il vaut aujourd'hui plusieurs milliards. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Pour le Gouvernement, la privatisation - à l'inverse de ce que je viens de décrire - n'est en rien un objectif. Ce n'est pas non plus un expédient budgétaire: aucune des ressources venant de la cession d'un actif public depuis dix-huit mois n'a servi à financer le budget général. A l'inverse, de 1993 à 1997, sur 160 milliards de recettes, 80 milliards de francs sont allés financer le budget général. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)
M. Yves Fromion. Et le Crédit Lyonnais ?
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Où en sommes-nous ? Dans le secteur financier, des engagements visant la recapitalisation des entreprises qui allaient mal ont conduit à ce que, en contrepartie, celles-ci soient cédées. Ces engagements avaient généralement été pris avant notre arrivée au pouvoir. Néanmoins, nous l'avons fait. De toute façon, c'était sans doute une bonne chose que de mettre fin à cette hémorragie, car le coût de ces entreprises pèse sur l'argent du contribuable.
M. Francis Delattre. Ah ! Tout de même !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Mais lorsque ce n'était pas nécessaire, par exemple pour la Caisse nationale de prévoyance, bien qu'elle ait été destinée par la majorité précédente à la privatisation, nous l'avons gardée dans le secteur public. Dans ce cas, il n'y avait pas d'engagement et, donc, il n'y avait aucune raison de le faire. Le CNP est bien dans le secteur public.
D'autres exemples ne concernent pas le secteur financier mais le secteur industriel: Thomson et Aérospatiale. Là, c'est la volonté de mener une politique industrielle - création d'un grand pôle d'électronique de défense dans le cas de Thomson et d'un grand pôle aéronautique français puis européen dans le cas de l'Aérospatiale - qui conduit à des alliances avec des entreprises privées et peut alors faire que l'Etat perde la majorité. Mais c'est la volonté nationale, celle-là même à laquelle vous faisiez allusion, d'avoir un grand pôle européen d'aéronautique qui explique l'opération que nous conduisons sur l'Aérospatiale. Or cette volonté s'est exprimée sur tous ces bancs.
Si nous réussissons - et je le pense - à faire que l'ensemble de l'industrie aéronautique française soit regroupée dans une seule main, non seulement cette entreprise y gagnera mais aussi la souveraineté nationale.
En ce qui concerne France Télécom, c'est aujourd'hui le quatrième opérateur mondial de télécommunications. Ce n'est pas une entreprise privatisée, monsieur le député, mais une entreprise publique détenue à plus de 62 % par l'Etat. Mais elle a besoin de s'allier avec des partenaires, notamment Deutsche Telekom, pour que, à eux deux, ces deux entreprises forment le plus grand opérateur mondial. Cette alliance conduit évidemment à céder des parts, ainsi qu'à coter l'entreprise en bourse.
Dans cette même opération, qui se déroule en ce moment, 20 milliards de francs sont levés pour «nourrir» France Télécom et améliorer le service qu'elle rend. Les salariés, d'ailleurs, le savent bien, qui seront, avec 3 % du capital, le deuxième actionnaire derrière l'Etat.
Au total, l'opération menée sur France Télécom, outre qu'elle permet de financer d'autres entreprises publiques - je pense à Réseau Ferré de France, par exemple -, est un succès. Nous démontrons ainsi qu'une entreprise publique peut gagner. En vérité, la preuve en est déjà faite: sinon France Télécom placerait-elle sur le marché des titres dans les conditions que l'on sait ? Nous avons toutes les raisons, sur ces bancs, d'en être fiers. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
RCV 11 REP_PUB Ile-de-France O