FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 9799  de  M.   Carassus Pierre ( Radical, Citoyen et Vert - Seine-et-Marne ) QE
Ministère interrogé :  économie
Ministère attributaire :  économie
Question publiée au JO le :  09/02/1998  page :  616
Réponse publiée au JO le :  13/04/1998  page :  2091
Rubrique :  relations internationales
Tête d'analyse :  commerce international
Analyse :  AMI. négociations
Texte de la QUESTION : Depuis 1995, un projet d'accord multilatéral sur l'investissement dit l'AMI est en discussion à l'OCDE. Le but de ce projet est d'effacer toutes formes d'encadrement et de contrôles à la mobilité des capitaux. Ce texte « confidentiel » a pour conséquence de s'attaquer directement aux législations nationales qui dans un souci d'intérêt public encadrent les investissements étrangers et les soumettent à des conditions. Il est curieux que ces négociations soient menées en absence de tout débat public, et sans que les parlementaires y soient associés. Cette tentative des firmes transnationales d'imposer leurs règles à l'échelle planétaire et de se libérer de toutes contraintes liées aux intérêts des peuples ne peut être cautionnée et tenue plus longtemps dans le secret. Ce projet de traité, s'il ne fait que prolonger une situation et des accords existants, va aussi beaucoup plus loin. Il est destiné à être signé par les pays riches de l'OCDE, puis sera soumis à la signature des pays en voie de développement une fois complètement verrouillé et sans qu'aucune modification puisse lui être apportée. De plus, alors que ce projet de traité est négocié uniquement entre des Etats, il vise essentiellement à ouvrir des droits au profit de personnes privées (physiques ou morales) et entraîne des abandons de souveraineté. Les grandes sociétés transnationales obtiennent petit à petit que la sphère économique soit débarrassée de toute intervention publique. Lentement mais sûrement, les peuples se trouvent dépossédés de leur droit de choisir et se voient imposer des décisions qu'ils auraient ou ont refusées dans le cadre national, lieu principal de l'exercice de la démocratie. Compte tenu de ces enjeux considérables et de la parfaite opacité qui règne autour de ces négociations, M. Pierre Carassus demande à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie de bien vouloir lui indiquer qui sont les négociateurs français, quelle mission leur a été confiée et quelle est la position du Gouvernement sur ce dossier.
Texte de la REPONSE : Le conseil de l'OCDE, réuni au niveau ministériel a autorisé en mai 1995 l'ouverture de négociations en vue de parvenir à la conclusion d'un accord multilatéral sur l'investissement (AMI). Un groupe de négociation a commencé ses travaux en septembre 1995. La conclusion de l'accord a été reportée à la réunion ministérielle de l'OCDE d'avril 1998. Ses principes de base sont les suivants : « L'objectif des négociations AMI est d'élaborer, au sein de l'OCDE, un cadre commun homogène pour l'investissement international. Ce cadre existe déjà : il est constitué par le réseau des accords bilatéraux d'investissement que tous les pays de l'OCDE possèdent. Cependant, ces accords présentent des divergences, de sortes qu'il a été jugé utile d'y substituer un accord multilatéral commun. Les négociations de l'AMI visent donc à harmoniser les règles existant déjà dans ces accords bilatéraux. L'AMI est un traité autonome» : il sera ouvert à la signature des pays non-membres de l'OCDE. Il ne sera imposé à aucun Etat mais tout pays pourra, s'il le souhaite et si l'ensemble des parties contractantes l'accepte, adhérer à l'AMI. A ce jour, Hong-Kong, l'Argentine, le Brésil, la Slovénie et les pays baltes ont manifesté leur intérêt. L'AMI comporte deux catégories de règles : l'AMI est un accord de non-discrimination en matière d'investissement international. Il comporte les règles classiques de non-discrimination du droit international : traitement national, clause de la nation la plus favorisée, transparence ; l'AMI est un accord de protection de l'investissement. Il s'agit notamment de l'interdiction des expropriations abusives. A ce titre, l'accord ne fait que reproduire à l'échelon international des dispositions qui existent déjà dans notre législation nationale «. Des difficultés sur des points majeurs subsistent dans la négociation. Comme l'a indiqué le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, l'Assemblée nationale le 4 février, il n'y aura accord que si les conditions suivantes sont remplies : l'accord doit condamner les législations américaines à portée extraterritoriale. Il s'agit notamment des lois Helms-Burton sur Cuba et d'Amato/Kennedy sur l'Iran. Ces législations interdisent aux entreprises étrangères d'investir dans un pays tiers, considéré comme un » Etat à problème «, sous peine de sanctions sur le sol américain. Ces lois, par leur caractère extraterritorial, constituent une atteinte inadmissible à la souveraineté nationale ; il n'y aura pas d'accord si l'exception culturelle et les résultats obtenus dans d'autres négociations internationales dans le domaine culturel sont remis en cause ; la concurrence pour attirer un investissement par l'abaissement des normes sociales ou des règles de protection de l'environnement devra être proscrite. Les entreprises devront respecter les normes sociales et environnementales fondamentales ; la capacité de l'Union européenne et de ses adhérents futurs à poursuivre leur intégration devra être préservée. L'Union européenne doit garder la possibilité de différencier entre entreprises européennes et entreprises étrangères non-européennes. La France est le troisième pays d'accueil de l'investissement international. Celui-ci représente 30 % des investissements et 25 % des emplois industriels de notre pays. La France souhaite continuer à attirer l'investissement étranger, créateur de richesses, d'activités et d'emploi sur notre territoire, comme ce fut le cas récemment pour Toyota à Valenciennes. Notre participation à l'AMI avait pour objectif de renforcer cette attractivité. Les entreprises françaises sont parallèlement parmi les premiers investisseurs à l'étranger au monde. L'investissement leur permet de renforcer leur présence sur les marchés extérieurs et de développer leurs exportations. Pour autant, un accord n'est concevable que s'il est conforme aux intérêts français. Compte tenu des difficultés en suspens, il n'est pas envisageable qu'un accord puisse être trouvé à la prochaine réunion ministérielle des 27 et 28 avril. La dernière réunion du groupe de négociations des 16 et 17 février a en effet démontré que des points de blocage majeurs subsistaient, notamment sur toutes les conditions présentées par la France. Le Gouvernement se félicite donc qu'un vaste débat se soit engagé à propos de cette négociation. Dans un souci de transparence, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, d'ailleurs, a décidé de rendre accessible le texte qui fait l'objet de la négociation sur le site Internet du ministère (http://www.finances.gouv.fr.).
RCV 11 REP_PUB Ile-de-France O