FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 988  de  M.   Jung Armand ( Socialiste - Bas-Rhin ) QOSD
Ministère interrogé :  économie
Ministère attributaire :  économie
Question publiée au JO le :  20/12/1999  page :  7185
Réponse publiée au JO le :  22/12/1999  page :  11235
Rubrique :  marchés publics
Tête d'analyse :  passation
Analyse :  critères sociaux. réglementation
Texte de la QUESTION : M. Armand Jung souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la portée d'un jugement rendu par le tribunal administratif de Strasbourg le 30 novembre dernier, qui remet en question ce que l'on appelle le critère du « mieux-disant social » dans le cadre de la procédure d'appel d'offres lors de la passation de marchés publics. Depuis une dizaine d'années, la communauté urbaine de Strasbourg inclut dans ses appels d'offres une obligation pour les candidats de présenter un volet social à destination des salariés. Si ce critère de mieux-disant social ne figure pas dans le code des marchés publics, des circulaires viennent régulièrement inciter les collectivités locales à favoriser les régies de quartier et les entreprises d'insertion. Pour les élus strasbourgeois, cette exigence supplémentaire inscrit dans la commande publique la lutte contre le chômage et privilégie la formation et l'insertion professionnelles. Or, un jugement du tribunal administratif de Strasbourg en date du 30 novembre 1999, sur déféré préfectoral, vient d'annuler un marché public de la communauté urbaine de Strasbourg au motif que la présence dans l'appel d'offres de ce critère de mieux-disant social est illégale. Ce jugement risque d'être lourd de conséquences, au plan local, et sans doute, à terme, au plan national, sur le développement des structures d'insertion par l'économie. C'est pourquoi il lui demande s'il envisage de faire évoluer le droit dans ce domaine afin d'inscrire ce mieux-disant social dans la réglementation de l'achat public.
Texte de la REPONSE : Mme la présidente. M. Armand Jung a présenté une question, n° 988, ainsi rédigée:
«M. Armand Jung souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la portée d'un jugement rendu par le tribunal administratif de Strasbourg le 30 novembre dernier, qui remet en question ce que l'on appelle le critère du «mieux-disant social» dans le cadre de la procédure d'appel d'offres lors de la passation de marchés publics. Depuis une dizaine d'années, la communauté urbaine de Strasbourg inclut dans ses appels d'offres une obligation pour les candidats de présenter un volet social à destination des salariés. Si ce critère de mieux-disant social ne figure pas dans le code des marchés publics, des circulaires viennent régulièrement inciter les collectivités locales à favoriser les régies de quartier et les entreprises d'insertion. Pour les élus strasbourgeois, cette exigence supplémentaire inscrit dans la commande publique la lutte contre le chômage et privilégie la formation et l'insertion professionnelles. Or, un jugement du tribunal administratif de Strasbourg en date du 30 novembre 1999, sur déféré préfectoral, vient d'annuler un marché public de la communauté urbaine de Strasbourg au motif que la présence dans l'appel d'offres de ce critère de mieux-disant social est illégale. Ce jugement risque d'être lourd de conséquences, au plan local, et sans doute, à terme, au plan national, sur le développement des structures d'insertion par l'économie. C'est pourquoi il lui demande s'il envisage de faire évoluer le droit dans ce domaine afin d'inscrire ce mieux-disant social dans la réglementation de l'achat public.»
La parole est à M. Armand Jung, pour exposer sa question.
M. Armand Jung. Je souhaite appeler l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la portée d'un jugement que le tribunal administratif de Strasbourg a rendu le 30 novembre dernier, qui remet en question ce que l'on appelle le critère du «mieux-disant social» dans le cadre de la procédure d'appel d'offres lors de la passation de marchés publics.
Depuis une dizaine d'années, la communauté urbaine de Strasbourg inclut dans ses appels d'offres une obligation pour les candidats à présenter un volet social à destination des salariés. Si ce critère de mieux-disant social ne figure pas dans le code des marchés publics, des circulaires viennent régulièrement inciter les collectivités locales à favoriser les régies de quartier et les entreprises d'insertion. Pour les élus strasbourgeois, cette exigence supplémentaire inscrit dans la commande publique la lutte contre le chômage et privilégie la formation et l'insertion professionnelle.
Or le jugement pris par le tribunal administratif de Strasbourg le 30 novembre 1999, sur déféré préfectoral, vient d'annuler un marché public de la communauté urbaine de Strasbourg au motif que la présence dans l'appel d'offres de ce critère de mieux-disant social est illégale.
Ce jugement risque d'être lourd de conséquences, sur le plan local, et sans doute, à terme, au niveau national, sur le développement des structures d'insertion par l'économie. Je note d'ailleurs que la gravité de l'affaire a conduit le maire de Strasbourg, M. Roland Ries, à alerter immédiatement par courrier, le 2 décembre dernier, le Premier ministre, M. Lionel Jospin.
On a pu constater, à Strasbourg, que les grands chantiers comme le tramway, la construction du siège du Parlement européen, le soutien au tiers secteur - associations et entreprises intermédiaires - le développement des régies de quartier constituent des outils puissants de lutte contre la précarité. Avec la jurisprudence du tribunal administratif de Strasbourg, c'est cette véritable chance de resocialisation et de qualification professionnelle offerte par le mieux-disant social qui s'évanouit au profit d'une application littérale de la réglementation des marchés publics dont on se rend compte qu'elle se montre protectrice à l'excès d'une conception éminemment libérale de l'économie et peu soucieuse des droits sociaux.
C'est pourquoi j'aimerais savoir si M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie envisage de faire évoluer le droit dans ce domaine, afin d'inscrire le mieux-disant social dans la réglementation de l'achat public ou, tout au moins, d'améliorer la conformité entre la loi et les dispositions réglementaires y afférentes.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat. Monsieur le député, le jugement du tribunal administratif de Strasbourg, auquel vous vous référez M. Jung, fait une application rigoureuse de la règle selon laquelle les critères d'attribution des marchés publics ne doivent pas être étrangers à l'objet du marché. Cette règle est affirmée dans le code des marchés publics, mais elle est également contenue dans les directives communautaires sur les marchés publics. La Cour de justice des Communautés européennes s'était d'ailleurs prononcée dans le même sens que le tribunal de Strasbourg, dans un arrêt de 1988.
Nous nous trouvons ici en face de deux exigences contradictoires. D'une part, les marchés publics devraient pouvoir constituer un instrument, parmi d'autres, de soutien aux actions d'insertion ou de réinsertion. D'autre part, le droit de la commande publique est régi par le principe d'égalité d'accès des entreprises aux marchés publics, qui prohibe toute mesure discriminatoire au profit d'une catégorie particulière de fournisseurs.
Des solutions existent néanmoins qui permettent de prendre en compte des aspects sociaux dans les marchés publics.
Tout d'abord, il doit être clair que les entreprises dites du tiers secteur, comme les régies de quartier ou les entreprises d'insertion, peuvent concourir aux marchés publics, dans des conditions d'égalité avec les autres entreprises candidates. C'est ce qui, souvent, leur pose des problèmes.
Ensuite, il faut rappeler qu'une offre ne peut être retenue pour un marché sur la seule base de ce qu'on appelle le «mieux-disant social». En revanche, les acheteurs publics sont en droit d'imposer, dans leurs cahiers des charges, à toutes les entreprises, de souscrire à des obligations à caractère social, en sachant que ces obligations ne doivent pas avoir un caractère discriminatoire.
Le fait d'écrire ces obligations à caractère social dans le cahier des charges du marché et de ne pas les retenir comme critère de choix d'une entreprise, remet les entreprises à égalité de concurrence. En effet, lorsqu'on impose des obligations à caractère social, cela entraîne une surcharge de travail et une augmentation de l'encadrement des équipes pour toutes les entreprises, quel que soit le secteur. Par ce biais, on établit donc une égalité des chances de remporter le marché pour toutes les entreprises et, en particulier, pour celles qui font un gros effort en matière d'insertion ou de réinsertion, ainsi que pour les entreprises régies de quartier.
De tels engagements de moyens demandés identiquement à toutes les entreprises concurrentes ne sauraient donc servir à les départager, mais s'imposent ensuite au titulaire du marché, ce qui permet, en cas d'échec de suivi de marché, de faire jouer des pénalités pour non-respect du cahier des charges.
Toute la finesse du dispositif vient de là.
Si nous avons la chance de voir rapidement inscrit à l'ordre du jour le texte sur la réforme du code des marchés publics, peut-être pourrons-nous, au détour de ce texte, réécrire le droit exact positif afin d'éviter que des entreprises interjetant appel devant un tribunal pour ce motif n'aient gain de cause, comme cela a été le cas à Strasbourg.
Si nous réécrivons le droit, il faudra vérifier sa conformité aux directives européennes afin que nos entreprises ne se heurtent pas à des difficultés supplémentaires. Pour les entreprises qui ont fait un gros effort d'insertion ou de réinsertion, l'échec est encore plus dur lorsqu'elles ont justement mis cette volonté en avant.
Je vais demander à mon collègue Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, de bien vouloir faire avec les parlementaires le point du droit actuel, de façon plus précise que je n'ai pu le faire. Ce sera un bon moyen d'information pour les collectivités territoriales. Si nous sentons qu'une impossibilité se fait jour, nous pourrons intervenir dans le cadre de la future réforme des marchés publics qui, je l'espère, viendra prochainement en discussion devant le Parlement.
Mme la présidente. La parole est à M. Armand Jung.
M. Armand Jung. Je vous remercie, madame la secrétaire d'Etat, pour cette réponse qui ouvre des perspectives. J'en ferai part aux associations locales et aux élus strasbourgeois.
SOC 11 REP_PUB Alsace O