Texte de la QUESTION :
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M. Jean-Pierre Dupont souhaite attirer l'attention de Mme le ministre de la culture et de la communication sur le problème de l'application aux bibliothèques publiques d'un « droit à prêt » prévu par la directive européenne 92/100/CEE du 19 novembre 1992. L'article 5 de cette directive prévoit que « les Etats membres peuvent déroger au droit exclusif de prêt public, compte tenu de leurs objectifs de promotion culturelle. Ils peuvent exempter certains établissements du paiement de ce droit ». Depuis 1992, la France n'a jamais adopté cette directive mais, aujourd'hui, certains éditeurs et sociétés d'auteurs, se disant lésés, font campagne pour l'instauration d'un droit à prêt en France, qui serait appliqué aux bibliothèques publiques. Cependant, il est faux d'affirmer que les bibliothèques font du tort aux auteurs et aux éditeurs. Les emprunts de livres ne nuisent pas à l'achat en librairie, comme le montre l'enquête de 1995 faite par l'Observatoire de l'économie du livre, à la demande de la direction du livre et de la lecture. Au contraire, les acquisitions de plus en plus importantes effectuées par les bibliothèques publiques permettent l'édition d'ouvrages même difficiles et coûteux et assurent la conservation de livres rares, qu'un lecteur ne trouvera plus chez son libraire. En conséquence, il lui demande de bien vouloir lui préciser sa position sur ce sujet et, le cas échéant, si son ministère entend adopter la dérogation prévue à l'article 5 de la directive européenne pour les documents imprimés, prêtés ou consultés sur place dans les bibliothèques publiques.
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Texte de la REPONSE :
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La directive européenne du 19 novembre 1992 a reconnu le droit exclusif pour un auteur, un artiste-interprète, un producteur de phonogramme, ou un producteur d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles, d'autoriser ou d'interdire le prêt de son oeuvre et de percevoir le cas échéant une rémunération au titre de cette utilisation, le prêt n'englobant pas au sens de ce texte la mise à disposition de documents à des fins de consultation sur place. Sous la forme du droit de destination qui permet aux ayants droit de céder autant de droits qu'il y a de modes d'utilisation d'un support d'information, le droit français de la propriété intellectuelle s'est avéré être sur ce point d'ores et déjà en pleine conformité avec la directive européenne. Si l'existence et la légitimité du droit de prêt ne sont pas contestables sur le plan juridique, il n'en est pas moins vrai que la question de son application par l'ensemble des organismes de prêt, et particulièrement les bibliothèques publiques, est demeurée entière. Quoi qu'il en soit, l'application du droit de prêt ne saurait en aucun cas, dans l'esprit du Gouvernement, freiner l'essor de la lecture publique, constamment encouragée par l'Etat, ni faire obstacle à l'action que mènent les bibliothèques pour un égal accès de tous au livre. Ce souci doit d'autant plus prévaloir que les études menées par le ministère chargé de la culture, en association avec les organismes représentatifs des auteurs, des éditeurs, des libraires et des bibliothécaires, n'ont pas fait apparaître que l'emprunt en bibliothèque concurrence ou décourage de manière significative l'achat de livres en librairie. Attentif aux souhaits des ayants droit et aux préoccupations des libraires comme aux enjeux de lecture publique portés par les élus et les professionnels des bibliothèques, le Gouvernement a choisi de conditionner l'examen des modalités d'application du droit de prêt à un consensus entre les uns et les autres. En vue de favoriser ce consensus et de permettre une étude sereine et approfondie de la question du droit de prêt en bibliothèque, le ministère de la culture et de la communication vient de confier à M. Jean-Marie Borzeix une mission de réflexion et de concertation, dont les conclusions devraient être connues d'ici à la fin du premier semestre.
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